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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

/ " Je ne peux ni ne veux" Prédication à l'occasion de notre fête de la Réforme le 21 mai. Robert Philipoussi /



TEXTE DU JOUR   

1 Pierre 3.15-18

15 Mais, dans votre cœur, consacrez le Christ comme Seigneur ; soyez toujours prêts à présenter votre défense devant quiconque vous demande de rendre compte de l'espérance qui est en vous, 16 mais faites-le avec douceur et respect, en ayant une bonne conscience ; afin que, sur le point même où l'on vous accuse, ceux qui injurient votre bonne conduite dans le Christ soient pris de honte

 

Ma prédication sera plus brève que d'habitude. Elle vaudra sans doute pour la proclamation de cette joie sans cesse renouvelée de trouver dans des textes du jour des accointances avec nos décisions aléatoires d'organiser localement des événements. Comme quand parfois, on dirait que les inconscients de deux personnes se parlent avant même qu'elles se rencontrent. L’inconscient de Luther plane sur cette journée, la mémoire de son geste. Cette recommandation de la première lettre de Pierre vient'incruste aujourd'hui pour nous dévoiler cette ligne qui provient de l'antiquité, croise le bouleversement dans la tête de Luther et passe par nous aujourd'hui qui sommes protestants peut-être, mais qui pourrions au delà de la platitude qui consiste à seulement « être » nous poser la question de comment ça se fait. 

Soyez toujours prêts. Nous dit l'auteur de cette lettre. Certes cela nous fait évidemment penser à la fameuse devise scoute, cela nous envoie aussi dans la mentalité de gens qui pensaient vivre la fin du temps et qui se mettaient en posture de « veilleurs » pour ne pas rater la venue du fils de l'Homme, il s'agit plutôt ici d'être prêt dans un enjeu particulier.

Soyez toujours prêts à présenter votre défense. 

Et immédiatement, nous sommes convoqués, par ce jeu anachronique à la diète de Worms, où Luther présente sa défense. Et évidemment il était prêt et pourquoi ? Et bien parce qu'il avait passé toute sa vie qui précédait ce grand moment à étudier , à traduire, à enseigner, à prêcher les textes bibliques. Et je pense que cette possibilité de se trouver toujours prêt n'est pas juste une question de positionnement mental, nous ne sommes pas dans la culture d'un art martial, mais provient de la rumination permanente des textes qui nous sont offerts par notre tradition. Je suggère que c'est cette rumination, cette étude, libre, qui fait fonctionner ensemble les inconscients les plus divers et qui produit des coïncidences merveilleuses qui aboutissent à la pleine certitude que ces textes se mettent à parler, à certains bons moments. En particulier quand nous sommes interpellés, et que nous devons réagir en « défense » - le mot grec est « apologie » - l'apologétique étant une discipline oubliée de la théologie, car elle a été hélas monopolisée par un courant littéraliste, alors qu'il pourrait ne pas s'agir que de défendre des formules, mais de présenter la joie qu'il y a de sentir la grâce de Dieu à notre égard. 

Notons qu'il ne s'agit pas de faire de l'apologie en soi, c'est à dire , et c'est un vieux truc, qui a beaucoup de succès- de répondre à des questions que personne ne se pose afin d'implanter dans l'esprit de gens qui avant allaient bien une source nouvelle d'angoisse . Il s'agit de répondre à qui nous demande. Car tout cela part bien d'un désir. Et effectivement quand cette demande s'exprime devant nous, c'est le comble de la tristesse de répondre « allez voir le pasteur » ou «  je sais pas » ou « le doute c'est la base de la foi » , et c'est ce qui arrive quand on n'a pas la pratique de la rumination des textes. On ne sait pas quoi dire.

Répondre. En répondre. Etre responsable. La notion qui semble collée à l'éthos protestant. 

Répondre avec respect et douceur. Cela va de soi. Cela veut simplement dire que la demande qui vient est peut être aussi une des ces façons qu'à la parole de Dieu pour réorienter la réponse que j'aurais déjà pré emballée, et que ma véritable responsabilité sera de lier ma réponse à la question et non pas de projeter mes éléments de langage tout préparés. Respect.

En ayant une bonne conscience, dit le texte. Ici ne veut pas dire ce que ça évoque d'emblée à l'oreille «  être satisfait d'avance d'accomplir le bien » mais tout simplement avoir une bonne conscience de ce qui se passe dans ce dialogue, être présent, éveillé, sensible à toutes les inflexions de cet événement, en étant parfaitement sensible aussi au plus intime de l'intime de nous-mêmes. 

Et cela fait penser bien entendu, à cette « conscience de Luther » . Luther aurait inventé « la conscience moderne » «  je ne peux et ne veux rien retirer parce que ce n'est pas juste ni salutaire d'aller contre sa conscience ». Et rien que pour ça, je pardonne à Luther toutes les erreurs qui suivront.

Et enfin, il y a cette honte dans laquelle seraient plongés grâce à notre réponse fulgurante , ceux qui nous auraient attaqués . Ou confusion pourrait-on traduire. Je ne sais pas ce que ça veut dire, ni s'il s'agit là d'un projet que de plonger les gens dans la honte. Mais juste, quand une parole de responsabilité surgit , préparée par une habitude de la fréquentation des textes qui sont à notre disposition, quand cette réponse arrive dans le moment qu'il faut et avec les mots qu'il faut, ce acte de clarté et d'évidence est si fort, qu'il ne peut qu'entrainer la révélation chez le sophiste en face de l'inanité éventuelle de ses motivations et de son argumentation.

Soyez toujours prêts. 

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