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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

PREDICATION DU 20 DECEMBRE 2015



Ésaïe 43

18Ne pensez plus aux événements passés, Et ne considérez plus ce qui est ancien. 19Voici, je vais faire une chose nouvelle, sur le point d'arriver: Ne la connaîtrez-vous pas? Je mettrai un chemin dans le désert, Et des fleuves dans la solitude. 

LUC 1.39-45 

39En ces jours-là, Marie partit en hâte vers la région montagneuse et se rendit dans une ville de Juda. 40Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth. 41Dès qu’Elisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit dans son ventre. Elisabeth fut remplie d’Esprit saint 42et cria :Bénie sois-tu entre les femmes,et béni soit le fruit de ton ventre !43Comment m’est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne me voir ? 44Car dès que ta salutation a retenti à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse dans mon ventre. 45Heureuse celle qui a cru, car ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s’accomplira !

 

PREDICATION

Les évangiles ont résolu de diverses manières et à chaque fois de façon subtile la complication crée par le fait de l'existence de deux groupes différents qui chacun voyait qui en Jean le baptiste, qui en Jésus de Nazareth, le Messie annoncé et attendu .

Les évangiles bien sûr sont les écrits militants de ce second groupe, des croyants en Jésus le Messie, ou Jésus Christ en grec. Nous allons voir comment les évangiles, et particulièrement dans cet extrait de Luc, tiennent compte dans les divers récits qui parlent de Jean le baptiseur de l'existence de l'autre groupe. Il ne s'agit pas pour eux de nier l'autre, mais au contraire de le magnifier, tout en décrivant son nécessaire effacement, tout en lui substituant la figure de Jésus de Nazareth. Et nous allons voir comment ce procédé là est une bonne nouvelle et pourquoi.

 

La phrase de Matthieu 11 est l'emblème de ce mouvement de substitution : Je vous le dis en vérité, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n'en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste.

Ce qui est un message envoyé à l'autre groupe, mais le texte ajoute :

Cependant, le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui.

Ici dans notre récit de Luc, nous voyons cette méthode s'accomplir et s'accomplir dans cette rencontre entre la vieille femme enceinte qui était présumée stérile, Elisabeth et la jeune femme enceinte dénommée Marie - dont on peut noter au passage la grande liberté de mouvement, par rapport à Elisabeth qui est statique, Marie partit en hâte - Marie est jeune - vers la région montagneuse et se rendit dans une ville de Juda, Marie à qui un messager appelé Gabriel, que certains ont peut être déjà rencontré, dimanche dernier, pendant le spectacle de Noel, avait annoncé , à sa grande stupeur, qu'elle allait être aussi enceinte. Le même Gabriel qui selon Luc avait annoncé aussi à Elisabeth, qu'elle allait être aussi miraculeusement enceinte. Ce qui était surement une croyance des cercles baptistes.

Donc avant cette rencontre, qui est en fait un match, les forces sont décrites comme égales. Deux femmes miraculeusement enceintes, une ancienne, une neuve, qui vont se rencontrer.

Et ce qui va être raconté est de l'ordre de la subversion.

La première subversion a été de créer un lien entre les deux femmes et donc entre les deux futurs enfants. Ce qui, évidemment va diluer la séparation des deux groupes. Avec ce lien créé, une histoire, donc du sens peut désormais passer.

Certes, Elisabeth et son fils Jean précèdent. Mais alors que dans la probable réalité historique, Jésus a d'abord été un disciple de Jean, baptisé par lui ce qui est d'ailleurs décrit par les évangiles en dehors du contexte particulier des récits de naissance, en terme de subordination paradoxale, ici dans cette histoire, il est décrit une transmission de l'Esprit de Dieu qui part de l'interieur du ventre de Marie vers l'enfant presque à terme d'Elisabeth, qui à ce moment là tréssaille, saute sursaute, presque danse, ce qui est la description d'une transe spirituelle, un baptême de l'Esprit Saint, reçu par la vieille Elisabeth, en provenance de la jeune Marie.

Ce que l'on constate dans ce récit, c'est l'effronterie presque naïve mais très intelligente d'un jeune et enthousiaste mouvement religieux qui va jusqu'à réécrire la légende d'Elisabeth. Elisabeth, symbole même d'une lignée de femmes Biblique, Elisabeth, redondance littéraire de la Sarah d'Abraham. Elisabeth, dont le nom peut signifier "Dieu est ma subsistance, ou Dieu est ma promesse". Elisabeth, femme d'un prêtre du Temple. Une réécriture, pour dire, non pas la transmission de cette subsistance de cette promesse, de la vieille à la jeune, ce qui déjà aurait été très fort - pour le dire un peu familièrement : j'ai failli être la mère du Messie mais en fait , petite Marie, c'est toi qui va l'être, mais c'est exactement l'inverse, le flux passe de Marie, de son ventre, vers Elisabeth.

La subversion subtile de ce jeune et effronté mouvement spirituel qui s'appellera bien plus tard le christianisme, consiste à dire que celui ci n'est pas issu de l'ancien, mais qu'il est entièrement nouveau au point de pouvoir revitaliser l'ancien, baptiser du saint esprit l'ancien .

Ce petit récit, qu'on a évidemment tendance à raconter avec beaucoup de sentimentalité est en fait un message radical envoyé aux disciples de Jean d'une part, mais plus généralement à l'ordre supposé ancien. Ce jeune mouvement religieux ne veut pas être un second testament isssu de l'ancien, mais se pose réellement comme une nouveauté, une nouvelle création, appelée à devenir un axe de lecture de tout ce qui a précédé. L'ancien devient le disciple du neuf.

Evidemment, ce que je décris ici ce n'est pas l'histoire, c'est la force idéologique, et pour ce faire, je reprends ce mot, cette effronterie, cette ivresse spirituelle, qui a été et sans nul doute le ferment principal du succés spectaculaire de ce mouvement, contrairement aux autres mouvements qui se voyaient eux mêmes comme des succésseurs, des réhabilitateurs, des puristes, et qui n'ont pas fait long feu. Sauf celui des Pharisiens.

Imaginez, donc, le choc qui a pu se produire chez les disciples de Jean le Baptiste, face à un telle subversion. Mais ce choc, c'est le choc provoqué par l'évangile à chaque fois qu'on le réveille, à chaque fois que l'on se rend compte de ce qu'il est. Neuf.

Alors, ce que je veux retenir ce matin comme bonne nouvelle, car oui, y compris après un aperçu historique et idéologique tel que je viens de le faire, il est possible de discerner une bonne nouvelle.

La première est de nous rappeler cette effronterie et cette jeunesse qui a présidé à l'écriture de ces magnifiques récits, qui souvent pour nous restent souvent emplatrés sous forme de santons.

La jeunesse, c'est la caractéristique de l'évangile, regardez Marie, c'est elle qui bouge, on la croit arrivée en dernier, et elle se positionne comme première.

Cette jeunesse, cette mobilité elle doit devenir le coeur de notre foi.

Bien sûr, je n'ignore pas que tous, ici plus ou moins, nous sommes âgés, mais cette jeunesse, si vous la cherchez elle n'a pas disparu, elle est là, au fond de vous, toujours prête à se révéler si vous ne vous êtes pas enfoui dans la convention de l'âge, si vous ne vous êtes pas fait contaminer par ce qu'on appelle l'Esprit de serieux, celui qui a occasionné les plus grands ravages dans notre Eglise.

Relisez ces textes, et en particulier ceux de Noël, vous découvrirez ô combien ils sont subversifs, malgré les siècles de traditions qui les ont empesé

Première bonne nouvelle, à Noël, vous êtes appelés non pas à redevenir jeune, mais à ne plus oublier que vous l'êtes. L'évangile est jeune, mobile, subversif, brillant et évidemment difficile à cadrer. Mais sans cette capacité, Jésus n'aurait été , éventuellement qu'un petit prophète complètement oublié. Et la subversion originelle de l'évangile, c'est elle qui fait qu'aujourd'hui vous êtes chrétiens.

La seconde bonne nouvelle pour ce matin c'est évidemment Marie, et son déplacement. A peine l'ange Gabriel lui annonce qu'elle va être enceinte, qu'elle part, aventureuse voir Elisabeth. Nous avons regardé ce mouvement du point de vue littéraire et idéologique, et constaté la subversion qui s'opère dans cette rencontre, mais maintenant contemplons juste ce mouvement, cette liberté là pour cette femme de prendre la décision de partir par la montagne, seule, enceinte, dans le seul motif de regarder ce que je peux appeler l'ordre ancien, et lui rendre hommage. Marie ici c'est celle qui se déplace pour aller interpréter, ce n'est pas quelqu'un qui attend que le sens lui tombe tout cuit. Elle y va, elle est libre.

Elle se déplace d'abord.

Le miracle de Noel, pour chacun de nous, ce ne sera pas la venue d'un bébé qui va opérer un déplacement de nos mentalités. Ce sera d'abord le courage que nous aurons ou pas de nous déplacer, de bouger, pour aller voir, considérer ce qui se passe, interpréter l'ordre ancien, et laisser vivre le nouveau, l'éternemment nouvel esprit de Dieu en nous. 

 

Ésaïe 43

18Ne pensez plus aux événements passés, Et ne considérez plus ce qui est ancien. 19Voici, je vais faire une chose nouvelle, sur le point d'arriver: Ne la connaîtrez-vous pas? Je mettrai un chemin dans le désert, Et des fleuves dans la solitude. 

AMEN

 

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