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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

PREDICATION DU 4 OCTOBRE 2015

Peut-il être sauvé ? Car le salut, cette notion abandonnée des radars théologiques commence à reprendre du sens aujourd'hui.



PAROLE D'ILLUMINATION _robert

 

Hébreux 4.12-13 (avec cette traduction en F. C )

12La parole de Dieu est vivante, elle est pleine de force. Elle coupe mieux qu’une épée qui coupe des deux côtés. La parole de Dieu entre en nous en profondeur. Elle va jusqu’au fond de notre cœur, jusqu’aux articulations et jusqu’à la moelle. Elle juge les intentions et les pensées du cœur. 13Rien n’est caché pour Dieu. Tout ce qu’il a fait se présente ouvertement devant ses yeux. Son regard découvre tout, et c’est à lui que nous devons rendre compte.

 

 

Marc 10.17-30 _lecteur (avec cette traduction en F. C )

 

17Au moment où Jésus veut partir, un homme arrive en courant. Il se met à genoux devant lui et lui demande : « Bon maître, qu’est-ce que je dois faire pour recevoir la vie éternelle ? » 18Jésus lui répond : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Personne n’est bon, sauf Dieu ! 19Tu connais les commandements : Ne tue personne. Ne commets pas d’adultère. Ne vole pas. Ne témoigne pas faussement contre quelqu’un. Ne fais pas de mal aux autres. Respecte ton père et ta mère. »20L’homme lui dit : « Maître, j’obéis à tout cela depuis ma jeunesse. » 21Jésus le regarde et l'aime; il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as et donne l’argent aux pauvres. Alors tu auras des richesses auprès de Dieu. Ensuite, viens et suis-moi. » 22Mais quand cet homme entend cela, il prend un air sombre et il s’en va tout triste parce qu’il possède beaucoup de choses.

23Jésus regarde ses disciples qui sont autour de lui, et il leur dit : « Pour ceux qui ont des richesses, c’est vraiment difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu ! » 24Les disciples sont très étonnés par ces paroles, mais Jésus leur dit encore : « Mes amis, c’est vraiment difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu ! 25Est-ce qu’un chameau peut passer facilement par le trou d’une aiguille ? Eh bien, pour un riche, c’est encore plus difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu. » 26Les disciples sont de plus en plus étonnés et ils se disent entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » 27Jésus les regarde et leur dit : « Pour les hommes, c’est impossible, mais non pour Dieu. En effet, pour Dieu, tout est possible. »

 

PREDICATION

 

Le voici, il arrive en courant, celui qui ne fait pas un bon usage du monde. Celui qui le pratique en mode utilisateur. Qu'est ce qu'il veut ? Il veut savoir comment recevoir, comment hériter "la vie éternelle". Puisque ça, semble-t-il, il ne l'a pas. Auparavant, il n'en avait jamais entendu parler. Mais depuis un certain temps, tout le monde en parle. Et donc lui aussi, il la veut, lui aussi, sa vie "éternelle" !

Et bien quoi, "la vie éternelle", c'est un bien comme un autre, et donc, comme tout bien, cela s'acquiert. Et puisqu'il a entendu parler de celui-ci qui d'après ce qu'on raconte a les moyens d'indiquer comment on peut acquérir ce bien là, il accourt. Comme dans un jour où on délivre de la nourriture en organisant de la pénurie, il faut arriver avant tout le monde. Il court.

Et quand on veut acquérir quelque chose de quelqu'un qui le possède et bien, on se met à genoux et puis on le flatte.

 

"Bon maître", dit il,à Jésus.

Et bien sur Jésus se moque de lui. Pourquoi m'appelle tu bon " seul Dieu est bon".

 

Là, le lecteur se dit " quel malin, ce Jésus, il désamorce immédiatement la grossière flatterie interéssée de l'homme .-"

Mais s'il s'arrête là , le lecteur, c'est à dire qu'il borne son interprétation du texte sous l'angle habituel et très peu significatif qui consiste à prouver que Jésus est génial, et bien, et je vais tenter de le montrer, il se trompe. Les textes évangéliques n'ont pas pour seul but de dire combien Jésus est génial et qu'il faut l'adorer ou le suivre, ou pire, en faire une religion. Et amen ! Ils disent quelque chose d'autre, et Jésus, quand il est dans un texte est un personnage. Comment dire. Même si le texte rapporte des paroles qu'il a dites, ce n'est pas le vrai Jésus qui est parle : c'est de l'encre et du sens dans un livre et dans un récit. Comme tel, c'est un agent parmi d'autre qui met en branle une direction, un sens, une découverte de sagesse, de savoir vivre.

 

Je note que Jésus, dans ce récit, à la flatterie de l'homme, rappelle le mot Dieu. Et tout de suite après, il dresse une liste de commandements, liste à laquelle l'homme réagit en disant qu'il les a tous appliqués.

Mais qu'est ce qu'ils ont de spécial ces commendements plus ou moins tirés du décalogue ? Plus ou moins car "ne fais pas de mal aux autres" n'est pas, littéralement, dans le décalogue.

Ils ont de spécial ceci : cette liste proposée par Jésus à cet homme omet une série de commandements. A savoir : tous les commandements qui évoquent Dieu. Le décalogue se décompose en deux parties : celle qui parle du respect de Dieu, et celle qui parle du respect de l'humain. Et les deux parties, interagissent. Font le sens.

 

Avec un commandement mixte qui est celui de se souvenir du sabbat - en mémoire du jour où Dieu, comme vous l'avez entendu tout à l'heure par la voix des catéchumènes, a cessé de créer, quand il s'est reposé.

Aucun des commandements de cette partie là ne figure dans la liste de Jésus: se rappeler que Dieu t'a sorti de l'esclavage, ne pas avoir d'autre dieu que lui, n'en faire aucune représentation; ne pas se prosterner devant d'autres dieux, ne pas invoquer ton Dieu n'importe comment, et cesser ton travail le septième jour après avoir accompli tout ce que tu avais à faire pendant les 6 premiers jours.

Donc Jésus lui jette une liste de commandements où ne figure aucune responsabilité envers Dieu, une liste, purement morale, où Dieu n'est pas un souci. C'est à dire qu'il créé un vide béant pour voir sans doute si son interlecteur percute. Mais non, car celui-ci se précipite pour répondre qu'il a tout bien fait depuis toujours. Ah mais on aurait tous réagi pareil. Je ne connais personne qui face à un problème dit : j'ai en gros raté tout ce à quoi je me suis engagé.

 

Pourtant, il lui avait dit . Il lui avait rappelé "Dieu", juste avant. En disant que "Dieu" seul est bon. Il avait agi comme un examinateur bienveillant face à un candidat traumatisé à qui on tend une perche . Mais l'autre ne l'a pas saisi.

Mais ce n'est pas tout. Dans cette liste que produit Jésus, vous l'avez entendu il ajoute un commandement vague qui consiste à " ne faire pas de mal" , mais ce faisant il a carotté, si je puis dire, un autre commandement, le dernier, très important : celui qui dit " tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain, ni sa femme d'ailleurs, ni son serviteur, ni sa servante évidemment, ni son boeuf, ni son âne, et là on dirait que le graveur sur les fameuses tables s'est dit : je vais arrêter cette liste sinon on n'en finira plus et il est donc écrit : ni rien qui appartienne à ton prochain. Comme ça, c'est clair.

 

A cette nouvelle ommission, l'homme non plus n'a pas réagi. Car son problème est là : il a tout simplement oublié Dieu, je veux dire par là qu'il a gommé de sa vie toute la dimension qui rend ce fameux respect de l'homme possible et fondé, il a oublié la double dimension réciproque : respecter Dieu et respecter l'homme, les deux dimensions s'activant réciproquement . Oublier la dimension du respect de Dieu , c'est s'enfermer dans une morale intenable car fondée sur rien. Mais Jésus aurait pu aussi bien lui balancer la liste des commandements du respect de Dieu en gommant les autres, ce qui aurait suggéré le cas de figure où on adore tellement Dieu qu'on s'autorise tous tous les carnages possibles.

 

Pratiquer la justice, selon la Bible, c'est respecter la réciprocité de demandes de respecter Dieu et de respecter l'humain. C'est d'une simplicité biblique, comme le rappelle le prophète Michée: On t'a dit o Homme, ce qui est bon, et ce que le Seigneur exige de toi : rien d'autre que de respecter la justice, d'aimer la fidélité et t'appliquer à marcher avec ton Dieu.

 

Et qui est il celui ci, qui est venu en courant, qui s'est mis à genoux: il est celui qui est dévoré par la convoitise, en l'occurence " de la vie éternelle", en s'imaginant que c'est une chose, cette "vie éternelle", un "avoir", alors que cette vie "éternelle", c'est juste la vie "pleine" , en y ayant inclu la présence de Dieu en son coeur. Ce qui donne de la vie à la vie. De l'éternité à la chair. Une sacralité à la création. La vie éternelle, c'est ça la vie "bonne".

Cet homme qui va être révélé à lui-même suscite en Jésus un sentiment d'amour. Le texte dit "il l'aima". Contrairement à ce qu'on s'imagine de Jésus, l'expression de ce sentiment par Jésus est assez rare.

Jésus est plein d'amour pour cet homme à la spiritualité hémiplégique, qui court sans s'arrêter pour amasser des biens, qui n'a aucun sens de la vibration de toute la création, qui convoite un bien religieux comme il négocierait des récoltes, qui n'a aucune intelligence, qui est un abruti. Un homme riche. Qui possède, qui a des biens mais rien de bon, qui s'en repartira triste, quelqu'un dont on se moquera avec la fameuse parabole du chameau qui a de la peine à rentrer dans le trou d'une aiguille. Bonne blague. Il est riche.

 

Un évangile fulgurant, comme souvent chez Marc, destiné à ouvrir les yeux qui se refermeront aussitôt sur ce monde courant où la convoitise, d'argent, de serviteurs et de servantes, de boeufs ou d'âbes, de territoires réels, de territoires symboliques, ou intellectuels, ou religieux, un monde où la convoitise est la norme, l'idole de toutes les genuflexions et prosternations, de toutes les courses de l'humain qui ne cesse jamais, qui ne se reposera jamais dans le plaisir de faire partie de cette création qui nous est donnée et qui est désormais partout à vendre.

Pauvre humain, misérable oisillon au bec sans cesse ouvert pour s'engorger davantage, domestiquant ses semblables pour en tirer de l'argent pour ses maîtres encore plus haut, qui en plus voudrait "hériter la vie éternelle" ? Mais là, ce n'est pas possible, l'accumulation d'avoirs et de biens, ne se prolongera jamais vers la direction de ce qui est bon. Il partira triste, à cause de tout ce qu'il possède, mais c'est la description d'une infinie tristesse jamais comblée, même avec tout le bien être nécessaire et superflu.

"vends tous tes biens, donne l'argent aux pauvres" et suis moi". Il ne le fait pas évidemment. Mais le sens réel de cette défaite est que la solution n'est pas non plus - dans le fait explicite de se débarrasser de tous ses biens. La preuve, ce personnageanonyme qui est nous -même. Il n'y arrive pas, car cet homme là c'est nous. Il l'aurait fait, que cela n'aurait rien changé car alors son actions serait devenu une méthode, un process, et dans le domaine de la vie "bonne", de la vie éternelle, il y a pas de méthode ou d'astuce ou de recette, pas de process.

Il n'y a que du changement d'intelligence. S'apercevoir que tous ces biens n'ont pas la valeur qu'on leur conférait et cette valeur fictive qu'on leur conférait était bien cet obstacle vers la vie bonne, vers la vie éternelle. C'est la valeur que l'on conférait aux biens qui étaient l'obstable, et non pas les biens.

Le prédicateur qui dit à son assemblée : vendez tout, et vous serez heureux, n'aurait rien compris à ce texte qui raconte la vie même du lecteur qui s'en va triste après avoir lu ce texte, s'il n'a pas compris l'integralité du message du décalogue, s'il n'a pas insufflé dans sa pauvre vie de riche qu'il y a un horizon bien plus interessant, un horizon qu'il n'avait jamais pu imaginer auparavant, enfermé qu'il était dans sa manie, dans sa maladie d'humain détaché de la création au point qu'il en arrive à se rendre que ce don merveilleux qui lui a été fait est en train de s'évanouir devant ses yeux, parce qu'en fait, dans tout ce que Dieu a créé, rien n'était à vendre, et celui qui a voulu tout acheter risquera bientôt de se retrouver avec rien.

Peut-il être sauvé ? Car le salut, cette notion abandonnée des radars théologiques commence à reprendre du sens aujourd'hui.

Pourra t il être sauvé. La réponse est non, d'après Jésus dans Marc. C'est impossible pour l'homme de se sauver. Mais il ajoute: mais pour Dieu, rien n'est impossible.

 

Alors, moi, l'homme riche, je vais revenir vers Jésus et je vais lui dire que j'ai compris, que j'ai considéré mon manque. Il m'est apparu comme une immense bulle de vide qui occupait les trois quarts de mon existence. J'étais un abruti. Je n'ai pas besoin d'acquérir la vie bonne. Elle est là. C'est ma vie. Depuis que j'ouvre les yeux AMEN

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