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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

Prédication du 12 avril 2015

Ils disent : c'est le sang du Christ qui bat dans nos veines. Ils disent, et croient, même si c'est une folie pour le monde, que c'est le souffle du Christ qui remplisse leurs poumons. Ils sont désormais communs. Ils sont un. Il n'y a en plus d'autre. Ils sont fous. C'est la folie des premiers croyants au Christ.



Actes 4.32-35 32
La multitude de ceux qui étaient devenus croyants était un seul cœur et une seule âme. Personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais tout était commun entre eux. 33Avec une grande puissance, les apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et une grande grâce était sur eux tous. 34Parmi eux, en effet, personne n’était dans le dénuement ; car tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient, apportaient le prix de ce qu’ils avaient vendu 35et le déposaient aux pieds des apôtres ; et l’on distribuait à chacun selon ses besoins.

PREDICATION

Quelle surprise, mais quelle surprise de s'apercevoir que, le mot qui est utilisé ici pour dire que " tout était commun entre eux" est utilisé ici dans ce sens de "commun" que rarement dans le nouveau testament.

La plupart du temps, cela désigne ce qui est souillé, ou profane. Tiens donc ?

Marc 7 : 2 Ils virent quelques-uns de ses disciples prendre leurs repas avec des mains impures (koinos), c'est-à-dire, non lavées.

Actes 10 : 14 Mais Pierre dit : Non, Seigneur, car je n'ai jamais rien mangé de souillé (koinos) ni d'impur.

 Actes 10 : 28 Vous savez, leur dit-il, qu'il est défendu à un Juif de se lier avec un étranger ou d'entrer chez lui; mais Dieu m'a appris à ne regarder aucun homme comme souillé(koinos) et impur.

Romains 14 : 14 Je sais et je suis persuadé par le Seigneur Jésus que rien n'est impur (koinos) en soi, et qu'une chose n'est impure (koinos) que pour celui qui la croit impure (koinos).

 Il mettait tout en commun, en prolongeant, je vais dire qu'ils profanaient.

En détruisant l'idée même de la possibilité qu'il y ait un bien "à part", donc appartenant à quelqu'un, un bien que ce quelqu'un utilise pour le faire fructifier, au travers du travail des autres, indique en fait la venue d'un autre monde.

Le bien à part était dans le temple, et le profane - qui veut dire : devant le temple - venait périodiquement se débarrasser de la souillure. Or tout a éclaté. Or ce bien s'est répandu partout. Et pour tout le monde. Ce que mettait en commun ces premiers croyants au Christ dont les premiers faits et gestes sont racontés 50 ans plus tard par l'écrivain Luc dans les actes des apôtres, ce n'est pas simplement leurs biens...ce qu'ils mettaient en commun, c'est leur Dieu, leur Christ, leur foi.

 

Leur caractère commun. Leur souillure, leur profanité, leur impureté  :  ils les revendiquent, ils la partagent. Ce communisme là, est la mise en actes de cette stupéfiante découverte que ce Dieu gagé à l'interieur d'un édifice administré par des gérants parcimonieux, les prêtres, qui nous tenaient en haleine puisqu'en fait la souillure ils disant qu'elle était infinie, que ce Dieu là s'est libéré et qu'il nous a libérés.

 En mettant en commun leurs biens, ils disent en actes et à tout le monde une parole simple : ce qui était souillé impur, en fait globalement votre humanité, votre humanité qui était administrée, louée, rançonnée, et cette administration vous transformait en esclave de quelques uns, alors que vous étiez tout le monde ou presque, votre humanité est désormais sous le régime de la grâce qui dit = cette souillure est commune, et il n'y a plus aucun moyen administré , plus aucun artifice pour s'en débarrasser, alors si désormais cette souillure est universelle, sicette impureté là est commune, alors elle n'existe plus.

 Il n'y a plus aucun point de comparaison. Et comprenez, comprenez bien, vous êtes libérés de ce conditionnement ancien. Et cette libération, c'est cette grâce qui a fait exploser le Temple ancien comme elle a répandu entre vous tous l'esprit et le sang de celui dont vous étiez le disciple mais dont vous êtes maintenant les porteurs du souffle.

Ils disent : c'est le sang du Christ qui bat dans nos veines. Ils disent, et croient, même si c'est une folie pour le monde, que c'est le souffle du Christ qui remplisse leurs poumons. Ils sont désormais communs. Ils sont un. Il n'y a en plus d'autre. Ils sont fous. C'est la folie des premiers croyants au Christ.

 Ce peuple de profanes revendiqués, d'impurs devenus fiers de l'être et du coup de ne l'être plus, puisque personne ne leur intime de prescriptions de pureté, ont inventé dit on le communisme.

Mais c'est faux. Ils n'ont rien inventé du tout !

Et d'ailleurs dès la première baisse de l'enthousiasme, cela a commencé à déraper. Ca ne marche pas. Il y a toujours quelqu'un qui ne veut pas partager. Toujours quelqu'un qui ne veut pas dire en actes la parole. On a beau tous être "comme un" , il y a toujours quelqu'un d'autre.

 Parce que ces premiers croyants oubliaient quelque chose, que leur maître dont ils respirent le souffle, dont ils sont irrigués du sang qui coulent dans leur veines, leur maître, était lui, durant sa vie ce quelqu'un d'autre, et il l'a été jusqu'à la croix, quand le "commun" s'est mis contre lui, le désignant comme justement "l'impur" par excellence. Donc ça ne marche pas.

 Mais là n'est pas le problème, ce qu'ils disaient en actes, c'était ce bien désormais commun, cette vie de Dieu désormais pour tous, et il fallait le dire parfaitement et en actes, vendre ses biens et n'avoir que ce que tout le monde a.

 Mais ce que les premiers croyants au Christ, dans leur utopie de partage intégral, ont aussi proclamé en actes, c'est une chose encore plus fondamentale.

Ils rappelaient tout simplement la réalité de la vie humaine de la terre. Quand on y pense ne serait ce qu'une minute - et les plus grands possédants , les plus grands posséssifs le savent, et le cachent - c'est que la propriété avant d'être le vol, comme le disait ce qui s'appelait "chrétien mais chrétien raisonneur", Proudhon, est d'abord une pure illusion basée sur le consentement de ceux qui ne possèdent pas.

 Un jour, dit on, dans l'histoire, il y a eu un Monsieur qui est allé dans un endroit, qui l'a entouré, et a dit c'est à moi. Les autres l'ont accepté. Mais c'est toujours le cas. Personne ne voit plus l'ironie de la chose, et une police et le droit veille au respect de ce fantasme, mais la réalité c'est qu'en "soi" rien ne peut appartenir à personne. La terre que le paysan possède ne sait pas qu'elle est censée être possédée. L'arbre fruitier, le poulet aux hormones, ma voiture, mon chien , mon compte en banque, mon argent ne savent qu'ils sont "ma" propriété.

Mais tout le monde le croit. Sauf ceux qui savent que c'est une illusion, et qui massacrent régulièrement des gens qui veulent en finir avec celle-ci. Les massacres sont toujours opérés par ceux qui sont victimes d'une illusion.

 Les premiers chrétiens mettent le premier humain dans son enclos fictif, dehors, l'invite à regarder autour et à s'apercevoir que rien n'est vrai. Que le créateur n'a pas explicitement fantasmé un monde empli de propriétaires.

Mais le premier homme propriétaire rechigne. Il est rustre, on peut lui pardonner. Il dit "et ma femme alors, elle, elle sait que je la possède" " Qu'elle est à moi" . L'utopiste lui répond. Non, elle est esclave. Si tu la possèdes, elle est ton esclave. C'est ton rapport avec elle, mais elle, quand elle se réveillera, elle comprendra que son rapport avec toi, ce n'est pas que tu sois son propriétaire.

Pour l'instant elle est silencieuse car elle croit encore que c'est son destin.

 C'est ce que les premiers croyants au Christ disent aux esclaves qui vont dans les premières assemblées, on pourrait dire les premières communes.

 Ils leur disent - c'est malin - et d'ailleurs ce stratagème a fait l'objet de plusieurs thèses - d'accord vous avez un maître, monsieur dupont, mais ce que vous devez savoir c'est que lui aussi a un maître c'est Dieu. Et donc, vous avez le même maître. Il y a un maître au dessus de votre maître ! Il ne faudra pas longtemps pour ces esclaves ou ces impurs pour comprendre que leur maître finalement n'était qu'un maître relatif, et que puisque nous avons le même, nous sommes finalement , égaux. Que potentiellement, le communisme gracieux va être le ver dans le fruit de l'instutition esclavagiste et au delà de ça va devenir la prétention chrétienne de révéler l'égalité de chacun, au travers d'une destruction théologique de tout ce qui se prétendrait être reservé à quelques uns, usant d'artifices que la grâce fait voler en éclat.

 La grâce de Dieu, que les chrétiens proclament en se voulant "comme un" n'est pas d'abord un objet de foi "je crois en la grâce", elle est conçu comme une force qui vient détériorer les croyances artificielles et les illusions administrées.

Certes, évidemment, les chrétiens seront encore propriétaires, et l'Eglise elle même s'est mise à racheter tout ce qu'elle pouvait....au nom d'ailleurs de la même théorie subvertie...mais ils ne seront jamais dupes , si jamais une trace du souffle initial les fait encore respirer, de ce qu'ils seraient censés possséder... Même s'ils pensent que c'est le résultat de leur travail...ils ne seront jamais possédés eux mêmes par ce qu'ils possèdent.

Car ils continueront à voir le monde comme on le voyait en Eden.

Tout est commun. Et si ce bien commun est à entretenir, il est à tout le monde.Ce n'est pas de la morale. C'est juste la réalité profonde. Et c'est ça qui est véritablement révolutionnaire. Revenir à cette réalité profonde de l'instinct créateur de Dieu.

 

Tout à l'heure, nous allons communier. Et nous allons nous aussi, respirer un peu. Vivre de ce bien commun. Sentir ce que ça fait de ne rien posséder en propre tout en partageant ce qui nous est donné à tous également. Qui que nous soyons. Quoi que nous soyons. Il n'y a plus de Temple. Plus de prêtre, plus de purs et d'impurs. Juste, notre bien commun.

 

AMEN

Prédication du 12 avril 2015
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