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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

--- Prédication du 22 février 2015: CROIRE ET POUVOIR---

Texte biblique inclu dans la prédication.



PREDICATION

 

Parmi les textes du jour, il y en avait un autre, tiré du livre de l'exode. Celui-ci raconte la première des 10 plaies d'Egypte : le Nil qui se transforme en fleuve de sang, c'est à dire la première manche du Dieu des hébreux contre les dieux égyptiens, en l'occurence ici le Dieu du Nil. Je vous invite maintenant à entendre ce récit en oubliant un peu son contexte, c'est à dire ce qui se passe avant (le peuple hébreu esclave en egypte) et ce qui passe après (les 9 autres plaies et puis cette négociation qui dans un crescendo à la fois terrifiant et très littéraire, finit par échouer, puisqu'il n'y aura pas de compromis.)
Nous allons tenter de valoriser ce récit pour lui-même. Notre prédication s'articulera sur deux verbes : le verbe Croire, et le verbe Pouvoir.

Je vous le lis , dans Exode 7.8-25

 

8Le SEIGNEUR dit à Moïse et à Aaron : 9Si le pharaon vous dit : « Faites un prodige ! », tu diras à Aaron : « Prends ton bâton et jette-le devant le pharaon. » Le bâton se changera en reptile. 10Moïse se rendit avec Aaron auprès du pharaon, et ils agirent ainsi, comme le SEIGNEUR l’avait ordonné. Aaron jeta son bâton devant le pharaon et devant les gens de sa cour, et le bâton devint un reptile. 11Mais le pharaon appela aussi des sages et des sorciers ; les mages d’Egypte, eux aussi, en firent autant par leurs pratiques occultes. 12Tous, ils jetèrent leurs bâtons, et ceux-ci devinrent des reptiles. Mais le bâton d’Aaron engloutit leurs bâtons. 13Le pharaon s’entêta ; il ne les écouta pas, comme l’avait dit le SEIGNEUR. 14Le SEIGNEUR dit à Moïse : Le pharaon est obtus, il refuse de laisser partir le peuple. 15Au matin, va trouver le pharaon ; lorsqu’il sortira pour aller près de l’eau, tu l’attendras au bord du Nil. Tu prendras le bâton qui a été changé en serpent, 16et tu diras au pharaon : « Le SEIGNEUR (YHWH), le Dieu des Hébreux, m’a envoyé auprès de toi pour te dire : “Laisse partir mon peuple, pour qu’il me serve dans le désert.” Et toi, jusqu’ici, tu n’as pas écouté. 17Ainsi parle le SEIGNEUR : A ceci tu sauras que je suis le SEIGNEUR (YHWH) : je frappe l’eau du Nil avec le bâton qui est dans ma main, et elle sera changée en sang. 18Les poissons du Nil mourront, le Nil deviendra une puanteur, et les Egyptiens devront renoncer à boire l’eau du Nil. » 19Le SEIGNEUR dit à Moïse : Dis à Aaron : « Prends ton bâton et étends ta main sur les eaux de l’Egypte : sur leurs rivières, sur les bras de leur Nil, sur leurs étangs et sur toutes leurs réserves d’eau. » Elles se changeront en sang et il y aura du sang dans toute l’Egypte, jusque dans les récipients de bois et de pierre. 20Moïse et Aaron agirent ainsi, comme le SEIGNEUR l’avait ordonné. Il leva le bâton et frappa l’eau du Nil, sous les yeux du pharaon et des gens de sa cour ; et toute l’eau du Nil fut changée en sang. 21Les poissons du Nil moururent et le Nil devint une puanteur ; les Egyptiens ne pouvaient plus boire l’eau du Nil. Dans toute l’Egypte il y eut du sang. 22Mais les mages d’Egypte en firent autant par leurs pratiques occultes. Le pharaon s’entêta ; il ne les écouta pas, comme l’avait dit le SEIGNEUR. 23Le pharaon s’en retourna chez lui et ne se soucia plus de cette affaire. 24Tous les Egyptiens creusèrent aux environs du Nil, pour trouver de l’eau à boire, car ils ne pouvaient pas boire l’eau du Nil. 25Il s’écoula sept jours pleins, après que le SEIGNEUR eut frappé le Nil.

 

Dans la Bible hébraïque, on ne relève que 5 couleurs

le rouge (”adom”), le jaune (”tzahov”), le vert (”yerakone”), le bleu (”tchélète”) et le violet ou magenta (”argamane”). Ici, on voit rouge, on ne voit que rouge, la couleur n'a même pas besoin d'être nommée, c'est le rouge qui imprègne nos sens. Ce rouge c'est le sang du Dieu du Nil qui coule.

Mais le problème est que tout ce rouge brouille notre perception, nous empêche de voir ce que ce texte peut dire, au delà du cataclysme, de cette bataille entre les Dieux.

 

Deux éléments très particuliers vont s''offrir à notre interprétation.

 

Le premier est que les mages du pharaon sont capables de faire les mêmes prodiges.

La question que nous poserons ce sera : qu'est ce que croire ?

 

Le second élément, c'est cette réaction du Pharaon , au verset 23 : Le pharaon s’en retourna chez lui et ne se soucia plus de cette affaire.

La question que nous poserons sera : qu'est ce que pouvoir ?

 Donc :

Verset 10 et 11 Aaron jeta son bâton devant le pharaon et devant les gens de sa cour, et le bâton devint un reptile. Mais le pharaon appela aussi des sages et des sorciers ; les mages d’Egypte, eux aussi, en firent autant par leurs pratiques occultes.

Verset 22 Dans toute l’Egypte il y eut du sang. 22Mais les mages d’Egypte en firent autant par leurs pratiques occultes.

 

Certes, et même si ce n'est pas évident à première vue, il existe un intérêt narratif à ce parralélisme. Cela justifie partiellement le célèbre entêtement du Pharaon. Puisque les mages et les sorciers en arrivent à faire la même chose, en gros, malgré l'énormité de l'événement, il ne servirait à rien de s'inquiéter outre mesure.

De plus, cela va activer la tension dramatique car rapidement les mages ne pourront plus rivaliser.

Cela dit, l'intérêt narratif ne justifie pas tout. Il y a une réserve de sens. Cette égalité initiale de pouvoir entre Aaron , et les mages nous donne un indice pour en savoir un peu plus sur ce que ça veut dire croire.

Je m'explique.

 

Il y a très grossièrement, deux importantes justifications pour ne pas croire en Dieu . La première la plus habituelle, c'est qu'il laisserait le mal prospérer sur la terre. La seconde, plus insidieuse, est typiquement occidentale et se résumerait ainsi : en fait tout ce que nous croyons être prérogative de Dieu, soit nous l' avons expliqué : le lever du soleil et son coucher, le tomber la pluie, la course des étoiles, les tremblements de terre, soit nous l'expliquons et nous le faisons, nous-mêmes : nous avons fissuré l'atome en nous armant d'un potentiel destructeur jusqu' alors réservé à Dieu, mais aussi nous assurons la conception, nous commençons à créer des espèces, nous guérissons, nous inventons une intelligence artificielle capable de s'améliorer elle-même, et nous créons de la matière vivante... Si bien que oui, en quelques sorte à quoi bon donc croire en Dieu puisque beaucoup de ses prétendues capacités sont déjà entre nos mains. Et si nous ajoutons à cela que nous croyons aussi avoir le potentiel de sortir de nos balbutiements agressifs, c'est à dire de réaliser concrètement un avenir meilleur pour tout le monde à l'aide d'une moralité collective plus développée, à quoi bon aussi avoir encore besoin de Dieu pour l'espérance, puisque nous nous attachons à concrétiser nous-mêmes cet espoir - même si je le reconnais, ce n'est pas si évident que ça actuellement , mais les forces délirantes qui s'expriment aujourd'hui, massivement, cachent aussi une vraie évolution des mentalités dans de nombreux domaines.

Et si on met à résumer le Christ à son message d'amour, et bien on va dire que oui, nous sommes bien entendus capables de nous aimer les uns les autres car si nous ne l'étions, pas le Christ ne l'aurait pas recommandé...

 

Alors, à ce moment là, celui qui ne croit pas parce que Dieu ne fait rien et celui qui ne croit pas parce qu'on peut, ou on pourra faire tout ce qu'il fait, ce deux là se rencontrent, sur le thème de l'inutilité de Dieu, et se donnent une accolade et vont jouer à la pétanque ou à la Xbox.

Mais c'est exactement à ce moment là que croire en Dieu prend tout son sens. La foi, la confiance en Dieu, l'adhésion au fait qu'il existe ne dépend pas de son absence présumée ou de sa douteuse utilité. La foi, c'est juste un choix qui n'est pas immédiatement lié à une raison a priori, même si, bien sûr, l'intelligence et le raisonnement doivent arriver tout de suite derrière ce choix, pour le protéger.

C'est simplement une connexion particulière à un état de fait : l'existence de Dieu.

 

C'est une porte qu'on laisse ouverte ou pas. Lisons bien la Bible. Au-delà de tout ce que les récits disent qu'il a fait ou qu'il fait, l'important est qu'il est là, qu'on le veuille ou non. En gros, Dieu,n'a pas besoin de se justifier ou d'être justifié. Et on ne le mesure pas en termes d'utilité.

 

Le vrai croyant - celui que j'appelerai "le confident"  (un mot qui unit la confiance et la relation) , celui qui un jour a laissé une porte ouverte connait, intimement, sans avoir les mots pour le dire, le regard que Dieu porte sur les merveilles et les abominations que font les hommes.

Quant à l'espoir...
Ce confident imagine que Dieu peut agir sans bruit, sans confession... Celui qui laisse sa porte ouverte et laisse passer l'étonnant sentiment de la foi est dans la confidence de ce Dieu dont la principale vertu est d'exister.

 Alors oui, les mages, les sorciers, peuvent faire des choses extraordinaires aussi, y compris des miracles, mais pour le croyant en un Dieu aussi simple, ce n'est pas un problème.
 

 Et maintenant retombons brutalement sur terre avec cette réaction inouie du Pharaon qui voit son fleuve vital transformé en fleuve de sang et qui s'en retourne chez lui et ne soucie plus de cette affaire !

Cette phrase c'est un condensé plamphétaire et ironique, contre tous ceux appelés "puissants" que j'ai envie d'appeler "pouvants" mais qui ne font rien. Ce ne sont pas les impuissants qui parfois se désignent eux mêmes " l'état ne peut pas tout faire, on ne peut pas accueillir toute la misère, la crise est mondiale", mais cette critique porte sur tous ceux qui peuvent mais qui ne font rien, qui retournent chez eux, et ne se préoccupent pas, qui s'imaginent sans doute que le plaisir le plus délicieux du pouvoir c'est justement de ne rien faire consciemment, méticuleusement, peut-être pour se répaitre du pouvoir qu'ils ont, dans une forme d'autoconsommation perverse. Je ne sais pas.

Tous ceux qui sont investis d'un pouvoir sont concernés, mais sont particulièrement visés par cette flèche d'une étonnante contemporanéité ceux qui savent qu'ils peuvent

agir, et qui ne se préoccupent pas. Qui savent que leurs justifications habituelles ne tiennent pas debout. Qui le savent, et qui s'en moquent.

 Alors le message évangélique est ici : découvrons les pouvants qui choisissent de rien faire, découvrons les, dénudons-les, mais bien sûr, découvrons simultanément le pouvoir que nous avons, allons au delà de nos justifications habituelles, découvrons ce pouvoir et allons regarder ce pharaon en face, et voyons si nous ne nous retrouvons pas en face d'un miroir tendu vers nous par un texte biblique venu du fond de l'antiquité.

 

Et bien entendu, pensons à cet homme -là, ce confident  qui n'avait strictement aucun pouvoir, sinon celui de guérisseur, qui s'est levé d'un pays excentré au Nord, la Galilée, et qui est descendu avec une idée en tête, celle de rendre Dieu au Peuple, car sa culture, sa réflexion, son éducation lui avait fait conclure que Dieu était confisqué par quelques uns, qui eux avait du pouvoir. C'est comme si la richesse la plus grande n'était pas correctement distribuée mais, selon lui retenue par quelques mafieux ou hypocrites ou aristocrates du Temple. Sans doute exagérait-il, mais lui, qui n'était pas grand chose, s'est simplement dit qu'il pouvait faire quelque chose avec ce qu'il avait, avec la force qu'il avait. Et il l'a fait. Il s'est préocuppé de cette affaire là. Et il n'est jamais retourné chez lui.

AMEN

 

 

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