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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

-- Prédication du 3 mai 2015 " vers une vraie communion"--



Actes 9.26

26Arrivé à Jérusalem, Saul tentait de se joindre aux disciples ; mais tous avaient peur de lui, ne croyant pas qu’il fût disciple.

1 Jean 3.18-24

18Mes enfants, n’aimons pas en parole, avec la langue, mais en œuvre et en vérité. L’assurance devant Dieu 19A cela nous saurons que nous sommes de la vérité, et nous apaiserons notre cœur devant lui ; 20car si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout. 21Bien-aimés, si notre cœur ne nous condamne pas, nous avons de l’assurance auprès de Dieu. 22Quoi que nous demandions, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons ce qui est agréé de lui. 23Voici son commandement : que nous croyions au nom de son Fils Jésus-Christ, et que nous nous aimions les uns les autres, selon le commandement qu’il nous a donné. 24Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, comme Dieu en lui ; à ceci nous savons qu’il demeure en nous : par l’Esprit qu’il nous a donné.

 

 

Jean 15.1-8

1C’est moi qui suis la vraie vigne, et c’est mon Père qui est le vigneron. 2Tout sarment qui, en moi, ne porte pas de fruit, il l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il porte encore plus de fruit. 3Vous, vous êtes déjà purs, à cause de la parole que je vous ai dite. 4Demeurez en moi, comme moi en vous. Tout comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s’il ne demeure dans la vigne, vous non plus, si vous ne demeurez en moi. 5C’est moi qui suis la vigne ; vous, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi, comme moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; hors de moi, en effet, vous ne pouvez rien faire. 6Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment et il se dessèche ; on ramasse les sarments, on les jette au feu et ils brûlent. 7Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et cela vous arrivera. 8Mon Père est glorifié en ceci : que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez mes disciples

 

 

PREDICATION

 

Aujourd'hui, au travers des textes qui nous sont proposés, nous allons approcher de ce que ça peut vouloir dire de se faire disciple. Nous ferons connaissance avec une créature littéralement immonde (qui n'a pas été émondée, en référence avec le dernier texte lu - la vigne, les sarments) et cette créature abjecte s'appelle l'ego. Notre cher compagnon. Notre âme damnée. Implanté en nous et qui jacasse et commente, indépendamment de notre volonté . Dans cette envolée vers ce que c'est que de faire disciple, nous comprendrons au passage pourquoi c'est difficile...

 

Heureusement que Dieu existe, et qu'il est plus grand que notre coeur, comme le dit la première lettre de Jean, parce que si notre coeur peut battre, ce qui est une bien belle chose (et si mystérieuse) il peut battre pour beaucoup de choses mais aussi pour n'importe qui ou n'importe quoi. Il peut battre pour Jeanne D'arc, il peut battre pour une religion, et il peut aussi battre pour se battre. Et une fois qu'il a fini de se battre, si toutefois, il n'a pas cessé de battre - trop tôt, c'est à dire quand c'est trop tard - il peut aussi nous condamner. Heureusement que Dieu existe et qu'il est plus grand que notre coeur car enfin quelque chose palpite en dehors de nous, éternellement, bien au delà de nos égo renfrognés en eux-mêmes. Connaitre cette pulsation nous apaise, nous assure, comme le dit encore la première lettre de Jean.

Bien au-delà de notre ego - dont la plupart des religions disent que c'est une créature indépendante de notre volonté - existe un coeur qui bat et qui n'est pas un ego de plus dans la ronde des ego, mais l'esprit de toute chose, y compris de nous.

 

Au travers, déjà, de cet extrait de la première lettre de Jean qui nous est proposé pour aujourd'hui, je dirai que se faire disciple, c'est commencer par sentir la pulsation du monde bien au delà de notre simple petit coeur. C'est en accepter l'amplitude, se trouver confronté à son incommensurabilité et se résoudre à admettre, avec un début de sentiment de bonheur, malgré les protestations de cette créature qui gît en nous indépendamment de notre volonté, une créature qui geint souvent, se plaint, et se renfrogne et voit le monde tourner et en général mal tourner autour d'elle, qu'en effet cette pulsation éternelle, si elle nous emporte dans son onde, ne fait tout de même pas de nous le centre du monde.

 Se résoudre à admettre, en préliminaire de cette discipline sur laquelle nous nous interrogeons ce matin, qu'il va falloir laisser cet ego, mourir, puisqu''en fait, il ne sert à rien. Sinon à augmenter notre souffrance. Or certes quand il s'agira de le jeter, il protestera encore en disant " mais c'est moi qui crois en Dieu" "moi moi moi". Il faudra alors le regarder avec un sourire, le sourire de celui qui a compris que le coeur de Dieu est bien plus vaste que l'ego du croyant, lequel a une certaine tendance - comment le lui reprocher , c'est tellement naturel, à se faire confondre avec Dieu, par l'intermédiaire du "je -crois". Moi-je-crois-Dieu-Moi.

 

L'aspirant disciple a d'abord senti ça, et maintenant il voit : un nouveau monde humain infesté - littéralement infesté d'ego - et se rend bien compte que ces créatures pourrissent le monde. L'aspirant disciple comprend à ce moment là quelle est sa mission, comprend qu'il y a du boulot.

 Continuons.

 Le livre des actes nous apprend que Paul ne fut pas accueilli chaleureusement dans le collège des disciples. Et cela peut se comprendre, tant "Paul" apparait comme un moi-je devant l'assemblée des disciples, qui eux avaient appris, de leur Christ, à en rabattre sur les velléités de cette créature indépendante de la volonté.

 Les disciples sont déjà un corps, ils ont vécu une aventure collective et Paul arrive, avec son expérience personnelle à lui tout seul . Le Christ lui serait apparu à lui, dans la solitude d'un chemin. C'est un ego devant une assemblée, et les lettres de Paul , bien qu'il s'en défende en permanence, sont truffées d'auto références, de paroles de cette créature.

Il est donc parfaitement compréhensible que finalement Paul ne devienne pas un disciple mais devienne un apôtre singulier, un leader, un intellectuel organique, un penseur, mais qui vivra dans le conflit, conflit avec ses assemblées, dans ses assemblées, conflit avec la Torah, conflit avec lui-même - sa fameuse écharde - et n'arrivera pas à trouver l'apaisement, malgré son aspiration à que tout soit un. Il ne trouve pas l'apaisement que procure la pleine conscience d'une pulsation cardiaque et éternelle qui offre le sentiment de faire partie d'un tout qui nous dépasse. Nous aurions beau nous acharner à exister plus, nous serions toujours en décalage car il n'est pas possible d'exister plus, c'est simplement notre coeur singulier, ou cette créature immonde, qui trouve que c'est pas assez, qu'on mérite mieux, c'est cet ego qui se sent tragique. Mais ce n'est jamais lui qui aime, ou qui est aimé. Lui il ne fait que commenter. " qu'est -ce que j'ai fait au bon dieu" ?

 J'ajouterai donc à cette perspective de devenir disciple que, certes, ce sera toujours bien d'exalter sa propre expérience spirituelle, ce sera même souvent impressionnant de montrer aux autres, pour la satisfaction de les convaincre, que "Dieu" nous parle directement, mais ce n'est pas ça être disciple. Le sentiment premier du disciple, c'est le sentiment de communion avec tout. Et ce n'est pas, comment on le vit dans nos églises surtout protestantes - car le protestantisme n'a pas que des qualités , la juxtaposition statique d'itinéraires spirituels particuliers. Difficile de dire que ce coeur de Dieu qui est plus grand s'en préoccupe ou non, si ça l'intéresse ou pas, nos itinéraires spirituels particuliers. Mais il serait possible de penser , que Dieu préfère être trouvé que recherché en permanence. Et cette trouvaille c'est la communion, quand nos ego cessent provisoirement de s'exprimer, et qu'alors un apaisement prend la place laissée vacante. Que le vacarme s'atténue.

 Et enfin, maintenant que la pulsation de Dieu commence à palpiter bien au delà de nos ego, souvent renfrognés et tristes - ce qui est une vérité incontestable - maintenant que la pleine conscience de faire partie d'une unité bien plus sophistiquée que la représentation habituelle de notre monde, bien plus reliée que la représentation que notre "moi" se fait de notre existence - qui a dit que lui seul, cet ego, serait le juge suprême de notre identité, sinon lui, ce protestataire permanent ?- maintenant que nous avons intégré une assemblée qui n'est plus une basse cour d' ego juxtaposés et qui se marchent sur les pieds des uns des autres, bref maintenant que nous avons compris, que nous sommes apaisés, nous pourrions écouter cette parabole de Jésus, relatée uniquement dans l'évangile de Jean, sur la vigne et les sarments.

 Il devient facile de mieux comprendre, dans cette parabole, le sens de certaine paroles sécatrices qui font souvent mal à nos chastes oreilles : tous ceux qui sont littéralement possédés par leur ego, le vigneron les enlève. Oui, cette discipline n'est pas encore un nouveau truc, une nouvelle méthode pour se réaliser, pour s'épanouir, pour faire croitre et embellir la délicieuse fleur de notre ego. En fait, ces ego là ont tellement de terrains pour jouer ailleurs, qu'ils peuvent très bien ne pas être là. Quand aux sarments qui portent du fruit, il faut aussi qu'ils soient encore mieux travaillés, afin que lorsque l'immonde créature inutile relève son nez , elle soit taillée encore. Le but est d'être pleinement relié au cep, à la pulsation de la sève et non pas simplement de vivre sa vie de sarment prétendument autonome qui rêve, alors qu'en réalité il sèche, sur le sol, et fournira du bon petit bois pour l'âtre. Cette parabole, qui n'est qu'une parabole, est toute simple, elle n'est pas méchante, elle dit simplement que le disciple ne porte du fruit qu'en étant pleinement relié à ce coeur plus grand que lui.

Et ce fruit, évidemment, ce sont des grappes, gratuitement offertes à ceux qui s'en saisissent, ce fruit évidemment, c'est du vin, pour rendre à ce monde l'ivresse qu'il mérite, cette ivresse particulière qui permet parfois à tous les ego de se fondre dans une vraie communion.

 

AMEN

-- Prédication du 3 mai 2015 " vers une vraie communion"--
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