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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

Prédication du 4 décembre 2016 " L'attente de l'imprévisible" .

Ecrit : prédication donnée à la Maison Fraternelle. Oral : à Port Royal (légères différences, dont l'introduction).



Matthieu 3, 1 à 12

1En ce temps-là parut Jean-Baptiste, il prêchait dans le désert de Judée. 2Il disait : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. 3C'est lui dont le prophète Ésaïe a dit : C'est la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du SeigneurRendez droits ses sentiers.

4Jean avait un vêtement de poils de chameau et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. 5Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de toute la région du Jourdain, venaient à lui, 6et ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain en confessant leurs péchés.

7Comme il voyait venir au baptême beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens, il leur dit : Races de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir ? 8Produisez donc du fruit digne de la repentance ; 9et n'imaginez pas pouvoir dire : Nous avons Abraham pour père ! Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter des enfants à Abraham. 10Déjà la cognée est mise à la racine des arbres : tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. 11Moi, je vous baptise dans l'eau, en vue de la repentance, mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne mérite pas de porter ses sandales. Lui vous baptisera d'Esprit Saint et de feu. 12Il a son van à la main, il nettoiera son aire, il amassera son blé dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint pas.


 

PRÉDICATION

J'ai conçu cette prédication pour vous présenter Jean le baptiseur dans sa pleine fonction, qui est une fonction charnière entre l'ancien et le nouveau, et parce qu'il est charnière, il n'est ni ancien ni nouveau, ce qui le rend unique, et des indices vous rendront compte de son unicité et de son rôle. Je présenterai aussi sa main, qui se tend vers une autre personne qui - de façon tragique - ne fera pas partie de son temps, je présenterai sa façon de présenter celui qui vient, et j'évoquerai celui qui vient. Pour ces temps de l'Avent, cette prédication n'aura pas de conclusion définitive, puisque nous sommes sur un chemin et sur ce chemin, nous voyons encore au loin une lumière briller.

4Jean avait un vêtement de poils de chameau et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage

Dans 2 Rois 1 on lit =

Quel air avait l'homme qui est monté à votre rencontre et qui vous a dit ces paroles? 8Ils lui répondirent: C'était un homme vêtu de poil et ayant une ceinture de cuir autour des reins.

Il fallait faire une connexion avec le prophète Elie, celui dont on raconte qu'il a parlé après la mort de Salomon, qu'il a eu maille à partir avec les les Cananéens, leur Dieu Baal et ses prophètes , et bien sûr avec la reine Jezabel- le prototype de la mauvaise conseillère de Roi. Jean le baptiseur serait le nouvel Elie. Le prophète dont on raconte encore qu'il réalisa de nombreux prodiges avant de s'envoler aux cieux dans un tourbillon. Pour ne plus revenir ?

Ou alors, comme l'imaginaire consistant de la narration évangélique le dit, pour revenir précisément sous la forme de Jean le Baptiseur, dont la fonction, dans cette narration, est celle de la charnière entre l'ancien et le nouveau. Charnière, c'est pourquoi, il est décrit avec des détails supplémentaires par rapport à Elie, et qu'il sera bien différent aussi, bien que les religiosités qui se sont développées autour des deux personnes se sont ressemblées, bien différent aussi de celui qui vient.

Jean le baptiseur a un manteau de poils comme son illustre original, mais Matthieu précise que ce sont des poils de chameau. Sans doute pour signaler qu'il avait une qualité supplémentaire , celle de conduire le peuple sur les nouveaux sentiers, comme dans un nouvel exode, mais cette fois sur des chameaux.

En supplément on lit aussi qu'il se nourrissait de sauterelles, ces ennemis mortel des récoltes . Je vous rappelle la 8e plaie d'Egypte : Elles recouvrirent la surface de toute la terre et la terre fut dans l'obscurité ; elles dévorèrent toutes les plantes de la terre et tous les fruits des arbres, tout ce que la grêle avait laissé et il ne resta aucune verdure aux arbres ni aux plantes des champs dans tout le pays d'Égypte . Jean le baptiseur, lui, il les mange. Ce qui suggère un message ambigu : D'une part, il fait d'une plaie une nourriture, ou , il est lui -même , d'une certaine manière, une onzième plaie, en tous cas pour les pharisiens et les prêtres, qu'ils traitent de race de vipère,suggérant qu'ils tiennent le peuple en otage, en esclavage.

Matthieu nous informe aussi qu'il se nourrit de miel sauvage. On découvre dans la Bible que la parole du Seigneur est souvent comparée à du miel (Psaume 19, 119, Ézéchiel etc). Ce qui donc nous fait penser que Jean le baptiseur est un amateur de la belle Parole de Dieu. On se souvient aussi que que la terre promise est celle où coule le lait et le miel . Il est précisé ici qu'il s'agit de miel sauvage, c'est à dire, disponible gratuitement dans des endroits, ou sur des territoires spirituels pas encore colonisés par les humains, leurs institutions et leurs administrations et forcément en petite quantité car plane encore l'avertissement du Proverbes qui dit : Si tu trouves du miel, n'en mange que ce qui te suffit, De peur que tu n'en sois rassasié et que tu ne le vomisses.

Jean le baptiseur, enfin, porte une ceinture autour des reins. La ceinture, porté signifie que quelqu'un qui est prêt. Il y a accroche son arme. Il est prêt à se battre. Il y a accroche sa faucille, et il est plus efficace pour travailler son champ. Jésus enverra ses disciple en mission en leur disant - je lis dans l'évangile de Luc : que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Mais aussi, cette ceinture, autour des reins est le symbole de la Pâque de sortie d'Egypte, le départ pour l'exode : le repas sacré qui marque le départ du pays d'oppression avec ses instructions divines: C'est ainsi que vous la mangerez, vos reins ceints! (Exode 12, 11).

Bref, Jean le baptiseur est armé jusqu'aux dents pour symboliser sa fonction de conducteur farouche, inspiré par la parole de Dieu, il est salvifique mais aussi menaçant. Il est celui, dirigeant son peuple dans un nouvel exode , vers une nouvelle terre promise à défricher.

Mais ce peuple tournant à rond, ils l' enjoint à se repentir, ou se convertir , ou à changer radicalement, pour ne pas se retrouver englué dans le néant que sont désormais devenues leurs prétendues racines. Il s'agit désormais de se déraciner : et n'imaginez pas pouvoir dire : Nous avons Abraham pour père ! Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter des enfants à Abraham. C'est trop tard, les temps anciens n'ont plus de signification. L'appel est clair : il s'agit encore une fois d'aller vers une nouvelle terre qu'il faudra cultiver et bien cultiver.

Déjà la cognée est mise à la racine des arbres : tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits est coupé et jeté au feu.

C'est l'éternelle histoire du semi nomade. La terre ne produit plus assez pour nourrir ses enfants, il faut aller ailleurs, se déplacer.

Bien sûr, il s'agit ici d'un nouveau territoire spirituel. Mais nouvelle terre promise, il faut tout de même y aller, et le déplacement, la mise en marche se passe par la conversion, - c'est à dire, regarder ailleurs, tendre ses yeux vers un nouvel horizon, et se faire baptiser- parce dans l'armure symbolique de Jean le Baptiste il manquait encore un élément : celui de l'eau , que le baptême institue comme un nouveau modèle d'irrigation de la nouvelle terre, qui produira des bons fruits, qui ne sera plus infesté par les sauterelles et où l'on pourra cultiver le meilleur miel de la parole.

Quelle cohérence. J'ai été moi même stupéfait en redécouvrant une nouvelle fois ce texte.

Jean le baptiseur vous l'avez compris, est une figure composite, dont le corps représente la nouvelle caravane qui doit se mettre en route pour se nouvel exode. Il est Elie revenu prophétiser, mais il est aussi Moïse, et particulièrement sur un point précis ; il ne sera pas celui qui conduira le peuple quand celui-ci aura enfin touché le pays où coule le lait et le miel. Moïse est mort avant. Et il dira - on le lit dans l'évangile de Jean - qu'il faudra qu'il diminue et que le nouveau chef croisse. Jean désigne celui qui vient, sa main se tend mais cette main vient d'un ordre ancien . Il désigne, il appelle, il signale, mais il ne sera pas de cette nouvelle alliance; puisqu'il ne se voit même pas digne de délier les sandales de celui qui vient.

Jean le baptiseur, dans l'évangile de Matthieu met en comparaison les deux types de baptême. Lui, Jean, baptise comme de l'irrigation. L'autre baptisera de souffle et de feu. Ce qu'il veut dire par là est que cette nouvelle terre promise ne sera pas une nouvelle terre dans laquelle on va s'installer pour perpétuer des nouvelles générations, mais qu'elle a une autre dimension. Son peuple sera inspiré de ce souffle. Le feu dont il s'agit ici ce sera l'embrasement d'un monde nouveau. Jean le baptiseur , et l'évangile de Matthieu parlent non seulement de la fin d'un temps, mais aussi de la fin du Temps. Et la fin du Temps, c'est la signification exacte du Règne de Dieu. Jean le baptiseur dans notre texte et les suivants, ne nomme pas celui qui vient. Et si l'histoire raconte qu'il dialoguera avec lui, on s'y apercevra qu'il ne le nommera jamais. Comme s'il lui était interdit de dire le Nom. Mais je ne sais pas si vous l'avez noté, personne dans les évangiles, ne nomme Jésus directement. Jamais personne ne lui dit : Jésus, ceci ou cela. Jamais. Maître, Rabbi, mais Jamais Jésus.

Celui qui vient sera assurément plus qu'un prophète, plus qu'un chef de guerre, plus qu'un administrateur de territoire, plus qu'un colonisateur de champs en friche, plus qu'un Moise ou qu'un Elie, plus que lui, Jean le baptiseur. Plus que quelqu'un qu'on peut nommer. Il est celui qui vient.

Deux choses pour ne pas conclure. Pourquoi ne pas conclure ? Mais parce que nous sommes dans ces temps de l'Avent et le prédicateur n'est pas obligé de tout dire. L'Avent c'est un processus, et il n'est pas obligatoire de s'adresser à celui qui ne vient qu'une seule fois, dans l'idée de lui donner l'ensemble de la possibilité de découvrir par lui même tout le reste. Non là, celui qui vient pour la première fois est appelé à suivre le chemin, qui n'est pas encore dévoilé.

Deux choses. Si nous avons entendu Jean le baptiseur, nous nous sommes repentis et avons commencé à irriguer notre nouveau territoire spirituel et avons compris que nous avons été appelés à un nouvel exode. Et si nous avons rencontré celui que Jean ne nomme pas par son nom, nous savons que nous sommes dans l'embrasement du règne de Dieu et que cette révélation là peut nous faire regarder notre monde autrement. Le règne de Dieu est désormais dans nos coeurs en voie d'embrasement. Le règne de Dieu s'est synchronisé dans le battement de notre souffle. Et il n'y a pas de raison d'en avoir peur. La nouvelle terre promise c'est nous, c'est ce nouveau peuple de Dieu annoncé par Jean le baptiseur et révélé par celui qui vient, mystérieux dont nous savons juste qu'il a des pieds et des sandales.

La seconde chose est qu'ensuite nous allons découvrir, pas avant Noel, mais après, celui évoqué par Jean le baptiseur.

Et nous allons découvrir un homme appelé Jésus de Nazareth, né d'une façon à la fois banale et spectaculaire, comme toute naissance, et qui ne correspondra pas immédiatement à l'emphase de l'annonce de Jean le baptiseur. Ce sera un homme jeune, subtil, provocateur, cultivé, radical, amoureux de la Parole de Dieu, ému souvent, coléreux parfois, différent, aimant la controverse, d'une insondable humanité et n'ayant aucunement peur de la mort.

Et la beauté de l'évangile sera de nous faire comprendre comment celui-ci peut et très justement être le Christ dont Jean le baptiste a magnifié l'attente. L'évangile qui vient n'est pas un nouveau point sur une ligne de programme. Il sera vraiment nouveau, y compris vraiment différent de la prophétie qui l'annonce. Et c'est pour ça que c'est vraiment une bonne nouvelle.

Tu es l’imprévisible,

Tu es le vivifiant,

Tu es l’esprit qui souffle où on ne l’attend plus,

Tu es flamme et souffle qui jamais ne s’arrêtent

Et amen. 

predication_4_decembre_port_royal.mp3 Prédication 4 décembre Port Royal.mp3  (18.55 Mo)

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