"Après la sécheresse, la pluie ?" Après la pluie, le beau temps ?"

Prédication du 11 novembre 2018, par Robert Philipoussi



 

PRÉDICATION 
(voir le texte biblique au paragraphe suivant)

 

«  Le lion rugit, qui ne craindrait, L'Éternel parle, qui ne prophétiserait » s'est un jour exclamé Amos, un prophète, comme Élie dont nous avons découvert les débuts dans le texte du jour qui a été lu [voir paragraphe suivant]. Élie, un prophète sans doute moins considérable qu'Amos, car contrairement à lui il n'a pas de livre biblique à son nom. Mais il sera sans doute beaucoup plus populaire dans l'histoire d'Israël. Il a des pouvoirs extraordinaires [qu'il transmettra à son successeur Élisée, qui aura des aventures encore plus fantastiques] . Élie persistera dans les mémoires populaires parce qu'il a été raconté qu'il a évité de mourir en ayant étant enlevé dans le ciel. Au point que les gens du temps de Jésus le voyaient toujours revenir sous la forme de quelqu'un d'autre, comme Jean le Baptiste, ou Jésus lui-même1.

L'Éternel parle dans le 1er livre des Rois et il annonce une sécheresse sur le pays parce que l'épouse du Roi Achab, la sulfureuse Jézabel, a des accointances avec les prophètes de Baal. Baal, c'est un Dieu générique des régions biblique mais dont le nom signifie tout ce que le Dieu d'Israël n'aime pas. Il aurait même été le veau d'or  !

 Ce récit est un des textes proposés pour ce jour, je ne voulais pas de prime abord le prendre pour ce matin pour diverses raisons dont celle ci par exemple : c'est Dieu qui envoie une sécheresse qui durera 3 ans sur Israel à cause d'un Roi idolâtre. Et il aurait donc fallu le prêcher ce texte, en esquivant que c'est bien Dieu qui envoie 3 ans de sécheresse et avec sa famine associée sur un peuple entier à cause d'un Roi et de ses penchants idolâtres. Alors, certes, au bout de 3 ans, il finira par refaire pleuvoir – puisque s'il est le dieu de la sécheresse, il est aussi le dieu de la pluie, mais pendant 3 ans, les gens meurent de faim.

Je n'avais pas envie de me laisser entraîner à vous dire ce qui se dit souvent dans les prêches : «  frères et sœurs, si Dieu est intransigeant, il est aussi bienveillant ». C'est toujours la même rhétorique, usée jusqu'à la corde, de balancier. Mais finalement c'est cette gène qui m'a convaincu de choisir ce texte, pour traiter cette gène, et annoncer l'évangile quand même.

 Oui toujours ce même mouvement de balancier qui simplifie la vie de prédicateurs. Prenons Job, par exemple .Job, perd tout ce qu'il a, en particulier sa famille2 -, bref, mais ce n'est pas grave tout ça, car à la fin tout va bien. Job retrouve ses biens et une nouvelle famille. Comme si rien ne s'était passé. Mais on ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé3.   Mais il n'y a pas que Job, il y a Jésus aussi. Il meurt, il est ressuscité, et tout va bien ! Non ! La aussi, ça simplifie la vie de prédicateurs. Mais non, la mort de Jésus n'est pas soluble dans sa résurrection.

Avant hier, j'ai appris que 14 millions d'humains au Yémen étaient réellement menacés de famine, à cause de la guerre qui s'y déroule. Un conflit avec entre autres le soutien de notre contre contribution financière parce qu'une partie de ces morts, c'est nous qui les provoquons par le jeu de notre alliance avec l'Arabie Saoudite à qui nous vendons des armes et ces armes sont subventionnées par nos impôts. Certes, cette guerre ne nous concerne pas, puisque c'est encore une guerre entre musulmans sunnites et chiites. Et un jour, après des milliers et des milliers de morts, cette guerre s'arrêtera, peut-être prochainement, et alors on dira quoi ? On dira tout est bien qui finit bien ? On dira, non pas Dieu certes, mais le destin ou la fatalité a fait pleuvoir des bombes et a plongé des masses de gens dans la famine et puis le destin a arrêté de faire pleuvoir. Comme quand le déluge a pris fin et que si toute la création a été anéantie, le nouvelle création est là? Quelqu'un nous parlera de la fabuleuse capacité humaine de résilience et on en restera là ?

 Aujourd'hui c'est le 11 novembre et nous sommes 100 ans après la fin officielle d'une guerre dont on a rarement autant parlé que cette année. Comme si la conscience prenait de l'épaisseur. Comme s'il devait maintenant clair que cette guerre n'a jamais pris fin, ne serait-ce parce qu'on en parle encore. Puisque c'est subtil une guerre. Surtout une guerre comme celle-là qui a fait des millions de morts, avec en plus ceux qu'on a fusillés parce qu'ils ne voulaient pas se faire tuer.
O certes, la guerre a une apogée et un déclin, mais l'histoire longue nous apprend que ne sont que des mouvements. La guerre continue après son armistices, de façon plus sournoise et souterraine. Qui aurait pu imaginer que la 1ere guerre mondiale allait entrainer la seconde et que la seconde allait permettre l'installation de dictatures fascistes en Amérique Latine ? Que des hauts dignitaires français de la Gestapo allaient former l'élite d'une pègre internationale ? Que la RDA allait recruter une centaine de milliers d'anciens nazis pour la surveillance et le contrôle de la population ? Et que dire des blessures psychologiques qui traversent les générations puisque maintenant on le sait que des 3e générations après un génocide en subissent encore le traumatisme. Alors oui, dans ce texte, Dieu refera pleuvoir. Après la pluie le beau temps, annoncent, non pas Élie, mais les prophètes de la résilience qui annoncent qu'on peut se guérir de tout.
Mais, voilà, Élie annonce un «  genre » de prophétisme récalcitrant, à l'instar de pas mal d'entre eux en particulier Jonas qui refuse de prime abord d'aller où on lui dit, ce qui donnerait «  le lion rugit, qui n'aurait peur, l'Eternel parle, qui ne prophétiserait ? Pas moi ! » . Élie est évidemment moins vigoureusement récalcitrant que Jonas, mais plus tard tout de même, il aura peur d'annoncer lui même au Roi Achab que la pluie allait revenir au point qu'il demandera à quelqu'un d'autre que lui de le faire.

Mais je préfèrerais dire aujourd'hui que c'est la Bible elle-même qui est récalcitrante à cette théorie du « après la pluie le beau temps » ou «  on oublie tout et on recommence ».

Les histoires que nous avons entendues , celle de la farine qui ne manquera pas dans son pot, de l'huile qui ne diminuera pas dans sa cruche, ainsi que l'histoire du fils de cette dame qui meurt et que le prophète ressuscite, ces deux histoires ont la particularité de se situer en plein cœur de la sécheresse, en plein cœur de la malédiction...et les protagonistes qui évitent de mourir dans cette histoire sont des païens, comme cette femme de Sarepta, qui était une ville, une ville dont Astarté était semble-t-il la déesse tutélaire et Astarté n'était pas quelqu'un de vraiment commode non plus, puisqu'assez ambiguë, en même temps que déesse de la virginité, elle était aussi celle de la fécondité et pour elle, on organisait dit on des débauches et aussi des sacrifices humains dont des sacrifices d'enfants... Et ici dans ce récit, on voit un enfant qui n'est pas finalement pas sacrifié au bon vouloir, non pas d'Astarté, mais du Dieu d'Israël lui même dont le prophète a annoncé la malédiction sur toute la région. Oui, on dirait qu'un sous-courant biblique, subtilement, vient questionner cette histoire de balancier et de Dieu justicier implacable.
C'est au cœur de la malédiction qu'une forme d'amour vient nourrir une femme, remplir des pots, faire des galettes, ressusciter un enfant. On dirait que la Bible elle même n'attend pas l'armistice officielle, qu'elle n'attend pas que Job retrouve une nouvelle famille, qu'elle n'attend pas que Jésus ressuscite, qu'elle n'attend pas, si ça se trouve que Élie revienne de son ciel, qu'elle n'attend pas que le déluge de feu s'arrête par le jeu d'une négociation internationale, lesquelles sont toujours des sommets de perversion et des préparations larvées de futures guerres. On pourrait même dire, pour comprendre le sens même de la bonne nouvelle de ces récits, qu'elle n'attend pas notre propre mort qu'on pourrait considérer comme une armistice nous ouvrant à une ère éternelle de paix.
Je dirais que la Bonne nouvelle vient comme un convoi humanitaire qui fait son travail sous les bombes et en plein cœur de la malédiction. La bonne nouvelle ne s'illusionne pas sur les capacités des humains à signer de véritables paix, mais elle vient nous chercher au cœur de notre malheur, elle n'attend pas notre résilience ou que nous ayons fait notre travail de deuil. Elle surgit au cœur des tranchées, bien heureux ceux qui s'en saisissent. La pluie certes un jour mettra fin aux sécheresses et aux famines, et certes un jour les guerres de Syrie ou du Yemen prendront fin quand des gens trouveront un intérêt commun à ce qu'elles s'arrêtent. Mais aujourd'hui, l'évangile, la bonne nouvelle qui est décrite dans ces récits n'est pas politique au sens le plus grandiloquent du terme, elle est d'urgence, elle est humanitaire et elle nécessite une éthique de l'urgence au cœur de cette inexplicable malédiction qui semble s'abattre sur des populations à intervalle régulier, dans des zones différentes au cours de l'histoire que s'écrivent les humains, qui est en grande partie l'histoire de leurs guerres.

Frères et sœurs, l'évangile est maintenant au cœur de votre existence. En plein déluge, au milieux des tranchées.

Pas simplement pour nous consoler, mais pour nous convoquer à ne pas attendre l'armistice signée des puissants, pour nous relever et pour agir. AMEN

 

1 De la même façon qu'aujourd'hui on dit le nouveau Brel, le nouveau De Gaule, ou le nouveau Staline. Mais comparaison n'est pas raison.

2 sauf sa femme, qui vient non pas l'aider, mais vient lui conseiller de mourir après avoir maudit Dieu... ce qui n'est pas très empathique...

3  

En ce qui concerne Job, ce n'est pas exactement un happy end. On sait que c'est un conte ancien dans lequel des auteurs plus récents ont inséré un poème critique de la conception de la grâce de rétribution : tu fais le mal, tu reçois du malheur, tu fais le bien, tu reçois du bonheur. Un très long poème pour dire que cela n'est pas vrai, un poème qui raconte le malheur d'un juste. Alors, oui, il fallait sans doute conserver cet happy end pour que les éditeurs de la future Bible ne mettent pas au rebut ce très beau récit philosophique.



LECTURE COMPLÈTE 1 Rois 17 .1-24

1Elie, le Thischbite, l'un des habitants de Galaad, dit à Achab: L'Eternel est vivant, le Dieu d'Israël, dont je suis le serviteur! il n'y aura ces années-ci ni rosée ni pluie, sinon à ma parole. 2Et la parole de l'Eternel fut adressée à Elie, en ces mots: 3Pars d'ici, dirige-toi vers l'orient, et cache-toi près du torrent de Kerith, qui est en face du Jourdain. 4Tu boiras de l'eau du torrent, et j'ai ordonné aux corbeaux de te nourrir là. 5Il partit et fit selon la parole de l'Eternel, et il alla s'établir près du torrent de Kerith, qui est en face du Jourdain. 6Les corbeaux lui apportaient du pain et de la viande le matin, et du pain et de la viande le soir, et il buvait de l'eau du torrent. 7Mais au bout d'un certain temps le torrent fut à sec, car il n'était pas tombé de pluie dans le pays.

8Alors la parole de l'Eternel lui fut adressée en ces mots: 9Lève-toi, va à Sarepta, qui appartient à Sidon, et demeure là. Voici, j'y ai ordonné à une femme veuve de te nourrir. 10Il se leva, et il alla à Sarepta. Comme il arrivait à l'entrée de la ville, voici, il y avait là une femme veuve qui ramassait du bois. Il l'appela, et dit: Va me chercher, je te prie, un peu d'eau dans un vase, afin que je boive. 11Et elle alla en chercher. Il l'appela de nouveau, et dit: Apporte-moi, je te prie, un morceau de pain dans ta main. 12Et elle répondit: L'Eternel, ton Dieu, est vivant! je n'ai rien de cuit, je n'ai qu'une poignée de farine dans un pot et un peu d'huile dans une cruche. Et voici, je ramasse deux morceaux de bois, puis je rentrerai et je préparerai cela pour moi et pour mon fils; nous mangerons, après quoi nous mourrons. 13Elie lui dit: Ne crains pas, rentre, fais comme tu as dit. Seulement, prépare-moi d'abord avec cela un petit gâteau, et tu me l'apporteras; tu en feras ensuite pour toi et pour ton fils. 14Car ainsi parle l'Eternel, le Dieu d'Israël: La farine qui est dans le pot ne manquera pas et l'huile qui est dans la cruche ne diminuera pas, jusqu'au jour où l'Eternel fera tomber de la pluie sur la face du sol. 15Elle alla, et elle fit selon la parole d'Elie. Et pendant longtemps elle eut de quoi manger, elle et sa famille, aussi bien qu'Elie. 16La farine qui était dans le pot ne manqua pas, et l'huile qui était dans la cruche ne diminua pas, selon la parole que l'Eternel avait prononcée par Elie.

17Après ces choses, le fils de la femme, maîtresse de la maison, devint malade, et sa maladie fut si violente qu'il ne resta plus en lui de respiration. 18Cette femme dit alors à Elie: Qu'y a-t-il entre moi et toi, homme de Dieu? Es-tu venu chez moi pour rappeler le souvenir de mon iniquité, et pour faire mourir mon fils? 19Il lui répondit: Donne-moi ton fils. Et il le prit du sein de la femme, le monta dans la chambre haute où il demeurait, et le coucha sur son lit. 20Puis il invoqua l'Eternel, et dit: Eternel, mon Dieu, est-ce que tu affligerais, au pas de faire mourir son fils, même cette veuve chez qui j'ai été reçu comme un hôte? 21Et il s'étendit trois fois sur l'enfant, invoqua l'Eternel, et dit: Eternel, mon Dieu, je t'en prie, que l'âme de cet enfant revienne au dedans de lui! 22L'Eternel écouta la voix d'Elie, et l'âme de l'enfant revint au dedans de lui, et il fut rendu à la vie. 23Elie prit l'enfant, le descendit de la chambre haute dans la maison, et le donna à sa mère. Et Elie dit: Vois, ton fils est vivant. 24Et la femme dit à Elie: Je reconnais maintenant que tu es un homme de Dieu, et que la parole de l'Eternel dans ta bouche est vérité.

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