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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

CHOISIR

Prédication du 21 octobre 2018, par Robert Philipoussi, Maison Fraternelle



INTRODUCTION

Apres la catastrophe de l'exil, un nouveau judaïsme nait, avec lui , la plus puissante idée religieuse de tous les temps, le monothéisme. Yahweh n'est plus le dieu suprême des Israélites, mais il devient le Dieu unique et le Dieu un.

Il est raconté que sous le règne de Josias, 16ème roi de Juda de -640 à -609 un livre oublié, aurait été « Découvert » dans le temple de Jérusalem par , le Grand-prêtre Hilqiyyahu , ce serait une copie du livre de la Loi (voir 2 roi 22-8), écrit de la main même de Moise.

Certains ont pensé que c'était la Torah (c'est-à-dire les 5 livres du Pentateuque), d'autres , tout en restant entre légende et vérité historique ont pensé au Deutéronome.

Bien sûr, en dehors de ce qui est raconté, tous les arguments rationnels militent pour que la composition du Deutéronome, se soit déroulée dans cette période, comme fondement de la résilience du peuple, après la catastrophe et pour éviter que d'autres catastrophes conduisent à un tel traumatisme.

Ce livre est intitulé en hébreu DEVARIM, c'est-à-dire paroles ou Michné Torah, c'est-à-dire répétition de la thora

L'esprit qui a conduit à la rédaction du Deutéronome, qui a inventé une formule religieuse qui a eu du succès, à savoir le « monothéisme » est je le crois le même esprit de résilience qui a conduit quelques disciples catastrophés par la mort de Jésus leur christ, a annoncer sa résurrection, et à créer cette fois, le plus spectaculaire phénomène religieux qui n'ait jamais existé, à savoir le christianisme.

Les chapitres 27 à 30 de ce livre contiennent le renouvellement solennel de l'alliance entre Israël et Dieu, l'annonce des bénédictions qui suivent l'obéissance et celle des malédictions qui suivent la désobéissance. 

LECTURE

Deutéronome 30.15-20

 

15Regarde, j’ai placé aujourd’hui devant toi la vie et le ce qui est bon, la mort et ce qui mauvais. 16Ce que je t’ordonne aujourd’hui, c’est d’aimer le SEIGNEUR, ton Dieu, de suivre ses voies et d’observer ses commandements, ses prescriptions et ses règles, afin que tu vives et que tu te multiplies, et que le SEIGNEUR, ton Dieu, te bénisse dans le pays où tu entres pour en prendre possession. 17Mais si ton cœur se détourne, si tu n’écoutes pas et si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d’autres dieux et à les servir, 18je vous le dis aujourd’hui, vous disparaîtrez ; vous ne prolongerez pas vos jours sur la terre où tu entres pour en prendre possession en passant le Jourdain.19J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance, 20en aimant le SEIGNEUR, ton Dieu, en l’écoutant et en t’attachant à lui : c’est lui qui est ta vie, la longueur de tes jours, pour que tu habites sur la terre que le SEIGNEUR a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob.

PREDICATION

Aujourd'hui, je reprends ce texte comme comme une expression d'un dialogue intérieur entre une intelligence à la fois blessée et revendicative et un Dieu qui lui parle, lui réponds au travers du texte que je viens de lire. Une sorte de prière qui est encore suffisamment confiante pour tenter de s'élever mais qui se débat et se tort, qui doute d'elle-même tout en continuant à s’élever. Le « je » de cette méditation est fictif, dans le sens noble du terme, c'est à dire pas « illusion » mais façonnement. 

Dieu à cette prière lasse, me répond, et je remarque aussi , en lisant ce texte complètement, qu'il ne fait pas que « me » répondre, mais aussi qu'il « nous » répond. 

Oui, au milieu de ce texte où Dieu s'adresse à quelqu'un qui risque de s'écrouler de désespoir et de fatigue, au milieu de ce texte, tout à coup le Seigneur s'adresse à tous.

Le moment de ce passage est «  si tu n'écoutes pas, je vous le dis aujourd'hui, vousdisparaîtrez » . 

Comme si ce quelqu'un, individualisé, portait, en lui même, la responsabilité de tous. Si tu n'écoutes pas, vous disparaîtrez.

Comme si chacun de nous, à la frontière de la vie ou de la mort placée devant lui, avait, à ce moment là, la responsabilité de tous. 

Comme si la défaillance d’un seul, pouvait entrainer la disparition de tous. Je vois dans ce passage de l’adresse singulière à l’adresse collective, avant le retour à l’adresse singulière, l’idée que chacun dans son comportement décisif porte la responsabilité de tous.

Ayant pris conscience de cela, de ma responsabilité « collective » je relis le texte, simplement.

Et j'entends d'abord le seigneur qui me dit « regarde, j'ai placé devant toi la vie et ce qui est bon, le bonheur, la mort et ce qui mauvais, le malheur »

Il me dit Regarde.C'est vrai, j'aurais pu ne pas regarder. J'aurais pu faire comme d'habitude, ne rien regarder. 

Regarder signifie regarder comme si pour une fois, ce n'était pas « moi, mon ego, mes principes, mes habitudes et mes idées » qui regardaient. Regarder , ici, cela signifie « vois, ce qui existe même si toi, tu ne le voyais pas ». 

Regarder ici, signifie regarde ce qui n'est pas la production de ton ego, de tes principes, de tes habitudes , de tes idées , de tes peurs... ».

La vie et le bonheur, la mort et le malheur.

Je sors d'une catastrophe- l'exil, la mort de Jésus- qui m'a entrainé à désespérer. Comme ces mauvaises nouvelles qu'on nous jette à la figure à longueur de journée et qui arrivent sans solution aucune, comme si un médecin vous annonçait que vous êtes foutu et que, sans même vous dire au revoir ou quoique ce soit, se relevait de sa chaise, et sortait de la salle pour aller se faire un café en vous laissant seul. C'est le monde d'information qu'on a aujourd'hui : mauvaises nouvelles, pas de solution. 

Et voilà que mon Dieu m'oblige à regarder deux chemins: le chemin où je peux vivre, et le chemin qui poursuit la catastrophe de laquelle je viens. 

Mon intelligence commence à se remuer et à protester , à dire que la vie n'est pas aussi simple que la bible , que la réalité est plus confuse, que la plupart des chemins sont gris, que... et puis

Oui Seigneur, je le reconnais, j'invente des pensées pour me permettre de ne jamais faire un choix. Là, le choix que tu m'offres est clair. Est ce que je veux vivre, ou est ce que je veux continuer à mourir ?

Mon Dieu m'explique. Il s'agit de l'aimer, lui. 

Mais encore une fois mes pensées m'assaillent, mon intelligence est offusquée. Aimer Dieu ...comment aimer une idée? Une force ? Un invisible ? Un concept ? De quoi parle t- on quand on dit Dieu, (de quoi dieu est il le nom ?)

Mais là encore, toujours dans la même perspective de cette obligation de regarder ce qui est, je comprends qu'aimer Dieu, en fait, ce n'est pas compliqué. Il existe. Il existe donc la possibilité de l'aimer. Il se trouve que c'est un mouvement très difficile à faire, accepter – convenir – que Dieu existe en dehors de moi qui éventuellement croirais en lui. Le fait est qu'on ne peut pas aimer une croyance, ou alors il s'agirait simplement d'aimer une expression de soi. Aimer Dieu, c'est aimer non pas ma croyance en lui, mais lui-même, en convenant donc qu'il existe en dehors de moi.

Dieu, dans le texte, ce n'est pas Dieu comme le nom commun, mais son nom propre, composé de 4 consonnes imprononçables : et pour le dire quand même, en hébreu on dit «  le Seigneur ». Celui qui s'appelle le Seigneur est quelqu'un. C'est quelqu'un qui existe même si je n'existe pas. Même si je ne suis pas là pour le dire. Pour le respecter, je ne devrais pas l'absorber. Or la plupart des croyants absorbent leur Dieu et s'adorent eux-mêmes.

L'aimer, ici, en plus c'est l'aimer d'une façon exclusive. Attention, cela ne veut pas dire qu'il ne faut aimer rien ou personne d'autre.De toutes façons, c'est impossible car il y a tellement de choses et de gens aimables. Cela veut simplement dire qu'il ne s'agit pas d'aimer d'autres dieux. 

Encore une fois mon intelligence est brimée. Quels autres dieux ? Je n'honore aucun autre Dieu, je ne suis pas membre d'une religion polythéiste. 

Mais encore une fois, je suis invité à me remettre dans la perspective portée par ce regard. 

Oui, oui, c'est bien connu. En fait oui, j'honore de nombreuses divinités.

Le Seigneur me dit : Regarde toutes tes aliénations, celle d'où tu viens, celles où tu pourrais aller.

Il m'ordonne ensuite de choisir la vie.

Mon intelligence crie: 

Mais je ne fais que ça, de choisir la vie ! je vis, donc je choisis la vie, j’élève mes enfants, je travaille, je donne, je pardonne, je chante, je construis, je ne fais que ça, mon coeur bat, je ne sais pas jusqu'à quand il battra mais il bat. Je me bats, pour vivre, pour survivre, pour exister....

...Oui d'accord, je comprends que je vais pas emprunter le même chemin qui m'a conduit à la catastrophe, que je fais faire des efforts pour ne pas répéter encore et encore les mêmes erreurs qui produisent monmalheur et celui de ceux qui m'entourent, mais la vie, je la vis tous les jours. 

Mais qu'est ce que ça veut dire « choisis la vie » ?

Alors le Seigneur, dans la méditation de ce texte biblique central me répond :

Il me dit

Oui, je sais que tu vis, tu ne fais que ça d'ailleurs, tu vis, nous vivons ils vivent.

Mais ce que je te demande, ce n'est pas de vivre.

Ah bon ?

Oui, tu ne regardes pas, et tu ne sais pas lire. La plupart des commentateurs de ce texte prêchent la vie et se fourvoient, ici je prêche le choix.

Ce que je te demande, c'est de « choisir » la vie. Ce qui est très différent. En te mettant face à cette possibilité de choix, tu verras que dans tout ce que tu appelles la vie, il y a quand même beaucoup de simulacre ou de n'importe quoi. Tu peux vivre comme une ronce qui enserre un arbre et finit par le tuer, tu peux vivre en pleine inconscience de ce que tu fais, et dis. Tu peux vivre en répandant la désolation autour de toi. Tu peux vivre sans rien ressentir du plaisir de vivre. Tu peux vivre comme un amibe, une bactérie.

Mais tu peux choisir la vie. Regarde. Tout ton paysage te sera éclairé. Tu deviens humain. Choisis la vie. 

Quant à ton coeur qui bat, rassure toi, c'est mon affaire. 

Après cette méditation de ce texte central de la Bible, je comprends enfin comment à partir de deux catastrophes : l'exil pour les hébreux, la croix pour les premiers disciples, des renaissances ont pu se produire.

Simplement. En regardant les deux chemins. Car ils étaient là.

Et en choisissant le bon.

CHOISIR
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