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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

" Ciel, mon génie"

Prédication du 28 janvier 2018, par R Philipoussi



Evangile de Marc, 1 versets 21- 28

1:21 Ils se rendirent à Capernaüm. Et, le jour du sabbat, Jésus entra d'abord dans la synagogue, et il enseigna.

1:22 Ils étaient frappés de sa doctrine; car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes.

1:23 Il se trouva dans leur synagogue un homme qui avait un esprit impur, et qui s'écria:

1:24 Qu'y a-t-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth? Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es: le Saint de Dieu.

1:25 Jésus le menaça, disant: Tais-toi, et sors de cet homme.

1:26 Et l'esprit impur sortit de cet homme, en l'agitant avec violence, et en poussant un grand cri.

1:27 Tous furent saisis de stupéfaction, de sorte qu'il se demandaient les uns aux autres: Qu'est-ce que ceci? Une nouvelle doctrine! Il commande avec autorité même aux esprits impurs, et ils lui obéissent!

1:28 Et sa renommée se répandit aussitôt dans tous les lieux environnants de la Galilée.

 

7:35 Je dis cela dans votre intérêt; ce n'est pas pour vous prendre au piège, c'est pour vous porter à ce qui est bienséant et propre à vous attacher au Seigneur sans distraction.

PRÉDICATION 

« Il a semblé que le souffle pour conjurer le diable ouvrait la porte du baptême. Or bien que je n'ignore pas combien l'origine de ces fatras étranges est ancienne, toutefois il nous est licite de rejeter tout ce que les hommes ont osé ajouter à l'institution de Jésus-Christ.

Jean Calvin, institution de la religion chrétienne. »

On reconnaît bien là l'homme de la renaissance, puisque Calvin trouve normal de rejeter tous les rituels d'exorcismes inventés par la tradition puisqu'il prétend lui aussi retourner à la source,i.e, la grâce de Dieu par la foi en Jésus-Christ, source suffisante pour guérir tous les possédés.

Calvin n'ignore donc pas que les premiers rituels de baptême étaient finalement des exorcismes, comme en témoigne encore aujourd'hui le terme d'exsufflation qui n'est pas qu'un traitement du pneumothorax, mais aussi un terme utilisé encore dans la liturgie du baptême catholique

2 - Exsufflation

Geste du Christ pour chasser le démon., le ministre souffle 3 fois sur le visage de l’enfant et dit :

Sors de cet enfant, esprit impur, et cède la place à l’Esprit-Saint.

Calvin connait la tradition, mais au nom de la souveraineté de DIEU et de la puissance de la grâce, ce n'est pas la peine, selon lui, d'en rajouter. On pourrait taxer Calvin d'idéaliste, et au sens strict de ce terme, il l'est. Dans la même veine idéaliste, Calvin à Genève aurait bien voulu supprimer les rituels d'obsèques, mais il en a été empêché par les magistrats de la ville, peu enclins à voir les habitants protester contre cette sauvagerie idéaliste.

Le problème quand on lit les évangiles – qui sont la source même de l'idéalisme de la grâce seule proposés par les Réformateurs – c'est que des démons, des esprits impurs, il y en a. Le problème est que Jésus lui même pratique ce qu'on appellera plus tard des exorcismes. Et à l'époque de Jésus, tout le monde y croyait, aux démons, aux esprits, et en toute logique, Jésus aussi y croyait.

J'ai trouvé ce texte quelque part, sans référence, je vous le lis

Ils sont les tempêtes, les nuées, les vents mauvais ! La tempête funeste, l'ouragan, ils les servent ! Ils sont les tourbillons qui, sur le pays se mettent [en chasse... Ils ne prennent point de femme ; ils n'engendrent [pas ; Ils ne connaissent pas la raison... Pour détruire le chemin, ils se tiennent dans les [rues

Je ne suis pas un grand spécialiste, mais je peux tout de même affirmer qu'il se promènent dans presque toutes les religions, ces esprits, ces anges, ces archontes, ces archanges, ces génies, ces démons, ces démiurges, fravartis, ces djinns, ces chérubins, ces éons, ces fées.

Plus ou moins bienveillants, d'ailleurs. Le génie de Socrate, le plus célèbre, est lui plutôt, conciliant. Socrate se disait en effet inspiré d'un génie particulier, qu'il nommait son daïmon, et qui lui suggérait ses résolutions, et surtout ce qu'il ne devait pas faire. Ce daïmon lui aurait ainsi conseillé, un jour, de ne pas emprunter une certaine route. Le philosophe suivit son conseil tandis que ses compagnons restèrent. Un peu plus tard, ils furent bloqués par un troupeau de porcs et arrivèrent couverts de boue.

Et vous mêmes, frères et sœurs, vous avez peut être un invité, depuis votre naissance, votre génie familier particulier : de la musique, chère Fanny, ou de la cuisine ou je ne sais quel daimon. Et même si vous pensez qu'il s'agit d'un simple talent, sachez que derrière ce talent, se cacherait peut-être etde toute antiquité, un génie, un daimon, un esprit. Et à celui qui me dirait « qu'il n'a aucun talent » , je lui rétorquerai qu'il a le génie de la « fausse modestie », parce qu'aucun talent, c'est quand même grandiose, voire surnaturel, et cela mériterait un exorcisme, mais hélas, en bon calviniste, je n'en pratique pas.

Revenons à notre texte de Marc, que je vais vous re-raconter, mais en réalité augmentée. Ceux qui ont l'attention gracile entendront une paraphrase, les autres se diront, tiens on voit mieux ce qu'y se passe.

Jésus délivre un enseignement, ce qu'il a parfaitement le droit de faire le jour du Sabbat, pendant l'office. Un enseignement dont on ne connaitra pas un seul mot, mais dont on connaitra seulement la qualité « l'autorité » et la forme «  l'acte de d'expulser un esprit ».

Juste après que la narrateur nous a raconté que Jésus enseignait avec autorité et pas comme les scribes apparaît l'homme possédé et son esprit impur » ce qui invite évidemment notre entendement à l'associer aux Scribes. Ce qui est très violent de la part de Marc.

Un homme, possédé par un esprit, révèle à tout le monde quelle est la mission de ce Jésus qui est là. Il parle au nom du syndicat des démons «  tu es venu pour nous perdre » L'homme possédé, ou l'esprit- on ne sait pas, tout se mélange, révèle à tout le monde qui est ce Jésus : « le Saint de Dieu » , ou en d'autres termes, le protégé, le préféré, le choisi, le précieux, de Dieu »

Jésus intime à l'homme ou à l'esprit (c'est confus) de se taire, avec un mot grec qui a donné en grec le mot muselière, ce qui renvoie déjà au futur côté bestial de ces esprits quand ils auront intégré leur enfer qui au temps de Jésus n'a pas encore été inventé. L'esprit sort avec beaucoup de mouvement et de cri. Ce qui renforce encore chez les spectateurs de ce spectacle la sensation d'autorité de ce Jésus, qui non seulement parle avec autorité, mais agit avec autorité. D'autant plus qu' il pratique une délivrance, ou une guérison le jour du sabbat en plein culte, ce qui n'est pas forcément recommandé. Jésus non seulement parle et agit avec autorité, mais en plus « s'autorise » une pratique, guérir, qui, comme on le sait n'est pas vraiment autorisé pendant le sabbat. C'est à ce moment précis que la renommée de Jésus se répand dans toute la région.

La structure est la même dans les récits parallèles.

C'est de la début du ministère de Jésus. Jésus sort de l'anonymat. Première sortie. Il entre dans une synagogue. Première entrée, comme entrent les esprits dans les corps des gens, Jésus, entre dans un des corps de l'institution de son temps, par la synagogue. Comme il entrera dans son Temple. Il enseigne à haute voix. Il parle, comme l'homme parlera avec sa voix double, la sienne, et celle de son démon. Et Jésus aussi , qui est quelqu'un de normal, mais dont la parole à l'autorité si saillante, si exceptionnelle, pourrait provenir d'une puissance supérieure.

Le possédé entre dans le récit, par effraction, vient « posséder le récit » Deuxième entrée, comme on dit aussi « entrée » pour des personnages de théâtre. Il Parle à haute voix double, et s''adresse à son double positif, à savoir Jésus.

Jésus fait sortir le démon de l'homme. 2Ème sortie, deuxième expulsion.

La renommée de Jésus sort de la synagogue et se répand . 3Ème sortie, 3eme expulsion Fin. Mais aussi commencement réel du ministère de Jésus.

Alors quand on va bien lire ce récit, on ne va plus y trouver un simple exorcisme qui montrerait que Jésus est le plus fort. Par le parallélisme de ce récit on voit bien qu'il s'agit d'une substitution. D'un remplacement. Les codes sont les mêmes. Invasion, autorités, voix doubles, expulsion. Mais on assiste au mouvement de la parole de Dieu qui remplace la parole démoniaque, avec la même technique.

Frères et sœurs, à chaque fois qu'on se pose la question de savoir pourquoi ces textes, en apparence si simples, et parfois commentés si sommairement (dans la logique des super héros combattant le mal) , comment ses textes, ont réussi à traverser le temps, et bien c'est parce qu'ils sont en général riches de plusieurs couches de significations.

Ici, il fallait oser mettre en parallèle structural un homme possédé et délivré d'un démon, et un évangile venant posséder une synagogue et pour s'en trouver expulsé.

Alors oui, à travers ce texte, on trouverait la justification de la liturgie traditionnelle du baptême qui appelle à remplacer chez le petit enfant qui n'en peut mais, l'esprit impur qui y réside, par l'Esprit Saint.

Vous allez sans doute me dire, très bien, mais à quoi cela peut il me servir, à moi, à ma foi, à mes débats intérieurs, en quoi ce texte et son explication vont ils me permettre à moi, d'expulser de moi ces nœuds, ces cris étouffés éventuels, c'est à dire tous ces démons, y compris symboliques, qui me bloquent, parfois m'enserrent, me renvoient à une vie marquée par la répétition, qui me font tourner en rond, et qui parfois se transmettent de générations en générations pour que des lignées entières tournent en rond.

Ma réponse est simple, et elle pourrait apparaître simpliste à nombre d'entre vous. Mais j'assume. Laissez vos démons confesser leur foi. Prenez les, regardez les en face, et provoquez les à s'adresser à Dieu lui-même. Demandez y compris au plus tordu de vos démons de s'adresser à Dieu. Une façon de le faire sortir de son trou, de son bain. Après tout, cet être, symbolique ou non, est une créature de Dieu, comme tous les êtres, y compris symboliques. Et cela fait, vous avez réussi la première étape, comme un chasseur ayant enfumé un terrier. Il a sorti la tête.

A ce moment, substituez lui l'Esprit de Dieu. Qui lui ne vous possèdera pas, car vous habitiez déjà en lui, sans même le savoir, et il est probable, en toute logique, je dirais même en toute démonologique, que votre demon était pour quelque chose dans ce refus de le savoir. Le travail sera fini. Vous serez en paix.

Plus facile à dire qu'à faire. C'est sans doute pour cela que les traditions a inventé des guides, qu'on les nomme chamanes, exorcistes professionnels, ou psychothérapeutes certifiés, ou même pasteurs. A condition qu'ils ne soient pas des charlatans évidemment , possédés eux même par l'esprit de pouvoir, de stupre ou de lucre, et hélas, il n'y a pas encore de certificat de charlatanisme, comme il y a sur les paquets de cigarettes les fameuses mentions de « peine de mort ». Il semblerait qu'on ne puisse pas se libérer, tout seul, des démons nuisibles, y compris, symboliques.

Ce que Calvin, malgré sa grande intelligence, et à cause de son idéalisme, ou d'un éventuel démon, n'avait pas forcément compris ?

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