Menu


Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

DECLARER SON AMOUR A DIEU- Prédication du 3 février 2013



 

LECTURE

 

Aujourd'hui un des textes du jour est un texte très très connu.

Surtout pour ceux qui ont assisté à des cérémonies de mariage, ou qui se sont mariés.

La fameuse hymne à l'amour de Paul.

Les mariés cherchent un texte pour leur mariage, et ils tombent sur celui qui parle d'amour. Et ils le choisissent, bien que ce texte ne parle pas de mariage, du tout, et même on peut se demander s'il parle exactement de l'amour.

De l'amour, ce n'est pas si évident : le mot employé par Paul est "agapè" et c'est un peu facile de le traduire par amour. Mieux : c'est un peu facile de ne le traduire que par amour. C'est pour cela que dans ma lecture, je vais dire agapè. (Mot qui comme vous le savez a donné agapes.)
1 Corinthiens 12:21 à 13:13


31Passionnez-vous pour les meilleurs dons de la grâce (charismes).

Et je vais vous montrer la voie qui surpasse tout.

1Quand je parlerais les langues des humains et des anges, si je n’ai pas l’agapè, je suis une pièce de bronze qui résonne ou une cymbale qui retentit. 2Quand j’aurais la capacité de parler en prophète, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais même toute la foi qui transporte des montagnes, si je n’ai pas l’agapè, je ne suis rien. 3Quand je distribuerais tous mes biens, quand même je livrerais mon corps pour en tirer fierté, si je n’ai pas l’agapè, cela ne me sert à rien.

4L’agapè est patiente, l’agapè est bonne, ellle n’a pas de passion jalouse ; l’agapè ne se vante pas, elle ne se gonfle pas d’orgueil, 5 elle ne fait rien d’inconvenant, elle ne cherche pas son propre intérêt, elle ne s’irrite pas, elle ne tient pas compte du mal ; 6 elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle se réjouit avec la vérité ; 7 elle pardonne tout, elle croit tout, elle espère tout, elle endure tout.

8L’agapè ne succombe jamais. Les messages de prophètes ? ils seront abolis ; les langues ? elles cesseront ; la connaissance ? elle sera abolie. 9Car c’est partiellement que nous connaissons, c’est partiellement que nous parlons en prophètes ; 10mais quand viendra l’accomplissement, ce qui est partiel sera aboli. 11Lorsque j’étais tout petit, je parlais comme un tout-petit, je pensais comme un tout-petit, je raisonnais comme un tout-petit ; lorsque je suis devenu un homme, j’ai aboli ce qui était propre au tout-petit. 12Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière confuse, mais alors ce sera face à face. Aujourd’hui je connais partiellement, mais alors je connaîtrai comme je suis connu.

13Or maintenant trois choses demeurent : la foi, l’espérance, l’agapè ; mais c’est l’agapè qui est la plus grande.


PREDICATION

 

Au risque de vous choquer, chers frères et soeurs, je n'ai jamais eu un grand zèle, ou une grande passion pour ce texte, et même, avant que je ne m'en éclaircisse un peu la raison, j'avais de la gène...

 

Une première partie, donc, pour éclaircir les raisons que j'ai trouvées de ma gène, et dans une seconde partie, nous allons découvrir pourquoi ce texte, est quand même très beau !

 

Oui; il me genait ce texte, dans ses tournures... Comme celle-ci par exemple : quand j'aurais même toute la foi qui transporte les montagnes...

Je trouve moi que ce serait déjà pas mal, d'avoir la foi, qui transporte les montagnes, les déplacent, même les montagnes métaphoriques : les montagnes de problèmes, les montagnes de maladies, les montagnes de chagrin... Agapè ou pas, j'aimerais bien, ce serait bien que ces montagnes se déplacent...

 

ou

 

quand je distribuerais tous mes biens . Je trouve que c'est déjà pas mal...que mes biens puissent profiter à quelqu'un.

Oublions moi, car je n'ai pas vraiment de biens à distribuer. Prenons plutôt l'exemple d'hommes de "biens", comme Bill Gates, ou Mark Zuckerberg, le fondateur de facebook. S'ils distribuaient TOUS leurs biens, même s'ils n'ont pas cette fameuse agapè...ce serait quand même pour des milliers et des milliers de pauvresobjectivement un bien.

Même s'ils ne sont rien, ce serait quand même, donc, bien !

 

Et puis cette tonalité culpabilisante me gène.

Ceux qui font des choses et sont sommés de se demander s'ils le font avec un idéal obligatoire qui devrait être implanté en eux !

Vous savez, il y a même des gestes, qui se font sans amour, mais qui sont reçus avec amour.

 

En gros, je ne trouvais pas ça très logique, très pertinent.

 

Les raisons de mon agacement !

 

Mais un jour j'ai su la raison de mon agacement. Agacement accentué par la surabondance de l'utilisation de ce texte ...

4 siècles avant Paul environ quelqu'un a mis en place un système de pensée à travers des dialogues, et on l'appelait PLATON.

 

Et le système de Platon séparait bien les choses : d'un côté il y avait les apparences, et de l'autre côté "les idées" qui étaient la seule réalité. Les idées sont l'essence de toute chose. Et effectivement, sans cette essence, de fait, les choses ne sont rien.

Platon dit par exemple dans un ouvrage qui s'appelle La république =

Il faut appeler philosophes ceux qui s'attachent en tout à l'essence, et non amis de l'opinion. 


 

ou, dans le même ouvrage

 

C'est cette force qui maintient en tout temps l'opinion juste et légitime sur ce qu'il faut craindre et ne pas craindre que j'appelle et définis courage.

 

Le courage c'est encore une essence, qui maintient la justesse.

 

Et tout à l'avenant : il y a ceci en bas, et cela , en haut. Ce sont les idées qui sont la réalité. Sans elles, pas de réalité.

Le geste d'amour, sans l'idée de l'amour, n'est rien. N'existe pas.

 

Sans l'agapé, je ne suis rien.

Paul, vous l'avez compris, est un platonicien de choc. Et dans ce texte, c'est frappant. L'agapé, c'est ce qui maintient tout, sans l'agapè, en gros, quoi que je fasse, je ne suis rien, je n'existe pas.

 

C'est attirant au départ, mais comme j'ai essayé de le faire entendre avec la métaphore un peu grosse à propos de ce pauvre Mark Zuckerberg, c'est simplement faux.

Mark Zuckerberg, s'il n'a pas l'agapé, n'est peut être rien, ce n'est pas à moi de juger, mais s'il distribue tout ses biens, ce n'est pas rien. Il ne se passe pas rien. Il se fait quelque chose, de bien. Mais l'idéaliste, c'est à dire le philopophe des idées qui surplombent et qui définissent, maintiennent tout, ne sait pas voir ça, ils ne voit pas ça. Il ne peut pas voir quelque chose d'autre que son système de pensée.

 

Et ce système de pensée est pénible. Il infiltre tout. Par exemple, si vous voulez faire évoluer votre Eglise, en fonction des changements qui s'y opèrent : il y a des gens qui arrivent, avec des demandes différentes, ou plus de passants que de sédentaires ou tout ce qui peut arriver et qui n'est pas maitrisable, et que vous en discutiez entre idéalistes, et bien vous allez vous battre sur votre définition de l'idée de l'Eglise, ce qu'elle est, ce qu'elle doit être, etc. Et la bataille peut durer longtemps, et pendant ce temps, vous n'aurez pas adapté votre Eglise à la réalité de base.

Autre exemple vécu : certaines paroisses ne concevent pas qu'une Eglise peut inclure une garderie pour les enfants , et, que les enfants puissent se promener pendant le culte, ou dessiner ou faire quoi que ce soit. Résulat : L'idée de l'Eglise a été plus forte, que la vie même de l'Eglise. Voilà le problème : les idées pures, les définitions pures, c'est bien, mais cela n'a que rarement un rapport direct avec la vie.

 

Alors pour Paul, c'est l'agapè qui donne le sens de toute chose. Et on n'est pas obligé d'être d'accord ! Ce n'est qu'une philosophie, que Paul utilise, surtout en plus quand il s'adresse à ses amis les Corinthiens qui pensent dans les mêmes catégories.

 

Pourquoi cette hymne est quand même belle ?

 

Mais Paul continue. Il semble oublier sa théorie.Il se met à parler de l'agapé toute seule. L'agape endure tout, croit tout, n'a pas de passion jalouse, ne meurt jamais.

Oui, l'agapé avec sa racine d'abondance et de surabondance, parle de quelque chose qui serait de l'ordre de la grâce surabondante, inconditionnelle, amoureuse à n'en plus finir, confiante, totale.

Et Paul, après son exercice un peu naïf de philosophe en herbe, avec une façon presque touchante, se met tout simplement à parler de Dieu.

Et il se lâche.

Et c'est là que ce texte devient beau.

 

Même si son Dieu là ressemble encore à une idée, à une notion, à une essence, ce qu'on a envie d'aimer dans ce texte, c'est que notre théologien se lâche, et qu'il ose dire ce qu'est Dieu pour lui :

 

Il ne cherche pas son propre intérêt, il ne s’irrite pas, il ne tient pas compte du mal ; 6il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit avec la vérité ; 7il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout.


 

Alors en conclusion, je n'aurais que deux recommandations :

Un peu technique, pour les lecteurs de la Bible que nous sommes :

Faites attention à ne pas vous laisser aspirer par des textes célèbres comme celui ci quand manifestement ils ne sont qu'une forme de communication adaptée à la philosophie présumée de leurs destinataires. Ne les prenez pas au pied de la lettre. Et si vous avez une gène - de l'ordre de celle qu'on éprouve lors d'un mariage quand on entend ce texte - essayez d'oser vous exprimer cette gène, elle provient surement de quelque part.


 

Et ensuite, pardonnez à Paul, fougueux. Oui il est influencé par la philosophie de Platon, il l'est, et nous aussi nous le sommes. Pardonnez lui, et ensuite mais appréciez , goûtez la façon dont il fait sa déclaration d'amour à Dieu qu'il n'ose pas nommer tellement il reste un juif qui a l'interdit de nommer Dieu, mais à qui il déclare sa flamme par l'intermédiaire d'un mot presque intraduisible ...

Il fait une déclaration d'amour à son Dieu revêtu d'une idée féminine plus forte que la foi et même l'espérance, plus forte que tous les dons de la grâce, que tous les charismes.


 

Laissez vous toucher par cette fougue, et n'hésitez pas vous aussi à vous en parler, de Dieu, laissez le sortir du territoire des ombres, ou du territoire des idées et déclarez lui votre amour.

Voici le message : ayons le courage de Paul de déclarer notre amour...


 

Epilogue

Et enfin, si jamais vous avez envie de distribuer vos biens aux pauvres, ne vous inquiétez pas, restez pragmatiques :

cela fera surement du bien aux pauvres en question.

Et savoir si ce faisant, vous êtes quelque chose ou rien, ça reste une question de philosophe :-)
 
.


TEXTES LITURGIQUES (en construction) | TEXTES ET AUDIO DES CULTES | QUELQUES DOCUMENTS AUDIO