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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

LE PIEGE RELIGIEUX, prédication du 4 janvier 2015-TEXTE ET AUDIO



Matthieu 2.1-12

1Après la naissance de Jésus, à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem 2et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus nous prosterner devant lui. 3A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. 4Il rassembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple pour leur demander où devait naître le Christ. 5Ils lui dirent : A Bethléem de Judée, car voici ce qui a été écrit par l’entremise du prophète :6Et toi, Bethléem, terre de Juda,tu n’es certainement pas la moins importantedans l’assemblée des gouverneurs de Juda ;car de toi sortira un dirigeantqui fera paître Israël, mon peuple. 7Alors Hérode fit appeler en secret les mages et se fit préciser par eux l’époque de l’apparition de l’étoile. 8Puis il les envoya à Bethléem en disant : Allez prendre des informations précises sur l’enfant ; quand vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que moi aussi je vienne me prosterner devant lui. 9Après avoir entendu le roi, ils partirent. Or l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les précédait ; arrivée au-dessus du lieu où était l’enfant, elle s’arrêta. 10A la vue de l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. 11Ils entrèrent dans la maison, virent l’enfant avec Marie, sa mère, et tombèrent à ses pieds pour se prosterner devant lui ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. 12Puis, divinement avertis en rêve de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

 

PREDICATION

Seigneur, Ta parole est une lampe à nos pieds, une lumière sur notre sentier. Amen.

 

Le texte des mages que vous avez entendu, tout le monde le connaît. Récemment je suis allé visiter à Necker les parents d'une petite fille hospitalisée en orthopédie, immobilisée depuis un mois, et dans la conversation, il a été question de se demander si cette petite de 9 mois, on devait lui fêter Noël, avec des cadeaux. Un petit débat pour savoir si elle était trop petite ou pas pour percevoir le sens même du don d'un cadeau. Alors j'ai parlé de ce récit où Jésus, qui était encore plus jeune, a reçu des cadeaux impressionnants - en a t-il eu conscience ? C'est une question que les mages, tout mythologiques qu'ils pourraient être, ne se posaient pas. Et nous en avons conclu qu'en effet, recevoir des cadeaux, à tout âge, c'est une très agréable sensation, qui nous confirme, s'il en était besoin, que nous ne sommes pas oubliés.

Je me suis donc dit que ce récit avait encore suffisamment d'énergie pour parler encore, un 26 décembre 2014, au milieu d'une conversation charmante autour du lit d'une petite fille hospitalisée, je dirais, hospitalisée avec ses parents.

 

Puissance de ce récit, oui.

 

Ensuite, ce récit est il préchable. Je veux dire permet-il d'annoncer la bonne nouvelle ? Question étrange car il s'agit quand même de la demonstration de l'honneur fait à Jésus par une expression de l'humanité entière. Mais, en fait je réponds non. Ce récit en tant que tel n'est un bon sujet de prédication, et bien sûr je vais m'expliquer là dessus. Ce sera le sujet de cette prédication. Un peu de théologie fondamentale, pour bien commencer l'année !

Certes, on peut contourner l'obstacle en magnifiant par exemple, le fait que les mages prennent un autre chemin, et disserter sur cet autre chemin. Comme bien sûr je l'ai fait déjà moi-même. Mais quand on fait cela on ne prêche pas le texte, on sélectionne une partie du texte et on l'utilise comme une métaphore.

 

Ce récit n'est pas admissible comme support pour prêcher la bonne nouvelle car il est utilisé hors de propos. A quoi servait ce récit ? Il servait à attirer l'attention sur Jésus de tous ceux qui, d'une autre culture, d'une autre langue, vivant dans des maisons mythologiques différentes, auraient pu recevoir la bonne nouvelle de la part du Dieu d'Israël.

Ce récit agissait comme ce que les codes de la rhétorique appele la captatio, afin d'amener, les esprits sensibles à ce merveilleux, vers le coeur du sujet, du sujet Jésus, celui qui a réinventé la loi de Moïse, celui qui a parlé, celui qui a agi d'une très singulière façon.

Mais, si on se contente de prêcher ce texte en disant " regardez comment cet enfant est merveilleux, regardez comment un roi méchant et jaloux voulait sa peau, regardez comment toute la terre lui rend hommage" on se contente de précipiter l'attention sur la personne de Jésus en tant que telle, pour simplement l'adorer.

 

Et dès lors, se ferme sur nous, ce que j'appelle un piège religieux. Car cela nous devient égal que cette personne soit un enfant, un Dieu, un adulte : il faut l'adorer. Point. Cette personne n'a même plus besoin de parler. De tenter de nous indiquer un chemin préférable à celui que nous aurions par erreur, par manquement, emprunté. Le seul chemin désigné par la prédication sur ce récit pur, serait celui de l'adoration pure, et l'histoire, avant même de commencer, est déjà terminée. C'est le piège.

 

Rappelons le 1er commandement : Je suis le l'Eternel ton Dieu qui t’a libéré de l’esclavage.

1) Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face.

 

Pour bien me faire comprendre, je vais vous raconter une histoire.

C'est l'histoire de Jean et de Louise. Ils se sont rencontrés dans une grande école de commerce, et inévitablement ils se sont aimés. Jean, de l'avis de tous ces amis était profondément admiratif de sa fiancée, il en parlait tout le temps. Au point que cela devenait un peu génant, dans les conversations, l' expréssion de cette béatitude. A la fin de leurs études, ils se sont mariés. Jean a crée ce qu'on appelle une start up qui en deux ans a rencontré un immense succés, et il s'est mis à gagner des fortunes. Louise elle, avait changé d'option, elle s'était mise à refaire des études qui l'interessait davantage, elle a commencé des études de droit humanitaire international. Jean était pris par son travail.Et l'argent ne manquait pas à la maison. A chaque fois que Louise parlait de ce qu'elle avait envie de faire, Jean la regardait avec admiration, et avec un grand sourire. Il lui disait que de toutes façons, elle avait le temps, et puis, un coup de fil interrompait cette conversation, et il repartait travailler. Louise avait souvent l'impression de ne pas pouvoir finir ses phrases. Il l'adorait. Il lui faisait plein de cadeaux extraordinaires. Il ne lui cachait pas qu'il voulait un enfant d'elle, parce que ce serait un tel témoignage de leur amour. Il en parlait encore de son adoration de Louise, y compris dans des dîners où elle était présente, ce qui était un peu génant. Il l'adorait complètement. Un jour, elle le quitta mentalement. Il ne s'en apeçut pas car il l'adorait , encore tellement. Et puis un autre jour, elle s'en alla.

 

Cette petite histoire est une histoire théologique, destinée à bien faire comprendre, que l'adoration de Jésus est un piège religieux. Ce piège a pour fonction d'éteindre la capacité de la parole de Dieu qui s'exprimait à travers lui. C'est aussi l'histoire de ce dicton de l'imbécile, vous savez celui qui regarde le doigt du sage qui désigne le chemin.

Ce texte de l'adoration des mages est le doigt qui nous invite à prendre la route avec Jésus et à regarder si nous pourrions être capable de mettre nos pas dans les siens. Il ne s'agit de s'arrêter là. Ou de rester même adulte dans ce qu'on désignait avant par l'en fance, dont on a oublié l'étymologie, c'est à dire l'incapacité de parler, tellement nous serions courbés par l'adoration.

 

Pourtant, l'évangile, je veux dire quand il s'écrit à partir du baptême de Jésus, tente d'éviter constamment ce piège. Jésus passe son temps à repousser les manifestations enthousiastes et serviles de ceux qui veulent l'adorer, le toucher, le prendre.

 

En tombant dans le piège de l'adoration, c'est comme si on tuait la personne qu'on prétend adorer. Et même si les évangiles nous avertissent de cette tentative de meurtre en racontant l'histoire de la montée vers le supplice tout en affirmant que ce ne fut pas le dernier mot, les adorateurs se sont débrouillés pour encore une fois adorer la croix comme ils avaient déjà adoré le berceau.

Tu aimeras ton Dieu de tout ton être, et ton prochain comme toi même, a dit Jésus, et pas "tu m'adoreras moi".

 

L'adoration est une colle qui nous piège et nous rend aveugle, sourd, servile et idiots. Certes, il n'y aucun risque à adorer Dieu, mais tant qu'on ne prétend pas se le représenter d'une manière ou d'une autre. Mais Dieu seul.

Je repense à Louise. Peut-être reviendra t elle vers Jean, après qu'il aura accompli sa conversion, qu'il aura enfin saisi que la parole de l'autre n'est pas absorbable dans l'exaltation de son image , qui est en fait l'image de soi, quand il aura compris que le plaisir d'adorer est simplement un penchant égoiste et infantile.

Le retrait de Louise me fait penser au retrait de Dieu. Le retrait de Dieu de toutes les religions d'adorateurs.

 

Donc, ça c'est pour la prédication. Ne regardez pas le doigt, écoutez, méditez, les paroles, et faites en votre pain quotidien. Et avancez.

En revanche, dans un culte, il y a liturgie qui elle, est le lieu propice pour la manifestation de notre louange, il y a notre prière, ou notre louange privée, et même si les mots y dépassent notre entendement, leur registre est différent. Nous avons aussi besoin d'adorer, mais notre spiritualité ne peut pas être confinée dans l'adoration. Il faut interpréter les écritures, pour en faire saillir la parole de Dieu et commencer cette nouvelle année avec celui dont nous nous serions pas les adorateurs, mais tout simplement, et c'est autrement exigeant, les disciples.

predication_4_janvier_2015.mp3 Prédication 4 janvier 2015.mp3  (11.79 Mo)

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