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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

"La parole indomptable"

PrédicationS du 10 décembre 2017, par Robert Philipoussi



Pierre chapitre 3 versets 8 à 9
8Mais il est une chose, bien-aimés, que vous ne devez pas ignorer, c'est que, devant le Seigneur, un jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un jour. 9Le Seigneur ne tarde pas dans l'accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le croient; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la conversion.

PREDICATION 1
Depuis le début de l'année, beaucoup de prédications, volontairement, ont tenté de dessiner les contours, des contextes, des imaginaires où certaines paroles bibliques se projetaient, afin que nous puissions, comment dire « en savoir quelque chose » de palpable, afin que nous puissions aussi « en faire quelque chose » et «  en dire quelque chose » si nous suivons la définition synodale de l'Eglise protestante unie de France, d'être un Eglise de « témoins ». Et pour devenir cela, on ne peut rester coincé dans un imaginaire antique . Ce n'est pas possible. Donc, de temps en temps, il faut faire ce travail de ré enracinement, pour que nous puissions témoigner, mais sans s'épuiser dans des formules qui seraient vides de sens pour nos contemporains. Pour que certains de nos témoignages pour qu'ils fassent sens, deviennent chair.
Mais aujourd'hui, on ne va pas faire d'histoire. Aujourd'hui, il n'y aura aucune explication. Aujourd'hui, il y a ces deux flammes tremblantes. Il y a ce sapin encore nu, comme si nous étions une peuplade de la forêt. Qui après avoir cherché l'arbre sacré, enfin l'a trouvé. Il va s'agir de l'apprêter.
Aujourd'hui, nous sommes au cœur du temps de l'Avent. C'est un moment où le temps se tord. Un moment où le temps commence à changer de nature. Beaucoup de gens croient que  l'Avent ( a.v.e.n.t)  signifie a.v.a.n .t Noël. Mais cela n'a rien à voir avec un avant et un après. L'avent, cela signifie la venue, l'avènement, l’événement. Et cet événement crée une aspiration. Il produit une distorsion de la représentation du temps. Aujourd'hui, dans un texte du jour, il y a une lettre de Pierre qui nous rappelle que pour Dieu un jour est comme mille ans et inversement. Ce qui nous doit nous mettre une puce à l'oreille.
Notre esprit rationnel et chronologique pense et il fait bien que  l' événement en question c'est «  Noël » et tout le sens que cette fête va charrier, va apporter. Mais la bonne nouvelle de l'Avent est bien plus radicale qu'une attente d'une fête d'anniversaire. Elle est une invitation à sentir l'autre temps.
Le temps usuel , c'est un être bizarrement familier et invisible que nous prétendons bien connaître, au point qu'il y encore quelques années , des manuels, prétendaient nous apprendre à le gérer (alors que la réalité était qu'il s'agissait de nous gérer nous mêmes, en apprenant à obéir aux ordres que nous nous serions donnés, bref passons).
L'invitation de l'Avent est de sentir l'autre temps, non pas celui qui soi disant passe, ou fuit, mais l'autre. L'autre temps qui fait que notre temps qui passe se tord, se courbe, peut se suspendre.
Et dans un mouvement proprement spirituel, je dirais « un sursaut » - un sursaut autorisé car la période de l'Avent est faite pour cela !- dans ce mouvement, nous consentons à suspendre nous aussi notre course pour pouvoir bénéficier des éclats de l'autre temps. Le temps de l'événement.
L'événement c'est quoi ? C'est simple. C'est la présence de Dieu. Mais en général, on emploie cette expression « présence de Dieu » un peu trop à la légère. Je dirais même que même l'utilisation du mot « présence » en général se fait aussi d'une façon très cavalière.
La présence, ou la présence de Dieu, ce n'est pas la vague impression qu'un être fantomatique se cacherait derrière cet arbre et nous observerait pendant que nous ferions semblant qu'il n'est pas là. La présence de Dieu, c'est l'entrée de l'éternité dans le gouffre de notre existence, qui va distordre , suspendre et changer toutes les dimensions auxquelles nous sommes accoutumées. Une venue qui nous enlève, qui nous replace, qui nous fait saisir ce qu'est la joie. Qui lave toutes les scories qui se sont agglutinées sur notre peau depuis que nous commettons des fautes, des erreurs, des mesquineries, des hypocrisies. Une venue qui va balayer nos regrets. Un avènement qui nous fait bienheureusement sentir o combien nous pouvions être ridicules avant de vivre , comme le dit Pierre, cette rafale de conversion, en grec : le bouleversement de l'intelligence.
Voilà donc décrite, l'invitation qui nous est faite pendant le temps de l'avent. Ce qui certes n'ira pas nous empêcher d'habiller ce sapin pour marcher aussi sur le temps commun, le temps qui passe et que nous passerons ensemble

LECTURE Marc 1 1-8 
1Commencement de l'Evangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu.2Selon ce qui est écrit dans Esaïe, le prophète: Voici, j'envoie devant toi mon messager, Qui préparera ton chemin;3C'est la voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers.4Jean parut, baptisant dans le désert, et prêchant le baptême de conversion, pour la rémission des péchés. 5Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui; et, confessant leurs péchés, ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain. 6Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. 7Il prêchait, disant: Il vient après moi celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier, en me baissant, la courroie de ses souliers. 8Moi, je vous ai baptisés d'eau; lui, il vous baptisera du Saint-Esprit.
PRÉDICATION 2 
Jean le Baptiseur. Jean celui qui plongeait des personnes dans l'eau courante du Jourdain pour qu'elles soient débarrassées de toutes leurs scories, leurs regrets, leurs remords. Toutes ces scories qui iront suivre le cours du fleuve et qui se jetteront dans la mer. Comme, cette myriade de porcs possédés qui toujours dans l'évangile de Marc iront se jeter à l'eau.
Jean, celui qui plonge les personnes qui le veulent dans l'eau et les renvoie ensuite sur la berge. Comme neuves. Jean qui les plonge dans ce fleuve qui passe, mais aussi les en retire , parce qu'il ne s'agit plus désormais de suivre le cours d'un fleuve, mais de renaitre sur l'autre rive, dans l'autre Temps.
Le temps qui selon lui, ne passe pas. Le temps éternel de Dieu, celui qui vient, et dont l'avènement commence à distordre les anciennes représentations, à briser les habitudes, à relativiser par exemple, tout ce qui se prétendait ici éternel, alors que face à l'autre temps, toutes ces éternités : tous ces jamais, ou plus jamais tous ces toujours, n'étaient que de la pacotille. Jean ne recrute pas. Il sauve des personnes de la noyade générale car pour lui c'est une vague sans précédent qui va s'abattre. Le règne de Dieu est proche, proche dans l'imminence, et proche dans la proximité physique.
Jean le sauveteur qui ceignait ces reins et était vêtu comme le prophète Elie qui lui aussi ceignait sa ceinture, ce qui voulait dire « être prêt » .
Elie, dont il est la réminiscence, comme s'il sortait du passé. Comme s'il redescendait du ciel où le croyait envolé. Comme un mirage dans notre désert.
Mais l'évangile ajoute des précisions. Premièrement que les poils de ses vêtements, de Jean, étaient des poils de chameau. Sans doute pour signaler que Jean avait une qualité supplémentaire par rapport au prophète Elie. Celle de conduire le peuple sur les nouveaux sentiers, comme dans un nouvel exode, mais cette fois sur des chameaux.
En supplément on lit aussi qu'il se nourrissait de sauterelles. Sauterelles! Les ennemis mortel des récoltes . Je vous rappelle la 8e plaie d'Egypte : Elles recouvrirent la surface de toute la terre et la terre fut dans l'obscurité ; elles dévorèrent toutes les plantes de la terre et tous les fruits des arbres, tout ce que la grêle avait laissé et il ne resta aucune verdure aux arbres ni aux plantes des champs dans tout le pays d'Égypte . Jean le baptiseur, lui, il les mange !  Il fait donc d'une ancienne plaie une nourriture. Ce qui est littérairement, disons, savoureux.
Marc nous informe aussi qu'il se nourrit de miel sauvage. On découvre dans la Bible que la parole du Seigneur est souvent comparée à du miel (Psaume 19, 119, Ézéchiel etc). Ce qui donc nous fait penser que Jean le baptiseur est un amateur de la belle Parole de Dieu. On se souvient aussi que que la terre promise est celle où coule le lait et le miel . Et il est précisé ici qu'il s'agit de miel sauvage. C'est à dire, disponible gratuitement dans des endroits, ou sur des territoires spirituels pas encore colonisés par les humains, par leurs institutions et leurs administrations / Sauvage donc forcément en petite quantité car plane encore l'avertissement du Proverbes qui dit : Si tu trouves du miel, n'en mange que ce qui te suffit, De peur que tu n'en sois rassasié et que tu ne le vomisses.
Jean le sauveteur, est plus qu'une réminiscence d'un ancien prophète. Il est mieux qu'un mirage, qu'une réplique. Il est le précurseur d'un événement où la Parole de Dieu redeviendra sauvage.C'est à dire gratuite, pas industrielle, une Parole indomptée, libre. Mais surtout du coup précieuse, car rare. C'est fini, la parole de Dieu qui coule automatiquement quand nous ouvririons un robinet particulier désigné par une institution de dressage de la Parole de Dieu.
Jean le sauveteur va bientôt baptiser quelqu'un d'autre. Et il sera stupéfié. Car il ne s'attendait pas à quelqu'un comme celui ci. Il découvrira que même quand on se le figure, qu'on le prophétise, qu'on l'attend, l'événement de la présence de Dieu est toujours autre , radicalement autre que nous. Jean le baptiseur va être dépassé par celui qu'il va rencontrer. Pour Jean-Baptiste, désormais, le temps ne passera plus jamais.
Mais pour nous, en ce temps de l'Avent, nous est offert la possibilité de sentir ou de ressentir l'autre temps, comme si nos existences soudainement ressentaient tout en restant pleinement vivantes, qu'elles pouvaient – miraculeusement – être débarrassées de l'infernal carcan du temps qui passe. AMEN 
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