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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

PREDICATION A L'OCCASION DU BAPTEME DE GIULIA



Ézéchiel 36 24-28

24Je vous retirerai d'entre les nations, je vous rassemblerai de tous les pays et je vous ramènerai sur votre terre. 25Je vous aspergerai d'une eau pure, et vous serez purs ; je vous purifierai de toutes vos impuretés et de toutes vos idoles. 26Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un souffle nouveau ; j'ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. 27Je mettrai mon souffle en vous et je ferai en sorte que vous suiviez mes prescriptions, que vous observiez mes règles et les mettiez en pratique. 28Vous habiterez le pays que j'ai donné à vos pères ; vous serez mon peuple, et moi, je serai votre Dieu.

 

Marc 1 , 9-11 baptême de Jésus

9En ces jours-là Jésus vint, de Nazareth de Galilée, et il reçut de Jean le baptême dans le Jourdain. 10Dès qu'il remonta de l'eau, il vit les cieux se déchirer et l'Esprit descendre vers lui comme une colombe. 11Et une voix survint des cieux : Tu es mon Fils bien-aimé ; c'est en toi que j'ai pris plaisir.

 

Marc 10

Jésus et les enfants

 

13Des gens lui amenaient des enfants pour qu'il les touche de la main. Mais les disciples les rabrouèrent. 14Voyant cela, Jésus s'indigna ; il leur dit : Laissez les enfants venir à moi ; ne les en empêchez pas, car le royaume de Dieu est pour ceux qui sont comme eux. 15Amen, je vous le dis, quiconque n'accueillera pas le royaume de Dieu comme un enfant n'y entrera jamais. 16Puis il les prit dans ses bras et se mit à les bénir en posant les mains sur eux.

 

PRÉDICATION

 

Je vous invite aujourd'hui, comment dire, à ne rien interpréter du tout des deux derniers textes qui viennent d'être lus !

Vous savez, interpréter un texte, c'est résister à de nombreuses tentations.

Parmi lesquelles :

- Evidemment celle d'infiltrer le texte avec ses idées, ses passions, ses lubies. Mais quelqu'un de suffisamment éduqué à la "lecture" s'en rend compte tout de suite, qu'on le manipule, sent le texte, en l'occurance, biblique, devient un simple prétexte à un sous entendu, une idée, une lubie, pour celui qui le dit, encore plus sacrée. C'est bien sûr une énorme et dangereuse faute.

- Une autre tentation. Beaucoup plus retorse : celle de tirer tout vers ce qu'on appelle l'allégorie. Qui consiste à laisser voir du thème partout. Et laisser les lecteurs, les auditeurs à ne plus pouvoir faire que contempler, de magnifiques thèmes, de magnifiques notions : l'amour, la fraternité, le devoir, la responsabilité... recevoir ces magnifiques thèmes, ces magnifiques notions, mais ne jamais rien voir dans sa vie normale qui corresponde à ces thèmes, ces notions. Ce qui créé une distorsion. Ma vie n'a rien d'allégorique. Quand je me cogne le tibia sur une table basse j'ai mal, et cette table est une matière qui fait un bleu sur un os plus sensible qu'elle. Et l'évènement n'est pas une allégorie du combat entre la matière morte et la matière vivante, par exemple.

L'art de l'interprète consiste à faire plutôt une courbe, montante et descendante. J'explique. Mettons qu'il ait à interpréter une "plage". Je sais c'est étrange, mais je continue. Il commencera à révéler cette plage puis à en dessiner les dimensions et les limites. Il décrira d'eventuels arbres et tout ce qui vit autour, les maisons, le caractère de la mer à ce moment là , si elle est agitée si elle est calme, le type de sable, bref en quelque sorte il transformera le texte "plage" en apparition visible , presque tangible, et puis il amorcera sa courbe en choisissant sa cible, en parlant par exemple de la question de la frontière entre la mer et la terre, frontière fluctuante, où finit la plage, où commence la mer... et peut-être amorcera-t-il sa courbe en proposant de voir la plage comme une multitude, une multitude de grains de sable, formant une unité certes, mais une unité changeante, bref il glissera vers le symbole par exemple d'une humanité unie mais changeante, aux frontières floues avec ce qui l'entoure, avec la création, les autres espèces, son identité, sa particularité et sa communauté avec le reste, mais au faite de cette courbe il devra penser à redescendre rapidement, il doit retourner sur le sable, le sentir de nouveau comme sable, revoir sa réalité de sable, sa densité, sa liquidité, sa couleur et s'arrêter là. Et laisser ses lecteurs , ou auditeurs, dans le concret de cette plage, avec une nouvelle perception de celui-ci, mais quand même sur terre. Pour éviter la sentence "c'est bien joli tout ça..., mais"

Ce que je propose ce matin c'est de ne pas trop décoller. De ne pas faire un détour vers le symbole, le thème. D'autant moins que l'évangile de Marc est très factuel, très cru, et se dispense le plus souvent d'interprétations internes.

Alors voilà; disons le plus factuellement possible.

Jésus s'est fait baptiser et il a entendu une voix qui lui a dit qu'il était le fils de Dieu et qu'il était aimé .

Ensuite, on le retrouve dans l'exercice de son ministère. Des gens lui apportent des enfants pour qu'ils les touchent de sa main, car il se trouve que Jésus était un guérisseur. C'est une faculté qu'il avait sans doute bien avant de réaliser qu'il allait devenir un prophète. Je dirai même que ces deux fonctions ne sont pas liées. Il lui a simplement été difficile de ne pas tenter de guérir ou soigner les gens qui venaient à lui parce qu'ils avaient entendu parler de lui, à travers des rumeurs transformistes.

L'interprète qui veut trop rapidement s'envoler vers les cieux des idées va se demander si les gens qui viennent vers Jésus, avec leurs enfants sur les bras, sont bien intentionnés.

Mais celui qui décidemment a envie de rester sur terre ne sait rien de plus que ce que le texte dit. Et ne sait donc pas si gens ont une intention claire, ce qu'ils attendent, ce qu'ils croient ou anticipent. Ce qu'il sait, cet interprète, ce qu'il lit, ce qu'il voit, c'est que pour eux, c'est urgent, vital.

Ce qu'il entend, c'est que les disciples de Jésus menacent, ces gens, avec leurs enfants sur les bras. Ont-ils raison, ont-ils tort, ces disciples ?

Leur réaction n'était-elle pas raccord avec ce qu'ils imaginaient eux, de la vocation de Jésus ? Une vocation large, une vocation politique, révolutionnaire peut-être ! Il fallait donc peut-être le protéger leur leader de tous ces gens qui finalement entravent sa marche vers Jérusalem. Jésus n'est pas qu'un distributeur de bénédiction ou de soins, c'est un prophète, c'est peut-être le Messie, le Fils de Dieu.

Mais ce que le texte relate c'est que Jésus est indigné, ou fortement chagriné , semble dire le grec, de la réaction des disciples.

En gros, donc, on ne sait pas grand chose. Il y a des gens qui viennent avec leurs enfants pour que ceux-ci reçoivent quelque chose par les mains de Jésus. Il y a d'autres gens qui les menacent et tentent de les repousser. Et il y a Jésus qui les reçoit quand même. Qui les bénit, ou les soigne, on ne sait pas. En tous les cas, qui les laissent passer. Qui ne les menace plus. Ces gens feront ils de nouveaux disciples ? Peut-être on n'en sait rien. Ce que l'on sait, c'est qu'ils ont été accueillis, que leurs enfants ont reçu une bénédiction , une bénédiction dont on ne connait pas les contours.

Jésus compare le passage vers le règne de Dieu au passage de ces enfants, qui le recoivent sans évidemment trop se poser de question, portés qu'ils sont par des bras.

Il dit qu'il ...

... faudrait être comme un enfant pour parvenir dans ce règne de Dieu, dans ce cas les mains de Jésus sont une manifestation du règne de Dieu,

ou car la phrase est ambigue,

qu'il faudrait recevoir ce règne comme si on recevait un enfant. Jésus dans ce cas recevrait à travers ces enfants, le règne de Dieu. On ne sait pas . Ce que l'on sait, c'est qu'on est sorti des menaces, que les enfants ont été bénis, et que ça c'est le plus important.

C'est à peu près ce qui s'est passé avec Giulia aujourd'hui- Giulia de qui plus je la connais, plus je comprends le langage, et je sais désormais distinguer quand elle dit "dauphin" et " pas "j'ai faim" par exemple, mais bref c'est anecdotique, il y a un dauphin sur mon bureau et il se trouve qu'il a été trouvé sur une plage. D'ailleurs le voilà.

Ses parents sont venus. Ils ont demandé le baptême - pour des raisons complexes cela ne s'est pas fait tout de suite, on va dire que c'était un peu cette résistance dont parle le texte, ...

Et au delà des raisons multiples qui vous ont poussé Aurélio et Stella à accomplir cette démarche, et au delà des myriades de significations de l'acte même d'être baptisé - il est évident que Giulia n'est pas baptisée avec les mêmes intentions que celles qui prévalaient à l'époque où Jésus lui-même a été baptisé, au delà des cette constellation des significations, il y a une certitude, Giulia est aimée, par vous, sa famille, par nous sa famille spirituelle qui la découvrons vraiment aujourd'hui - car elle a déjà fait quelques incartades au culte - et par Dieu, qui l'aime sans justification et sans rien lui demander, dans la même tonalité que la voix de Dieu qui s'adresse à Jésus au moment de son baptême. Je t'aime.

Mais il existe une certitude encore plus concrète. Il y a la certitude au delà même de ce qu'on met sous le terme d'amour, il y a la certitude que c'est important. Aussi important que le règne de Dieu qu'on accueille en accueillant Giulia, ou que Giulia accueille en étant encore un bébé, parfaitement compréhensible uniquement par ses parents, pour l'instant...

Aussi important que le fait de laisser passer la bénédiction quand celle ci est demandée par ceux qui tendent des enfants à bout de bras, peut être pour éviter qu'ils se noient.

Voilà. Le récit littéral. Il y a des gens qui veulent passer. Des gens qui ne veulent pas qu'ils passent. Mais finalement, ils passent et ça change tout. Et merci.

Il ne s'est rien passé d'autre que ça. Et je nous ramène donc totalement sur le sol. Dans la vie normale. Car je n'ai pas pu m'empêcher quand même, d'interpréter.

Mais concrètement, surtout maintenant, il y a Giulia. Ce n'est pas un symbole. C'est une petite soeur. Et ses parents qui n'ont pas eux non plus une tête de symbole. De même que moi, qui ait reçu l'honneur au nom de l'Eglise de baptiser, je ne suis pas un symbole. Je suis quelqu'un. Et nous tous, qui l'avons accueillie, nous n'avons pas fait qu'assister à un baptême, nous n'avons pas fait que même, participer à un baptême, on ne va même pas dire non plus que nous avons accueilli Giulia comme si nous avions accueilli le Règne de Dieu mais je dis que nous avons accueilli le règne de Dieu en laissant passer la possibilité de la bénédiction, du baptême de Giulia.

C'est ce que, littéralement, nous avons fait.

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