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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

PREDICATION DU 14 FEVRIER 2016 (texte)

dialogue diabolique



ILLUMINATION 

Esaïe 55.10-11  10Comme la pluie et la neige descendent du ciel et n’y reviennent pas sans avoir abreuvé la terre,sans l’avoir fécondée et fait germer,sans avoir donné de la semence au semeur et du pain à celui qui a faim,11ainsi en est-il de ma parole qui sort de ma bouche :elle ne revient pas à moi sans effet,sans avoir fait ce que je désire,sans avoir réalisé ce pour quoi je l’ai envoyée.

 

MATTHIEU 4 

 1Alors Jésus fut emmené par l'Esprit dans le désert, pour être tenté par le diable. 2Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. 3Le tentateur, s'étant approché, lui dit: Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. 4Jésus répondit: Il est écrit: L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.5Le diable le transporta dans la ville sainte, le plaça sur le haut du temple,6et lui dit: Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas; car il est écrit: Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet; Et ils te porteront sur les mains, De peur que ton pied ne heurte contre une pierre. 7Jésus lui dit: Il est aussi écrit: Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu.
8Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, 9et lui dit: Je te donnerai toutes ces choses, si tu te prosternes et m'adores. 10Jésus lui dit: Retire-toi, Satan! Car il est écrit: Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul. 11Alors le diable le laissa. Et voici, des anges vinrent auprès de Jésus, et le servaient.


PREDICATION

Il existe beaucoup de façon de manipuler, mais dans ce récit - parralèle à celui du jour, mais que vous avez néanmoins choisi Thomas et Marie - on trouve le nerf, l'essence même de la manipulation. Mais on y trouve aussi les moyens de se libérer de la manipulation.Tout d'abord rappelons comment ce récit s'insère dans la narration du début de l'évangile. Jésus vient d'être baptisé par Jean le baptiseur juste avant d'être baptisé dans l'esprit de Dieu. Une voix survient du ciel, qui le désigne en disant " celui-ci est mon Fils", et il ajoute " bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection".
Et puis, Jésus donc est poussé par le même souffle, dans le désert, pour y vivre une épreuve. Epreuve ou tentation, c'est le même mot en grec. Mais je préfère "épreuve", parce que voilà, il ne suffit pas, quand on est fils de Dieu, d'avoir été baptisé, il faut aussi apprendre à résister , à quoi ? A la manipulation. Sur quoi ? Sur son identité. Eprouver donc l'amour qui nous a été donné comme une grâce, éprouver si celui-ci est réellement arrivé jusqu'à notre petit coeur; éprouver pour voir si celui ci est capable de produire, comme son nom l'indique : du courage.

Vérifier, si, en fait , ce petit coeur ne va pas s'arrêter de battre, à la première embuche, ou mieux s'il ne va pas commencer à battre dans la poitrine de quelqu'un d'autre, qui nous l'aurait prelevé, par la manipulation. Epreuve utile, donc, quand notre vocation est de contribuer à changer le monde.

Arrive donc le diable. Celui qui se jette au milieu alias :le diviseur. Rien de spécial à dire en ce qui le concerne. Il est la figure de celui qui fait passer l'épreuve. L'examinateur. Je vais donc rapidement vous raconter ce texte en vous montrant comment ce récit éduque le catéchumène, ou le disciple fraichement baptisé, ou n'importe qui d'entre nous qui a envie de contribuer à changer le monde.
Jésus jeûne quarante jours et il a faim. Arrive le diable ou l'examinateur qui a entendu évidemment ce que la voix a dit. "C'est mon Fils". Alors il entreprend Jésus. Puisque tu es fils de Dieu , lui dit-il (ou si tu es fils de Dieu, c'est le même sens), transforme ces pierres en pain. Voilà donc la méthode basique établie. Tu entends ça. Tu n'as plus de choix "sympa" . Soit tu fais ce qu'il te dit, soit tu n'es pas fils de Dieu car tu es un incapable.

Comment t'en sortir ? Tu cites la Bible - et c'est déjà pas mal d'avoir la lucidité de la citer , car non seulement cela signifie que tu la connais, et donc que tu l'as apprise, mais qu'en plus tu l'as suffisamment aimée, savourée, que même en l'occurence, quasi mort de faim, tu en es encore rassasié. Tu dis : L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
Premier round. Jésus gagne.

Mais l'examinateur a une grande qualité. Il s'adapte. C'est un manipulateur. Il est tout ouie, tout en empathie perverse. Il avait repéré que Jésus était affamé, il repère maintenant que Jésus est un bibliste.
Puisque tu es fils de Dieu (toujours la même pression sur l'identité) , Jette toi du haut du Temple, car il est écrit : Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet; Et ils te porteront sur les mains.

Même problématique. Soit Jésus n'est pas le fils de Dieu et il le prouvera en ne se jettant pas de la hauteur symbolique - le Temple - où l'examinateur l'a transporté, soit il garde son titre de fils de Dieu et se jette en fait dans les bras du diable , c'est à dire s'écrase, en prouvant sans doute en plus on ne sait pas, qu'en fait les bons anges n'existent pas.

Mais Jésus ne se démonte pas, il continue à citer la Bible. Il dit : il est aussi écrit : tu ne tenteras pas : ou tu n'éprouveras pas le Seigneur ton Dieu.
Comment vous dire que j'aime ce "aussi". Que c'est pour ce "aussi" que je continue à vouloir dire oui à une demande de baptême, que je continue à prêcher. Il est aussi écrit. Vous savez quoi ? Jésus n'est pas fondamentaliste. Il considère - et l'évangile dans ce texte éducatif tente aussi de le faire percevoir à des disciples probablement impétueux et manipulateurs car surs de leur force - que la Bible n'est pas uniforme, qu'elle peut accompagner le mouvement, qu'une parole éclaire une situation, mais qu'une autre parole apparamment contradictoire - de la même bible -voire du même auteur - peut éclairer une autre situation.

Round 2 : Jésus gagne. Il était en dialogue imposé avec le diable. Il a trouvé sa force en dialoguant avec lui-même en puisant dans sa mémoire symbolique que sont les Ecritures vives.
L'examinateur tente alors le tout pour le tout. Il ne s'embarrasse plus de son jeu sur l'identité de Jésus, car il a vu que c'était vraiment incarné chez lui, cette filiation, il ne s'embarasse même plus de citer la Bible dont il se fiche comme de son premier sort. Il envoie.
Il lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, 9et lui dit: Je te donnerai toutes ces choses, si tu te prosternes et m'adores.

Il ne s'adresse plus au fils, au militant, au croyant, au bibliste, il s'adresse à l'humain qu'il a en face de lui. Regarde. Regarde le théâtre de ta jouissance infinie de pouvoir et de richesse.

Mais il a commis une erreur fatale, le diable. Il s'est dévoilé. Il a avoué son objectif premier et qui était jusqu'ici caché. AVOIR Jésus. Le posséder. L'instrumentaliser. En faire sa chose.

Donc maintenant c'est facile. On a tous passé des examens. Et il y a ce délicieux moment, quand l'épreuve n'est pas encore finie mais quand on sent que oui - tout s'est bien passé. Les quelques minutes qui restent ne sont que du bonheur. Tout roule. Il n'y a plus de problème. C'est réussi. On le sait. On le sent.

Jésus peut alors se permettre de faire ce que face à un examinateur normal on ne pourrait pas se permettre mais que devant un pervers diabolique on doit faire : Ordonner et Nommer. Retire toi, Satan. Va t-en, adversaire. Le diable a désormais un nom. Il est révélé. Et il s'en va. Fin du match. Jésus gagne.

Comment a t il gagné ? Je récapitule bien que vous ayez déjà tout compris...quand j'ai dit cela , aviez vous bien perçu que j'employais une formule diabolique ?

Donc je récapitule ... Pour ne pas sombrer immédiatement à la première embuche, chers tous, et cher Lucien, la première des choses, si on se sent correspondre à quelque chose qui peut s'appeler une identité ou une affiliation : chrétien, protestant, ou n'importe quoi, intelligent, responsable , c'est d'abord d'avoir cette identité là bien dans son coeur, sinon c'est du vent. Ce n'est qu'une carapace dont on s'est affublée et qui sera utilisable par n'importe qui pour vous manipuler. Toi qui proclame ton interêt pour la mission de l'Eglise, pourquoi ne candidaterais tu au conseil presbytéral.

Déjà si cette identité est profonde, si on sent bien qu'elle est beaucoup plus indicible, y compris à nous même que les caricatures que les autres peuvent agiter devant vous, on est directement alerté quand quelqu'un vient tenter de vous soudoyer avec. Ensuite, c'est bien d'avoir du fond. Par exemple, en matière de résistance évangélique, c'est bien de connaitre sa nourriture de référence, la Bible. Mais la connaitre vraiment. Nos ancètres la connaissaient par coeur. Et ils ont résisté. Nous ne la connaissons plus vraiment. Et nous avons une évidente tendance à nous déliter.

Mais en l'occurence, il faut la connaitre de façon subtile. Si un diable vient chez vous pour vous titiller sur votre connaissance, il pourrait vous briser immédiatement si vous n'avez pas la subtilité de cette connaissance. Non seulement vous connaissez votre fond, mais vous en connaissez les nuances. Vous n'êtes pas fondamentaliste, et votre truc ce n'est pas la morale, mais l'éthique en situation. Vous connaissez l'art de la dialectique. Et puis évidemment et par définition, vous êtes capables de mépriser toute la gloire du monde, car d'une part vous savez qu'à Dieu seul la Gloire et d'autre part vous savez que tout le reste n'a pas de poids en face, que c'est de la fumisterie.

Mais le fin du fin, c'est que n'avez aucun désir d'appartenir à quiconque. Et cette absence-là de ce désir- là vous fonde. Vous n'appartenez qu'à Dieu, c'est à dire, ni à ses anges, ni à ses prêtres, ni à ses pasteurs, ni à ses églises, ni à ces textes de loi, mais à Dieu. Alors oui, pour vous, cela deviendra facile de dire au diable "dégage".
Et bien entendu - cela va sans dire mais quand ce n'est pas dit ce n'est pas fait : le premier manipulateur, c'est vous. Puisque je suis cela, je dois réagir comme cela. Quand vous n'écoutez pas votre vrai coeur, mais l'identification qu'on a faite de vous et que vous avez adoptée. Je suis un être doux je ne vais donc pas répondre à celui ci qui m' insulte. Je suis une femme je ne vais pas porter plainte contre celui qui me bat. Le manipulateur ne joue pas avec votre véritable coeur, mais avec votre identité disons sociale après avoir noté que vous en êtes devenu l'esclave amoureux, et que vous n'avez aucune autre ressource dans laquelle puiser votre considération. Voilà donc un texte qui devait probalement servir à l'éducation des nouveaux militants d'un évangile sans concession. Ils n'étaient pas spécialement purs. Mais ils étaient forts. Ils avaient passé une épreuve. Il n'étaient plus manipulables. Ils étaient insoumis. Même esclaves, ils devenaient libres. Même libres, ils appartenaient à Dieu qui lui est vraiment libre.

Alors, que nous soyions du côté du diable - parfois sans le vouloir : si tu m'aimes, dis-le moi ...un exemple parmi les milliers que nous échangeons les uns avec les autres - ou du côté des proies sans défense, profitons, faisons notre miel de ce dialogue diabolique, et réveillons le baptême comme le début d'une éducation qui sera celle d'un résistant.

 

AMEN.

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