PREDICATION DU 17 MARS 2013 La femme "adultère" JEAN 8 : 1-11

Où sont-ils, ceux qui te catégorisaient ?



 

LECTURES 
Esaïe 43.16, 18-20
16 Autrefois, le SEIGNEUR a ouvert un chemin dans la mer,une route à travers l’eau puissante.(...)
18 Maintenant, le SEIGNEUR dit :« Ne pensez plus à ce qui est déjà arrivé,oubliez le passé. 19 En effet, je vais faire quelque chose de nouveau,qui grandit déjà.Est-ce que vous ne le voyez pas ?Oui, je vais ouvrir un chemin dans le désert,je vais faire couler des fleuves dans ce lieu sec. 20Les animaux sauvages, les chacals,les autruches... me rendront honneur car j’ai fait couler de l’eau dans le désert, des fleuves dans ce lieu sec. 
Oui, je veux donner à boire au peuple que j’ai choisi.
 
JEAN 8.1-11
1Jésus se rendit au mont des Oliviers. 2Mais dès le matin, il retourna au temple, et tout le peuple vint à lui. S’étant assis, il les instruisait.
3Alors les scribes et les pharisiens amènent une femme surprise en adultère, la placent au milieu 4et lui disent : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. 5Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes : toi, donc, que dis-tu ? 6Ils disaient cela pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur la terre. 7Comme ils continuaient à l’interroger, il se redressa et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! 8De nouveau il se baissa et se mit à écrire sur la terre. 9Quand ils entendirent cela, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés. Et il resta seul avec la femme qui était là, au milieu. 10Alors Jésus se redressa et lui dit : Eh bien, femme, où sont-ils passés ceux qui t'accusaient ? Personne ne t’a donc condamnée ? 11Elle répondit : Personne, Seigneur. Jésus dit : Moi non plus, je ne te condamne pas ; va, et désormais ne pèche plus.
 
PRÉDICATION
D'abord, il faut entendre ce texte avec l'esprit d'une des phrases du texte d'Esaïe qui a été lu en première lecture, cette prophétie :
 
En effet, je vais faire quelque chose de nouveau,qui grandit déjà. Est-ce que vous ne le voyez pas ? Oui, je vais ouvrir un chemin dans le désert, je vais faire couler des fleuves dans ce lieu sec.
 
Dans le désert de l'application aveugle d'une loi, surgit  un petit ruisseau, qui désigne un chemin, qui deviendra le lit d'un fleuve qui va tout irriguer.
 
Nous allons voir ce matin comment ce lit va se creuser pour faire venir jusqu'à nous irriguer, nous.
 
Nous aurons trois temps. Le premier pour passer une petite revue amusante de quelques uns des commentaires qui ont pu être dits sur ce récit. Tous ces commentaires seront comme un tamis. A la manière des chercheurs d'or, nous chercherons  dans ce récit les pépites évangéliques .  Peut-être qu'un de ces commentaires va refléter une véritable pépite nouvelle. Et nous en trouverons une. Cette découverte prendra la forme d'un nouvel outil. Oui, un outil pour creuser, pour creuser ce petit filet d'eau pour qu'il devienne le véritable lit d'un fleuve. Et dans un troisième temps, nous constaterons le résultat. Nous n'y sommes pas invités, mais comme des espions invisibles, nous nous infiltrerons dans cette conversation, entre Jésus et la femme, seule à seul. Cette femme, dont nous comprendrons qu'il n'aurait jamais fallu, et qu'il ne faudra jamais l’appeler "l'adultère".
Alors, oui, dans un premier temps, penchons-nous sur ce petit filet d'eau et agitons notre tamis et regardons ce qui y apparait, depuis tout ce temps où ce récit est commenté.
 
On a dit que Jésus n'a pas voulu faire condamner cette femme car les conditions n'étaient pas requises - où sont les témoins dignes de foi ? Pourquoi il n'y a pas l'homme, qui lui aussi devrait-être selon la loi, lapidé ?
Aidé de ces questions, la prédication tournera autour du fait que la femme n'était pas vraiment coupable et que donc Jésus relève le vice de procédure et ce faisant sauve la femme. Mais c'est insidieux. Cela sous-entend que s'il avait été établi qu'elle était vraiment coupable, l'attitude de Jésus aurait dû être différente. Ah! L'inconscient des rédacteurs masculins quand il a à faire à ce célébrissime récit.
 
Un autre type de prédication part du fait avéré que ce récit a été incorporé dans l'évangile de Jean mais qu'en fait il a été écrit par l'évangéliste Luc. Ce qui vous en conviendrait, ne dit pas grand chose à 99 pc de la population. ! Qu'à cela ne tienne, cela permet, puisque l'évangile de Luc est celui qui valorise le plus les femmes, de faire une prédication féministe. Pourquoi pas ? Mais qu'est que ça apporte ? Ce qu'on veut entendre nous, c'est l'évangile, c'est que l'on souhaite, c'est trouver des pépites. Nouvelles.
 
Une énorme série de prédications se passionne sur le fait que Jésus par deux fois, se baisse pour écrire sur le sable. Que n'avait-il pas fait là ! A t-il écrit une nouvelle loi ? Mais une loi sur le sable, une loi qui n'est pas immuable, une loi réinscriptible. Outre le fait qu'il s'agirait plus de terre que de sable, ça n'avance pas à grand chose. Qu'écrit-il sur le sable ? Je n'en sais rien. A tout le moins, il peut s'agir d'un choix d'attitude qui déroute ses interlocuteurs. Et aussi, il faut en convenir, les lecteurs. Qu'écrivait il sur la terre ? Le mystère restera entier jusqu'à l’avènement du règne !
 
Et puis tout le monde relève que les plus âgés partent les premiers. Mais est-il besoin de faire une prédication entière sur cet argument très contestable qui dit que plus on est âgé, plus on est pécheur, et que plus on se reconnait comme pécheur, plus on est sage ? Et alors ?
 
Et puis pour clore la liste des  prédications qui finalement prennent en otage le texte ( ce que je ne critique pas, car dans dans mon parcours, moi aussi, j'ai pu abonder dans tel ou telle direction) , on peut citer l'abondance de commentaires faisant de ce texte un manuel de lutte non-violente. Bien.
 
Je ne vais pas aujourd'hui contester toute cette liste, qui obéi à un genre qui s'appelle "l'explication". Je prends juste le premier argument qui parle d'un vice de procédure. Peut-être. Mais ça n'empêche pas qu'à la fin, quand tout le monde est parti, quand tout ce cirque est terminé, Jésus dise à cette femme : va et ne pêche plus. C'est donc bien que selon Jésus, elle était pécheresse. Malgré un éventuel vice de procédure, elle avait enfreint la loi de Moïse, elle avait été adultère, elle n'était pas innocente... Ce qui signifie que Jésus, en pleine connaissance de cause, a permis que la loi ne s'applique pas. Ça signifie donc littéralement que Jésus a enfreint consciemment la loi de Moïse.
Il ne sert à rien d'attenuer l'acte de cette femme. Plus on l'attenue, moins on réalise la portée de l'action de Jésus dans ce récit.
 
Oui, je vais ouvrir un chemin dans le désert, dans le désert des coeurs, dans le désert de la loi.
 
Certes, Jésus ne prend pas le risque de dire "il ne faut pas lapider de telles femmes", comme le suggère les scribes et les pharisiens en lui tendant leur piège grossier. Il répond avec sa fameuse réplique "que celui qui n'a jamais péché lui jette le premier la pierre".
Parlons un peu de cette phrase. Cela nous permettra de trouver la première pépite.
"que celui qui n'a jamais péché lui jette le premier la pierre". Ça fait réfléchir. Par exemple au fait que ceux qui jugent le moins les autres sont ceux qui ont le plus de capacité à se juger consciemment eux mêmes.
Très belle phrase, mais j'estime que nous avons trop tendance à nous focaliser sur celle-ci. Si j'imagine que ce récit ait pu témoigner d'un événement réel, j'ai du mal à croire que ces paroles aient pu être d'une telle efficacité. Imaginez.
 
Cris, passions, meute. Une femme. Une traînée. La honte. Des hommes. Instinct grégaire. L’anonymat. La Loi pour soi, cette loi qui ne dit pas en fait qu'il faudrait  être sans péché pour lapider.
J'imagine une pierre voler. Et un instant de silence.
Et l'horreur.
Oui, je trouve que sur le papier la remarque de Jésus est formidable. Mais peu crédible. A moins que.
A moins que celui qui profère ces paroles soit d'une autorité telle que ce soi cette autorité qui créé la débandade de tous ces spectateurs qui s’apprêtaient à devenir les acteurs de ce maléfice... et pas uniquement les mots.
C'est comme ça que je le vois. C'est son autorité qui agit pas le contenu de ces paroles .
 Imaginez vous à la place de Jésus et proférant ces belles paroles "que celui qui n'a jamais péché". Nul doute que la première pierre aurait été.. pour vous.
Peut-être oui, que celui ci était d'une autorité extraordinaire.
A croire qu'il était empli du souffle divin.
 
C'est la première bonne nouvelle de ce texte pour nous tous ce matin : nous amener à prendre en compte l'autorité, venue de l'Esprit de Dieu qui dans une situation aussi piégeante  que celle ci, nous aidera, vous aidera à briser la fatalité qui pourrait vous ensevelir. Il faut que nous chrétiens  soyons capables de laisser couler cette autorité en nous, de la laisser s'activer quand nous serons confrontés à une situation où il n'y aura que cette autorité qui va provoquer la délivrance, le secours, l'issue.
Cette autorité, cette force, nous pouvons la recevoir de Dieu. Au moment favorable, quand elle sera nécessaire. Elle ne se transformera jamais en violence, ou en force aveugle. Elle ne sera jamais notre bien, elle sera notre possibilité de ne pas laisser faire, la meute, l'injustice, le mal.
Laissons passer l'autorité du souffle de Dieu. Laissons là agir.
 
Nous avons eu en main l'outil pour creuser le lit de ce fleuve qui est allé irriguer notre champ, et nous voilà maintenant dans ce bel espace désormais irrigué.
Sur cette terre nouvelle, deux personnes, qui parlent. Nous sommes dans la conversation entre Jésus et cette femme.Tout le monde est parti. Une conversation qui est une sorte d'ode ironique :
 
Et il resta seul avec la femme qui était là, au milieu. Au milieu de quoi d'ailleurs car ils sont tous partis, mais là n'est pas encore l'ironie.
10Alors Jésus se redressa et lui dit : Eh bien, femme, où sont-ils passés, ceux qui t'accusaient ?
On dirait qu'il se réveille après une longue sieste.
Personne ne t’a donc condamnée ?
C'est une douce ironie.
 
 
11Elle répondit : Personne, Seigneur.
J'ai toujours vu à ce moment là l'immense sourire de cette femme. Le plus beau sourire de la Bible, qui pourtant n'est pas écrit.
 
Jésus dit : Moi non plus, je ne te condamne pas ;
J'aurais pu le faire, parce que, entre nous, je le sais, tu as été réellement adultère.
 
Mais ce qui est étonnant c'est ce mot grec qui désigne l'accusation. C'est un verbe qui a donné en français le mot "catégoriser". Cette évolution sémantique est très surprenante . Ça me donne envie de garder cette évolution sémantique pour faire une traduction fausse, mais troublante.
 
Où sont-ils, ceux qui t'ont catégorisée ?
Et il resta seul avec la femme qui était là, au milieu. 10Alors Jésus se redressa et lui dit : Eh bien, femme, où sont-ils passés ceux qui t'ont catégorisée [tes accusateurs] ? 
Extrapolation :
Personne ne t’a donc catégorisée ? 11Elle répondit : Personne, Seigneur. Jésus dit : Moi non plus, je ne te catégorise pas ;
 
Certes, tu as été surprise en flagrant délit d'adultère, mais en fait, je trouve que ça ne suffit pas pour te faire entrer dans la catégorie "adultère". Ce n'est pas parce que tu as fait quelque chose, que tu "es" cette chose. Je ne t'accuse pas, je ne te catégorise pas, je ne veux pas te transformer en catégorie abstraite. Tu es quelqu'un qui a commis une erreur, tu n'es pas une catégorie. C'est facile de lapider des gens en prétendant qu'ils sont des catégories, des sacs finalement, remplis de mal. Qu'y a t-il de mal à lapider un sac ? Les gens ne tuent pas des personnes, ils croient achever des catégories. Catégoriser, c'est déjà condamner. Je n'aime pas les catégories. Ce sont des instruments de torture. Il n'y a pas que toi tu sais. Regarde tous ceux qui sont en prison, 2000 ans après toi, certes ce ne sont plus des adultères (quoique jusqu'en 1975 l'adultère était pénalement punissable ...), mais ce sont des voleurs, des violeurs, des assassins, des escrocs, des ceci des cela. Des catégories. Ils ont été accusés et condamnés car ils sont entrés dans la catégorie de ceci ou cela. Moi, je n'oublie pas que ce sont des pécheurs. C'est pourquoi, même si la justice des hommes les punit, je ne les accuse pas, je ne les condamne donc pas, je ne les catégorise pas. Je ne te  t'accuse pas, je ne te catégorise pas. Va. Ne te laisse plus accuser, catégoriser... Va, et ne pèche plus.
Nul doute si cette dernière parole a été dite avec la même autorité qui a dilapidé la meute, que cette femme, ira, et ne péchera plus !
 
AMEN 
 
NB En grec, le mot "KATEGORIA"  désigne l'ACCUSATION.
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