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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

PREDICATION SEMAINE DE L'UNITE 20 JANVIER EGLISE SAINT HIPPOLYTE (XIIIe)



A la vue des foules, Jésus monta dans la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Et, prenant la parole, il les enseignait :
« Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux.
Heureux les doux : ils auront la terre en partage.
Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux : il leur sera fait miséricorde.
Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu.
Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux.
Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ; c’est ainsi en effet qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.
« Vous êtes le sel de la terre. Si le sel perd sa saveur, comment redeviendra-t-il du sel ? Il ne vaut plus rien ; on le jette dehors et il est foulé aux pieds par les hommes.

« Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une hauteur ne peut être cachée. Quand on allume une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous le boisseau, mais sur son support, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux.
PREDICATION

Il nous faudra du temps encore pour comprendre ce que Jésus enseignait vraiment sur cette colline.
Il nous faudra prendre le temps d'aller d'abord traverser le temps pour se joindre aux disciples, les disciples officiels et la foule indistincte des disciples, pour déjà voir celui qui parle avec autorité. Eprouver son autorité. Qui n'est pas de l'encre sur du papier mais qui est une voix.
Traverser le temps, oui, pour esquiver l'interprétation courante de ce qu'on appelle les béatitudes. Celles ci pour beaucoup inviteraient à accepter son sort maintenant dans l'espoir d'une gratification céleste. Comme un mirage que l'on fait miroiter. Comme un horizon qui reculerait sans cesse.
Oui , esquiver cette interprétation qui exalterait la passivité et le renoncement, en traversant le temps pour sentir le souffle de cette parole adressée à ceux qui sont là, entendre cette parole sans médiation, l'entendre comme si elle tombait sur soi, et pas comme une généralité.
Traverser le temps pour entendre la langue araméenne de Jésus et entendre du coup la racine du mot traduit par "heureux", qui désigne le fait d'avancer. Entendre comme une évidence, que c'est lorsqu'on avance, qu'on est véritablement heureux. Parce que nous sommes faits pour avancer, pour créer, pour tisser du lien, pour construire, inventer, imaginer, découvrir.
Heureux.
Il nous faudra du temps et de l'intelligence ouverte aussi pour entendre ces paroles avec toutes leurs résonances, par exemple dans l'évangile de Luc, elles sonnent différemment qu'ici . Luc dit "heureux les pauvres" quand Matthieu dit "heureux les pauvres de coeur" autrement mieux traduit par "heureux ceux qui manquent de souffle".
Pauvres en souffle, pauvres en argent, pauvres en relations, en espérance, heureux êtes vous car vous pouvez désormais avancer. Avancer vers quoi ? Avancer vers le règne des cieux.
Entendons donc bien cette proposition : elle n'est pas "heureux vous les pauvres maintenant, car un jour le royaume des cieux sera à vous" mais " heureux êtes vous, vous les pauvres, car vous êtes mobilisable vers, en route vers, le règne de Dieu" c'est à dire que c'est vous, les pauvres, les doux, ceux qui pleurent, les affamés et assoiffés de justice, les miséricordieux, les coeurs purs ou non clivés, les pacificateurs, les persécutés, les insultés, c'est vous, peuple de la terre, qui allez par votre mouvement, votre relèvement, votre action, votre puissance sortie du néant de votre condition tracer le chemin du royaume.
Il faut faire partie de cette troupe de disciples pour entendre le souffle de cette parole, ce n'est pas - et ce n'est absolument pas - une invitation à accepter sa condition douloureuse dans l'espoir d'une récompense, c'est tout simplement l'inverse. Jésus dit en filigrane et comme la Bible le dit et le redit, ce ne sont pas ceux qui manquent de rien qui vont se mobiliser, eux, ils resteront sédentaires car ils n'ont besoin de rien et n'ont pas besoin d'avancer. Sans doute n'ont ils rien compris au bonheur mais là n'est pas le problème. Il dit : vous, vous avez un manque, une béance, et cette béance crée un appel d'air. Il dit : relevez vous, je compte sur vous car vous seul pouvez avoir cette capacité là d'aller chercher le meilleur car vous n'avez pas grand chose à perdre. Et de la sorte , vous serez heureux, car vous allez devenir les créateurs en marche du règne qui vient.
Imaginez la puissance de nouveauté qui surgit dans les esprits qui allaient écouter ce maitre galiléen. Il vient révéler notre condition et au lieu de nous laisser nous apitoyer sur notre sort, au lieu de construire une rhétorique qui consisterait à ce que nous l'acceptions cette condition, il nous pousse à avancer, pour aller jusqu'à "voir" Dieu ce qui est le comble de l'impossible. Voir Dieu.
Certains bien sur n'entendent pas car il préférèrent leur sécurité même relative à la marche , la longue marche du règne, mais certains sont touchés jusque dans leurs tréfonds, et se mobilisent et avancent et dès lors trouvent le bonheur, ce bonheur qui n'est pas une recette, mais qui est une marche, une équipée, une volonté personnelle qui se transforme en volonté collective.
Mais bien sûr ce groupe là uni va grandir, et quand l'évangile de Matthieu sera publié ce sera déjà beaucoup plus qu'un petit nombre de disciples, officiels ou non, mais des églises comme une  constellation autour de la méditerranée, et ensuite, les siècles aidants, cette maigre caravane de militants deviendra quelque chose de beaucoup plus lourd, beaucoup plus pesant et qui aura donc tendance, c'est un phénomène physique, déjà à ralentir la marche, mais aussi parfois, erreur fatale, à se croire arrivé, ou pire à se confondre avec le règne de dieu.
C'est pour cela que Jésus intime immédiatement un rappel à l'ordre , qui traverse le temps jusqu'à nous ce soir, assemblés et unis pour une unité beaucoup plus profonde du genre humain et de la création tout entière. " Vous êtes le sel de la terre" "vous êtes la lumière du monde"
Prenez cette parole, recevez là intimement / " Vous êtes le sel de la terre" oui, vous, toi, et toi. "Vous êtes la lumière du monde" "moi ? "oui, toi" .
Ne l'écoutez pas d'une oreille distraite, laissez là vous provoquer. Et si vous réalisez ce qui vous est dit, vous ne pourrez pas ne serait ce que supporter que ce sel perde sa sa saveur, et que cette lumière soit cachée.
Et dès lors, vous allez vous mettre à avancer, à créer, à construire le règne à partir d'un monde en forme de puzzle cruel.Il faudra du temps. Dieu sans doute ne compte pas que sur les chrétiens, mais sans ce sel de la terre, sans cette lumière que "vous êtes" vous dit Jésus, il ne se passera rien. Car vous avez hérité d'un bien précieux qui est la liberté des enfants de Dieu.
Relevez vous, en marche, c'est la seule façon d'être véritablement heureux. Ce règne de Dieu sera créé par vos pas, votre heureuse faculté d'avancer.
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