Pendant qu'ils mangeaient

Méditation pour un jeudi saint



Otto Freundlich, La Rosace II, 1941 Gouache sur carton • 65 x 50 cm • Coll. Musée de Pontoise, Donation Freundlich • © Musée de Pontoise
MATTHIEU 26 36 – 46     26Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain ; après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit et le donna aux disciples en disant : Prenez, mangez ; c'est mon corps. 27Il prit ensuite une coupe ; après avoir rendu grâce, il la leur donna en disant : Buvez-en tous : 28c'est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu en faveur d'une multitude, pour le pardon des péchés. 29Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu'au jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le royaume de mon Père.
30Après avoir chanté, ils sortirent vers le mont des Oliviers.

 
 
 
Ce soir, chers amis, nous sommes un cénacle, c'est à dire, des gens conviés à un repas du soir, appelé , appelé en français, à partir du latin, la Cène.
Toujours à partir du latin, et aussi du grec, la cène désigne un repas en commun. C'est à partir de ce simple repas , en commun, que notre religion, notre communion, est née. Parce que notre religion, avant d'être des dogmes, des principes ou de la morale, est avant tout, et historiquement c'est vrai, une communion.
 
Cette religion, notre religion a eu pour particularité de prendre des éléments du quotidien et de les transformer en sacrements ou à tout le moins, en gestes symbolique forts. J'en veux pour exemple, la Cène qui est un repas, on l'a dit, mais aussi le baptême, qui est un bain, mais aussi la confirmation qui est le geste simple, d'une transmission de l'assurance et de la confiance.
A propos de confiance, et pour continuer dans cette évocation, la confiance, cette énergie indispensable à la vie, cette confiance, qui existe entre nous, même si elle souvent altérée, a été réinventée, presque sacralisée, par l'apôtre Paul, et l'autre nom de cette confiance, c'est bien entendu la foi.
 
Cette religion a été vraiment créative quand elle vu aussi, dans le simple fait de s'éveiller, ou de relever l'autre, la résurrection, qui signifie, exactement, la même chose.
On dirait que cette religion naissante savait contempler  le simple quotidien et plutôt que de le mépriser comme d'autres disciplines philosophiques l'aurait demandé, elle a , en transformant ces gestes ou ces notions, quotidiennes et indispensables en gestes et notions religieuses, elle a dit , elle a exprimé, elle a annoncé, toute la beauté, souvent cachée de notre quotidien .
 
Quotidien dans lequel parfois nous perdons notre souffle, mais ce souffle, lui aussi, a été sacralisé, le souffle, celui que nous perdons, celui auquel nous aspirons, celui qui nous inspire, celui que nous trouvons, ce souffle dont nous attendons souvent le second, ce souffle c'est bien entendu l'Esprit, et puisque nous avons  encore ce souffle, nous sommes fils et filles de l'Esprit, du souffle de Dieu.  La maladie qui nous traverse actuellement est exactement  une maladie spirituelle, car elle attaque le souffle, et le souffle de n'importe qui. À nous d'un jour, peut-être demain, de comprendre que ce souffle est à partager. Alors, même le quotidien que nous jugerions le plus morne est appelé à être reconsidéré, revalorisé, remarqué, ce sera d'ailleurs un bon moyen, si nécessaire, de le transformer.
 
Alors oui, ces premiers disciples, après que leur maître était parti, ont continué à aller au temple, ont continué à aller à la synagogue, mais ils ont aussi pris l'habitude de partager le repas du soir, en dehors de la synagogue, en souvenirs des paroles que leur maître, un jour, leur a dites, pendant qu'ils mangeaient.
 
Ce qui nous permet de rencontrer un texte pour ce jour.
 
J'aime beaucoup cette indication de Matthieu : pendant qu'ils mangeaient... Jésus prit du pain...
Et non pas avant qu'ils mangent, cette petite indication si elle était réveillée, pourrait légèrement transformer nos rituels. Celui de la cène, où l'on pourrait se passer le pain et ensuite, seulement ensuite, prononcer la bénédiction, et continuer ensuite avec le vin, mais cela pourrait aussi transformer nos habitudes de chants, ou de prières, avant le repas : il faudrait le faire au milieu de repas...Pour dire, le Seigneur vient nous bénir au cœur des notre quotidien, au cœur d'une communion toute banale a priori, mais que sa bénédiction vient révéler, éclairer.

Si vous avez un peu de temps, au milieu cette prédication, vous pouvez dire une bénédiction
 
Jésus dans ces quelques paroles toutes simples qu'il dit à ses disciples ce soir-là, c''est cette révélation du quotidien qu'il vient accomplir
 
Vous voyez ce pain, ce pain que je vous donne, et bien c'est mon corps. Je vais être bientôt arrêté et probablement condamné à mort, mais ce pain, ce vrai pain que je vous donne, au milieu de ce repas, et bien c'est mon corps, c'est à dire moi même, qui vais continuer ma route avec vous, même s'ils me tuent. A chaque fois que vous mangerez de ce pain, vous penserez à moi, à ce qui a été fait, à ce que nous avons faits, à ce que je vous ai dit et combien le Seigneur a été bon pour nous de nous accorder cette aventure exceptionnelle de beauté et de vérité. Alors, si vous ne voulez pas m'oublier, à chaque fois que vous mangerez ensemble du pain, je serai là, nous serons ensemble, même s'ils m'ont tué.
Je remercie pour cette coupe  dans laquelle il y a du vin, ce vin qui nous a souvent réjoui, ensemble, lorsque nous dinions avec tous ces pécheurs, ce qui nous a été beaucoup reprochés, n'est ce pas Lévi ( Lévi était un collecteur d'impôt, unanimement détesté de tous, avant de devenir disciple)
Vous voyez ce vin, ce vin joyeusement banal, et bien c'est mon sang, le sang qui dans notre tradition signifie la vie qui circule dans notre corps, ce vin, c'est mon sang, ma vie qui circulera entre vous, entre nous, même s'ils me tuent.
Cette coupe, c'est un nouveau pacte, une nouvelle alliance, qui renouvellera l'ancienne qui en a besoin, ils ont perdu jusqu'au sens des choses qu'ils font.
 
Nos rituels à nous, seront les rituels de notre quotidien, boire, manger, se laver, s'embrasser quand nous le pourrons , prendre soin des uns des autres, alors, oui ce vin, ce sang, c'est la vie qui va continuer. N'ayez peur de rien.
 
Moi, c'est la dernière fois, je crois que je partage ce repas avec vous, et dans ce repas là, il y a tous les repas que nous avons déjà faits, tous ces repas où nous avons ri, discuté, interprété, décidé ce que nous allions faire demain, tous ces repas aux nez et à la barbe de tous ces intégristes qui nous observaient et nous jugeaient. Mais nous l'avons fait. Nous avons révélé au monde un trésor caché, qui n'était pas si caché que ça en fait, mais bizarement, les gens étaient empéchés de le voir, le trésor de la grâce de Dieu, au beau milieu de notre vie quotidienne.
Et dans ce repas là, il y a aussi tous ces repas que nous prendrons ensemble, y compris celui ci, pour notre Église éparpillée mais synchronique, ce 9 avril 2020.
Moi,  dit Jésus, je vous attends aussi, au moment de nos retrouvailles complètes, où ce vin, je le boirai, nouveau, dans la lumière du Règne de Dieu, oui, dans ce règne là, nous boirons encore du vin.
Vous êtes les disciples de celui qui ne méprise pas la joie, souvenez vous en. Faites ceci en mémoire de moi.
 
Ces paroles presqu'imaginaires de Jésus, je les entends à chaque fois que je communie avec mes frères et sœurs, et je réalise quel engouement, quel sentiment de nouveauté, quel enthousiasme, pouvait susciter ce genre d'idées, au début de notre ère, quand quelques Galiléens, dans la pensée de leur maître, allaient  enfin changer le monde.
 
AMEN.

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