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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

PREDICATION DU 2 OCTOBRE 2016 . De la plainte à la témérité

Déracine-toi et plante toi dans la mer : une invitation à l'action.



Lectures
HABACUC 1, 2-3 ET 2, 2-4
2 – Jusqu’à quand, S EIGNEUR , appellerai-je au secours sans que tu entendes ? Jusqu’à quand crierai-je vers toi : « Violence ! » sans que tu sauves ? 3 Pourquoi me fais-tu voir le mal et regardes-tu l’oppression ? Ravage et violence sont devant moi, il y a des querelles, et la dispute s’élève.
2 Le SEIGNEUR me répondit : Ecris la vision, grave-la sur les tablettes, afin qu’on puisse la lire couramment. 3 Car c’est encore une vision pour le temps fixé, elle aspire à son terme, elle ne mentira pas. Si elle tarde, attends-la, car elle se réalisera bel et bien, elle ne sera pas différée. 4 Son cœur se gonfle, il n’est pas droit ; mais le juste vivra en tenant ferme.
LUC 17.5-10
5 Les apôtres dirent au Seigneur : Donne-nous plus de foi. 6 Le Seigneur répondit : Si vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, vous diriez à ce mûrier : « Déracine-toi et plante-toi dans la mer », et il vous obéirait.
7 Qui de vous, s’il a un esclave qui laboure ou fait paître les troupeaux, lui dira, quand il rentre des champs : « Viens tout de suite te mettre à table ! » 8 Ne lui dira-t-il pas au contraire : « Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; après cela, toi aussi, tu pourras manger et boire. » 9 Saura-t-il gré à cet esclave d’avoir fait ce qui lui était ordonné ? 10 De même, vous aussi, quand vous aurez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites : « Nous sommes des esclaves inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire. »
 
PRÉDICATION
Habacuk, un prophète qui annonce la déportation à Babylone, se plaint
Jusqu’à quand, S EIGNEUR , appellerai-je au secours sans que tu entendes ? Jusqu’à quand crierai-je vers toi ?
Le seigneur lui répond : grave la prophétie ou sa vision sur des tablettes, et tiens ferme, tiens bon la Parole de Dieu.
Dans notre second texte du jour, Les disciples de Jésus, se plaignent encore.
Donne-nous plus de foi !
lls sont désemparés.   Et Jésus leur répond, et c'est cette réponse que recevrons aujourd'hui.
 
Si vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, leur dit Jésus vous diriez à ce mûrier : « Déracine-toi et plante-toi dans la mer », et il vous obéirait.
Donc, Jésus leur dit qu'avant de vouloir une foi "augmentée" , il leur faudrait d'abord en avoir, de la foi, même un tout petit peu. Parce que, s'ils en avaient de la foi, de la confiance, même d'un volume a priori ridicule comme celui d'une graine de moutarde, ils pourraient dire à ce murier de se déraciner et de se planter dans la mer.
On peut voir dans une première lecture de la réponse de Jésus une évocation de puissance digne d'un super héros,
on pourrait y voir aussi Jésus réprimander ses disciples à cause de leur manque de foi, malgré leur grande capacité à se plaindre de leur incapacité.
Mais en fait, dans cette réponse de Jésus, il vaudrait mieux voir : un programme d'action.

Un mûrier - attention, il ne s'agit pas d'un sycomore, beaucoup de traductions se trompent. D'une part, Jésus et ses disciples parlaient araméen, langue très proche de l'hébreu. En hébreu, le murier, c'est baca, et en hébreu, le verbe bacah c'est aussi pleurer.
D'autre part, il se trouve que le murier est un des arbres les plus faciles à déraciner. Grâce à cette particularité, les gens de Palestine s'en servait comme bois de chauffage.
Si bien que Jésus leur dit en fait : si vous aviez ne serait-ce qu'un embryon de foi, vous qui pleurez d'en avoir plus , bref qui ne faites que pleurer finalement, que vous plaindre - comme le prophète Habacuk : Jusqu’à quand, S EIGNEUR , appellerai-je au secours sans que tu entendes ? Jusqu’à quand crierai-je vers toi, vous diriez à cet arbre - extrêmement facile à déraciner, en exagérant un peu, on pourrait dire qu' un enfant peut le faire... et d'ailleurs au chapitre suivant de Luc, Jésus dira que le royaume de Dieu appartient aux enfants - vous diriez à cet arbre symbole de vos pleurs et facile à déraciner...
de se déraciner - vous diriez à vous même - si vous aviez autant d'imagination et autant de témérité qu'un enfant - de vous déraciner et de vous planter dans la mer, et vous vous obéiriez.
Vous, pleureurs, si vous aviez un tant soi peu de confiance (ou de foi, c'est le même mot) vous vous donneriez l'ordre et vous vous obéiriez et vous vous enracineriez dans la mer !
Pourquoi dans la mer ?
Le peuple d’Israël n’était pas certes pas un peuple de navigateurs mais il avait une expérience de la mer . Laquelle ? La mer, pour eux, d’abord c'est l’effroi. Celui qui s’avance sur la mer se prend une rafale de conscience qu'il peut mourir - en particulier dans l’Antiquité où les conditions de navigation étaient précaires.
Mais, si les Hébreux ne décrivent pas trop la terreur que leur inspirent les eaux, ils voient dans la mer, à cause de l’effroi qu’elle suscite, l'image de la détresse à laquelle l’homme, de lui-même, ne peut s’arracher . Aussi, ces eaux de la mort qui, pour les païens, évoquent les forces les plus maléfiques, sont lieu d’un salut possible pour qui a confiance que Dieu est créateur, et capable de dominer les éléments de la nature, comme Genèse 9 le dit « ‘Que les eaux qui sont sous le ciel s’amassent en un seul endroit et qu’apparaisse le continent’ et il en fut ainsi. »
Comme psaume 103 le dit aussi : « Les eaux couvraient même les montagnes, à ta menace, elles prennent la fuite... »
Ou le Psaume 106 : « Et ils criaient vers le Seigneur dans la détresse, de leur angoisse, il les a délivrés. Il ramena la bourrasque au silence et les flots se turent. Ils se réjouirent de les voir s’apaiser, il les mena jusqu’au port de leur désir. »
Nous avons aussi tous entendu parler du récit " de la tempête apaisée"
Et bien sûr, c'est en traversant la mer des Joncs, appelée mer Rouge que les Hébreux ont fait L’expérience fondatrice. D'avoir été dsauvés par Dieu, capable d’ouvrir un passage dans les eaux de la mort et de maîtriser le vent : « On vit la terre sèche émerger de ce qui était l’eau, la mer Rouge devenir un libre passage, les flots impétueux une plaine verdoyante. ».Du coup, la mer devient le lieu de reconnaissance de la puissance salvifique de Dieu.
Jésus leur dit : au lieu de pleurer :
Plantez vous dans la mer.
Ce n'est donc pas votre foi qui a besoin d'être augmentée, c'est peut-être votre témérité, la traduction effective de la confiance !
Du coup, chers pleureurs, plaintifs, quémandeurs, comprenez cette petite parabole de l'esclave qui n'a pas d'abord à mettre ses pieds sous la table, en d'autres termes, vous disciples, ce n'est pas votre plainte qui va susciter le royaume de Dieu et son festin, c'est votre action. Activez votre témérité, faites ce que vous avez à faire, et, et ensuite vous vous direz " nous avons fait ce que nous devions faire".
Il y a donc ceux qui attendent au sommet d'une montagne que la salut arrive, ou qui restent sur la berge en s'angoissant, il y a ceux qui se plaignent et qui pleurent, et il y a ceux qui, dans un élan téméraire que certains appeleraient la foi, ou le courage, se déracinent très facilement de leurs paralysie, et y vont. Vont faire le saut. Comme s'ils allaient inscrire, graver la prophétie dans le monde, comme le prophète du jour est invité à le faire sur ses tablettes !  Ceux là, sont les disciples de l'évangile de Jésus de Nazareth, ce qui sous entend que l'action et la témérité des humains n'est pas sans lien avec la venue du Royaume. Dans cette discipline, le royaume de Dieu n'est pas une fatalité, mais il est une potentialité. Il n'y a pas de mode passif dans la mise en pratique de l'évangile de Jésus de Nazareth.
Alors pour conclure, quelques mots pour nous, là, aujourd'hui.
Quelque soit notre situation, si nous nous sentons paralysés et peinés de notre manque de confiance - notre manque de foi - si nous avons tendance à nous plaindre - ce qui est une attitude normale - les plus grands prophètes et le cénacle des disciples ont cette attitude -il ne s'agit pas de nous plaindre de notre plainte en plus - ça n'aurait pas de fin - interrompons le cyle de la plainte et écoutons la réponse de Jésus aux disciples et prenons là, pour nous.
Il dit que finalement c'est facile de nous déraciner de notre peur. Il nous invite à prendre notre destin en main et pas simplement à obéir passivement à des commandements qui peut être auraient perdu leur sel, leur saveur, leur gout . Mais il nous dit d'obéir à nous mêmes, de devenir fidèle à ce que nous voulons vraiment - c'est ainsi que nous retrouverons cette confiance. Ces paroles répercutées pour aujourd'hui me disent que ce dont nous devrions vraiment avoir peur, c'est notre infidélité à nous-mêmes, à ce que nous sentons vivre à l'intérieur de nous et que nous tentons d'étouffer sous les pretextes les plus divers.
Cet évangile qui rapporte cette parole de Jésus à ses disciples nous invite à
nous déraciner de ce terrain nuisible et peu nutritif et d'aller nous planter ailleurs, au milieu de nos peurs, au milieu des peurs communes et par les nouvelles racines que nous créerons, d'assécher toute cette peur avec l'aide de Dieu.
C'est toujours cette figure de l'exode qui devient un thème fractal dans tous les textes. Traverser la mer rouge.
Et la nouveauté du jour c'est que c'est facile. En prenant l'image de ce murier, Jésus dit que c'est facile. Nous ne le faisions pas parce que personne ne nous l'avais jamais dit que c'était facile.
Pour notre Eglise de Port Royal Quartier Latin, c'est la même invitation.
Parfois j'ai l'impression que tout le monde attend. Dans les mauvais moments, j'ai eu l'impression que tout le monde se plaignait. Moi aussi, bien sur, si je m'autorise à le dire devant vous ce matin, c'est parce que dans ma préparation pour vous restituer ce récit, il m'a parlé, et il m'a invité à la sincérité.
Notre Eglise a une potentialité énorme. Mais il faudra la témérité pour comprendre qu'il lui faut se déraciner de sa salle d'attente et s'enraciner - en ayant réalisé combien finalement c'était facile - même un enfant peut le faire - au milieu du monde où elle est attendue.
C'est ce qui est attendu pour ceux qui choisissent l'évangile du Christ.
Ce n'est pas une question de foi. Arrêtons de croire qu'être disciple de l'évangile ce n'est qu'une question de croire ceci ou cela.
C'est peut-être une question de volonté, de fidélité à soi-même... mais c'est d'abord de la témérité.
AMEN.
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