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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

L'Évangile, c'est quoi finalement ?

Prédication du 14 octobre 2018 par Robert PHILIPOUSSI



MARC 10.17-30 

17 Comme il se mettait en chemin, un homme accourut et se mit à genoux devant lui pour lui demander : Bon maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? 18 Jésus lui dit : Pourquoi me dis-tu bon ? Personne n'est bon, sinon Dieu seul. 19 Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre ; ne commets pas d'adultère ; ne commets pas de vol ; ne fais pas de faux témoignage ; ne fais de tort à personne ; honore ton père et ta mère. 20 Il lui répondit : Maître, j'ai observé tout cela depuis mon plus jeune âge. 21 Jésus le regarda et l'aima ; il lui dit : Il te manque une seule chose : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi. 22 Mais lui s'assombrit à cette parole et s'en alla tout triste, car il avait beaucoup de biens. 23 Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples : Qu'il est difficile à ceux qui ont des biens d'entrer dans le royaume de Dieu ! 24 Les disciples étaient effrayés par ses paroles. Mais Jésus reprit : Mes enfants, qu'il est difficile d'entrer dans le royaume de Dieu ! 25 Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. 26 Les disciples, plus ébahis encore, se disaient les uns aux autres : Alors, qui peut être sauvé ? 27 Jésus les regarda et dit : C'est impossible pour les humains, mais non pas pour Dieu, car tout est possible pour Dieu. 28 Pierre se mit à lui dire : Nous, nous avons tout quitté pour te suivre. 29 Jésus répondit : Amen, je vous le dis, il n'est personne qui ait quitté, à cause de moi et de la bonne nouvelle, maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou terres, 30 et qui ne reçoive au centuple, dans le temps présent, maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres — avec des persécutions — et, dans le monde qui vient, la vie éternelle.

 

PRÉDICATION

Finalement, c'est quoi l'évangile ?euangellion en grec, ou bonne nouvelle en français.Un mot qu'on trouve dans le nouveau testament évidemment, beaucoup de fois dans les écrits de Paul et d'autres, dans Luc «  L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction pour porter la bonne nouvelle aux pauvres » dans Matthieu et surtout dans Marc, qui met vraiment cette notion en valeur, par exemple dans le récit sur ce quelqu'un qui était riche.

Saviez-vous que l'évangile existait aussi dans l'ancien testament ? En effet dans l’Ancien Testament, besorah est traduit en grec par euangélion (évangile) dans la Septante, la première traduction grecque de la Bible. C'est la bonne nouvelle de la victoire d’une guerre (2 R 7,9), de la naissance d’un fils (Jr 20,15) ou de la vie sauve d’un ami (1 R 1,42). Chacun de ses exemples d'ailleurs pourrait aisément trouver une correspondance avec l'histoire de Jésus : la naissance d'un fils, ça nous dit quelque chose, la victoire contre la mort, ou la bonne nouvelle de la vie sauve pour les élus, ou pour ceux qui ont été guéris par Jésus, ou la vie sauve de Jésus lui-même manifestée par sa résurrection.
Ces correspondances d'ailleurs n'ont rien d'un hasard, puisque, rappelons-le, le nouveau testament est juif
. Lareligionchrétiennes'est construite après. Et puis, n'oublions pas que pour les gens qui vivaient à l'époque racontée du nouveau testament, il n'y avait pas de nouveau testament. Simplement au mieux, quelques écrits qui circulaient et se racontaient, dont beaucoup d'ailleurs n'ont pas été admis dans notre nouveau testament ! Non, ces gens-là avaient la Bible de Moise et des prophètes en tête, en citations ou en sermons, des traditions orales, et pour eux c'était ça la Bible. Ce n'est donc pas un hasard qui a fait que quand ils ont popularisé cette expression de bonne nouvelle, ils aient établi des correspondances avec ce qu'ils ne pouvaient évidemment pas appeler l'ancien testament.

C'est quoi l'évangile ?
Je me suis dit, en préparant cette prédication que chacun ici présent méritait aujourd'hui de se poser cette question, en apparence anodine, et pourtant pas si anodine que ça. 
Oui, bien sûr, chacun pense avoir au fond de lui une réponse – parce que ce serait étonnant quand même, avec toutes ces années d'Église, de prédications et de cultes, d'études que de ne pas avoir quelque chose à répondre sur ce sujet !
Par exemple, si maintenant, je faisais circuler un tas de petits papiers et de stylos et que je demandais à chacun d'écrire en quelques mots ce que signifie, pour lui ou elle, l'évangile, la bonne nouvelle, après un moment de sidération, je pense que chacun arriverait à écrire quelque chose.
Mais rassurez-vous, si toutefois vous avez besoin d'être rassurés, je ne vais pas faire passer ces papiers et ces stylos car j'aime bien les prédications classiques car aller au culte selon moi c'est s'apprêter à rester tranquille et tous ceux qui préparent le culte travaillent pour que vous n'ayez pas à travailler !
J'ai cependant imaginé toutes vos réponses- c'est le revers de la médaille ! - que je vais vous donner en vrac, sans les classer, parce qu'on n'a pas le temps. L'évangile pour moi c'est :Jésus, c'est 
être sauvé, c'est que Dieu a donné son fils pour la rédemption de mes péchés,c'est que le monde n'est pas perdu à jamais, c'est l'espérance, c'est que tout le monde va être sauvé, c'est que les bons vont être récompensés, c'est la promesse de la vie après la mort, c'est la justice rétablie, c'est la promesse d'un monde meilleur, c'est la victoire sur la mort....c'est la réconciliation universelle des humains entre eux.
Merci ! Quelle abondance. Je note toutefois une grande diversité dans vos réponses. Oui je sais vous n'avez pas réellement répondu, mais quelque chose me dit que vous n'auriez pas été unanimes !
Tiens, j'avais oublié un papier : quelqu'un parmi vous aurait pu écrire «  l'évangile c'est une bonne nouvelle pour moi, différente de ce qu'elle peut signifier pour les autres »
. Intéressant. Peut-être un peu... comment dire...un peu auto centré peut-être ? En tous les cas, c'est subjectif au plein sens du terme !
Bon assez avec ce jeu ! Mais je pense que chacun aura pu esquisser une réponse dans sa tête.

Alors l'évangile, c'est quoi ?
Pourquoi je vous parle de ça, au fond ? Et bien parce que dans le récit de Marc il y a une phrase de Jésus qui m'a heurté :

Jésus répondit : Amen, je vous le dis, il n'est personne qui ait quitté, à cause de moi et de la bonne nouvelle, maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou terres, 30 et qui ne reçoive au centuple, dans le temps présent, maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres — avec des persécutions — et, dans le monde qui vient, la vie éternelle.

Je vois plusieurs choses dans cette phrase. Passons d'abord ce qui est le plus provoquant, que je vais juste remarquer, sans le traiter. Par exemple le fait que Jésus parle d'un remplacement des familles ! Vous allez tout quitter, mais vous allez recevoir au centuple d'autres maisons, d'autres mères, frères sœurs, enfants et terres ! Et puis aussi le fait que tout ça est accompagné de persécutions, ce qui réduit déjà un peu la joie bizarre de retrouver une famille et des maisons tout à fait différentes.

En lien avec notre thème, ce que je vois c'est que dans cette phrase Jésus distingue « lui-même » de « l'évangile » «  moi et la bonne nouvelle » dit-il, il n'est personne qui ait quitté, à cause de moi etde la bonne nouvelle. Les deux semblent liés, normal parce que Jésus annonce cette bonne nouvelle. Mais Jésus, selon ce récit, ne se considère pas lui-même comme « la bonne nouvelle ». Et je note aussi que si celui a qui tout quitté à cause de la bonne nouvelle recevra la vie éternelle dans le monde qui vient, il s'agit bien ici d'une conséquence d'avoir tout quitté à cause de la bonne nouvelle, mais, selon la logique de la Parole de Jésus, la bonne nouvelle n'est pasla bonne nouvelle de la vie éternelle, comme on a souvent tendance à la confondre.
Nous avons donc déjà deviné à travers cette phrase de Jésus, que la « bonne nouvelle » n'est pas au sens strict «  Jésus » et qu'elle n'est pas non plus la promesse de «  recevoir la vie éternelle ». Il y a donc une série de petits papiers qu'on va mettre de côté, et on comprend mieux pourquoi j'ai procédé non démocratiquement tout à l'heure, en fait pour ne vexer personne. 

Alors la bonne nouvelle c'est quoi ?
On sait un peu ce qu'elle n'est pas exactement, mais ce qu'elle est, on ne sait toujours pas. Pourtant Jésus l'annonce, les évangiles s'appellent des évangiles ! Et sur la terre il y a plein d'évangéliques ! 

Un autre indice que Jésus n'est pas «  la bonne nouvelle » en lui-même c'est quand ce quelqu'un, cet anonyme s'approche de lui et lui dit«  bon maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle »et Jésus, vous le savez, le reprend sur le terme de « bon ». Il dit quel Dieu seul est bon. Souvent les commentateurs imaginent que Jésus procède par modestie ce qui démontrerait a contrario qu'il serait vraiment bon. Mais non, il est important de lire au premier degré. Jésus dit que personne n'est bon sauf Dieu, et il le pense pour lui-même aussi. Jésus rappelle d'emblée à ce flatteur que A DIEU SEUL LA GLOIRE.

Mais alors la bonne nouvelle c'est quoi ?
Je ne sais pas si vous avez bien entendu comment se déroule cet entretien avec cet homme riche. Une fois que l'homme a posé sa question, Jésus lui lance une série de commandements que l'homme jure avoir respectés. Mais si vous examinez bien la liste des commandements que cite Jésus, elle est constituée de la partie du décalogue qui concerne les obligations envers le prochain : pas de meurtre, pas d'adultère, pas de vol, pas de faux témoignage, honore ton père et ta mère. Et ce commandement nouveau qui n'est pas dans les dix commandements : ne fais de tort à personne .
C'est alors que Jésus lui demande de se débarrasser de ses biens et lui n'y arrive pas. Sans doute parce que la bonne nouvelle s'adresse aux pauvres. 
Mais avant que Jésus le provoque sur sa richesse, il l'attendait peut être sur un autre plan, car dans la liste des commandements que Jésus a citée, et que l'homme a déclaré avoir suivi, il n'y avait aucun commandement sur les obligations envers Dieu = 
à savoir déjà le rappel que ton Dieu t'a sorti de la servitude, que tu n'as pas à avoir

d'autres dieux face à lui, que tu n'en feras aucune représentation, que tu ne serviras aucun autre Dieu, que tu ne diras pas n'importe quoi en son nom, et que tu te souviendras du jour du repos, pour le sanctifier.
Mais l'homme n'a pas protesté. Il n'a pas dit «  oui mais les autres commandements que tu ne cites pas je les ai respecté aussi ». 
Dans la liste de Jésus, et sans doute dans la vie de cet homme il manquait tout simplement Dieu, ce Dieu qui est le seul à être bon, à chercher, à rencontrer, à trouver, pas Jésus, pas l'argent, pas la vie éternelle.

Alors la bonne nouvelle, c'est quoi ?
Ce n'est pas « Jésus », ce n'est pas la promesse de la vie éternelle, ce n'est évidemment pas la promesse d'être riche – quand je pense qu'un soi-disant évangile soi-disant évangélique de la soi-disant prospérité infeste le christianisme actuellement, c'est un contre sens énorme, car justement, dans la vie de cet homme par exemple, la recherche de la richesse et du moyen d'en hériter éternellement avait remplacé Dieu.
La bonne nouvelle, au risque de vous décevoir chez frères et sœurs, je vous le dis quand même, ce n'est pas une phrase, ce n'est pas un mot: c'est DIEU.
C'est qu'il existe et que par le fait qu'il existe, nos existences aussi, des existences qui en tiendraient compte et devraient automatiquement se réjouir et changer de ce fait, et non pas par conviction ou croyance. Bien sûr, beaucoup de gens croient en Dieu, pour énormément de gens aussi«  Dieu », ou l'idée de Dieu est une idée utile dans l'armoire de leur convictions, mais peu de gens en arrivent à admettre qu'il existe vraiment. Et s'ils l'admettaient, ils comprendraient très vite ce que signifie cette « bonne nouvelle » et tout ce qu'elle va entrainer !

C'est la bonne nouvelle que Jésus annonçait. La présence réelle de Dieu, qui nous évite la funeste sensation d'être ce locataire de nulle part.

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