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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

Le règne de Dieu est semblable à un humain.....

Prédication du 17 juin par Robert Philipoussi



LECTURE LECTEUR Marc 4, 26-33

26 Il dit encore: «Voici à quoi ressemble le royaume de Dieu. Il est semblable à un homme qui jette de la semence en terre; 27 qu'il dorme ou qu'il reste éveillé, nuit et jour la semence germe et pousse sans qu'il sache comment. 28 [En effet,] d'elle-même la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin le grain tout formé dans l'épi,

29 et, dès que le fruit est mûr, on y met la faucille, car c'est le moment de la moisson.»30 Il dit encore: «A quoi comparerons-nous le royaume de Dieu ou par quelle parabole le représenterons-nous? 31 Il est comme une graine de moutarde: lorsqu'on la sème en terre, c'est la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre. 32 Mais lorsqu'elle a été semée, elle monte, devient plus grande que tous les légumes et développe de grandes branches, de sorte que les oiseaux du ciel peuvent habiter sous son ombre.»

 

PRÉDICATION

 

En commençant à préparer cette prédication, j'ai presque rêvé d'un jour où les paraboles de Jésus ne me fascineraient plus. Car elle me fascinent et depuis longtemps, et ça n'a pas l'air de vouloir s'arrêter. 

Et ne croyez pas que je suis censé être fasciné parce que je suis pasteur et que c'est la Bible et que j'aurais un mandat : de toujours tout trouver fascinant dans la Bible. Non, il y a des textes qui ne m'ont jamais fasciné et d'autres qui ne me fascinent plus tel que, par exemple, le premier récit de la création dans la Genèse. Et sa routine des jours, il y eut un soir etc. Le second récit de la création, beaucoup plus on va dire « explicite » continue lui à me surprendre « que va faire Eve, et quel est le sens de son action ? Est-il possible d'être plus passif qu'Adam ? Quelle est cette vie de cet arbre de vie  ? Qu'est ce que la connaissance ? Pourquoi différencier le bon et le mauvais ? Ce serpent est il aussi méchant qu'on le dit ? Qu'est ce que la nudité...etc » . Dans ce second récit de la création, je trouve de quoi penser, de quoi réfléchir à se fabriquer une éthique. 

Mais oui, il y a des textes dont on finit par faire le tour. Et comme dit l'Ecclésiaste «  trop d’étude, trop de livres, lasse… ». Mais l’Ecclésiaste aussi, tout impertinent qu'il soit, pourrait aussi finir par ennuyer les plus vaillants. 

Mais les paraboles de Jésus, jamais. J'ai beaucoup tourné autour de ces paraboles dite du Royaume dans ma modeste carrière et ce sont elles qui me jouent encore des tours.

Je suis fasciné par exemple par la première parabole de notre texte – je ne parlerai aujourd'hui pas de la graine de moutarde, mais uniquement de la première parabole, dont déjà le démarrage m'intrigue : 

Voici à quoi ressemble le royaume de Dieu. Il est semblable à un homme ...

Un homme, ça pourrait-être une femme, c'est « humain » en grec, anthropos. 

Mais là n'est pas le problème. L'inclusivité de ce terme n'est pas ce qui me fascine, en revanche, c'est juste que Jésus dit que le Royaume de Dieu est semblable à un humain. Ce qui d'emblée me met en dehors de la capacité de comprendre quoi que ce soit. 

Leroyaumede Dieu (en spatialisant le terme grec à la base de l'expression) ou leRègne de Dieu(en choisissant de traduire le même mot grec en terme d'événementéternel «  le règne de Dieu » qui n'a pas de limite , de début ou de fin) ou en terme de durée, chronologique comme le règne de Louis 14, mais en plus long encore) , ce royaume ou ce règne, espace, événement, ou durée, pourrait être comparé à n'importe quoi, 

  • à un jardin luxuriant pourquoi pas,

  • ou Japonais minimal,

  • à un univers parallèle, (on s'amuse..)

  • à un bain de lumière 

  • à Toute une Histoire future et ses péripéties

  • mais pas à un humain !

  • Si encore c'était « un humain précis », Jésus de Nazareth ...., on pourrait avoir une idée vague certes mais néanmoins ductile de ce à quoi le royaume ou le règne de Dieu pourrait finalement, après bien des contorsions, ressembler. 

Mais à un humain générique ? Qui représenterait Toi, moi, n'importe qui. N'importe quel humain.

On ne comprend pas. Mais on écoute. Parce que on comprend quand même un peu pour continuer à écouter. On comprend les mots. 

Alors, on ne va pas essayer de tout comprendre d'emblée. On va essayer de ramasser ce qu'on peut ramasser.

Il est semblable à un homme ...

Cela nous renseignerait quand même sur une chose. Si on a quand même envie de commencer à pousser le bouchon. 

Cela nous indiquerait que ce Royaume de Dieu est semblable à « une forme de vie », une forme de vie évoluée, une forme de vie très intelligente, une forme de vie qui devient dans cette parabole forme humaine, comme dans certains films d'anticipation où certaines intelligences artificielles prennent la forme d'un humain, d'un humain sans trop d'identité (c'est un humain générique c'est-à-dire que son caractère à cet humain, ces rêves, peurs ou autre sentiments et émotions, son individualité n'entrent pas en compte). Mais en tous les cas une forme de vie qui est humaine. Et que fait une forme de vie ? En général et aussi humaine . Elle agit.

Il est semblable à un homme qui jette de la semence en terre

Donc on a appris deux choses, que le royaume de Dieu est semblable à un humain-ce qui ne nous a pas beaucoup avancé - et que cet humain jette de la semence sur la terre.

Le royaume de Dieu donc est semblable donc à une forme de vie d'apparence humaine – et non pas une maison, un caillou, ou autre jardin babylonien ou une royauté toute puissante – qui jette de la semence en terre et qui ensuite ne fait rien.

Qui n'entretient rien. Un peu comme cette parabole qui se jette sur nous, et qui ne nous dit rien, qui n'entretient rien et ne s'entretient pas avec nous, qui laisse simplement pousser les conséquences d'elle-même toute seule.

La parabole dit que cet humain ignore comment tout ce qui se passe en conséquence de son geste, se passe.

Le royaume de dieu, selon cette parabole, est semblable une forme de vie d'apparence humaine agissant certes mais aussi ignorant comment peuvent se dérouler les conséquence de son action, à savoir la transformation de la semence en herbe, de l'herbe en un épi qui finira par contenir de la nouvelle semence

Jusqu'à ce qu'il prenne la faucille - lui cet humain - ou quelqu'un d'autre, le texte est ambigu- et que la moisson se fasse.

Voilà ce que selon cette parabole ci – mais il y en a plein d'autres, dit à quoi est semblable le royaume de Dieu, et quand on sait qu'on pourrait aussi non pas traduire mais comprendre les expressions « royaume de Dieu » , « règne de Dieu » par tout simplement « Dieu»... voici donc comment cette parabole-ci dit à quoi Dieu est semblable. 

Donc Dieu, d'après cette parabole de Jésus est semblable à quelqu'un qui ne fait que semer, qui l'a fait une fois pour toute - ou qui le fait constamment, ça non plus, on ne sait pas- et qui laisse tout ça se faire sans qu'il sache comment ça marche et qui laisse croitre jusqu'au temps de la moisson, c'est dire, le temps de la fin. De la fin de cette parabole qui est aussi la fin du temps. La fin du temps narratif . La fin du temps où quelque chose peut encore se raconter ou se transformer en parabole . Parce que nous sommes dans le nouveau testament, c'est une collection d' ouvrages écrits par des gens qui attendaient la moisson, qui attendaient impatiemment le temps où ils n'auront plus rien à raconter. Qui racontaient le moment où il n'y aura plus rien à raconter. Le moment qui ouvrira le temps où les choses se raconteront d'elles-mêmes comme ces plantes qui poussent d'elles-mêmes.

Cette parabole est intéressante à plus d'un titre car elle suggère un Dieu bien différent de toutes ces figures de lui qu'on peut trouver dans la Bible par ailleurs, vous savez, le dieu sentimental, émotionnel, parfois colérique, jaloux, aimant, blessé. Ce Dieu tout à la fois Roméo et Juliette. Là, c'est juste quelqu'un qui sème, laisse faire, ne sait pas comment ça marche.

Ce qui nous pousse à s'imaginer Dieu faisant les choses mais ne sachant pas comment elles peuvent se faire, n'en ayant pas la connaissance. Ce qui est perturbant. Mais a t on besoin quand on est Dieu de savoir comment fonctionne ce que l'on fait. Pourquoi ce pur mystère ne serait il pas pur mystère à lui-même aussi. Ce qui expliquerait peut-être qu' il est aussi pour nous un pur mystère. 

Quel souci il y aurait-il de ne rien connaître de soi quand on est Dieu et qu'on vivrait dans la pure confiance en ses propres actes ? Et si Dieu lui même n'avait aucun sens de lui-même ? Est ce qu'un artiste sait exactement ce qu'il fait ? Tout cela nous inviterait à méditer sur l'action ou le geste plutôt que sur le sens des choses.
 

En tous les cas, ce règne de Dieu , ce pur acteur, pleinement confiant dans son geste dont il ignore les modalités, ne peut que constater que sa semence pousse toute seule – ce que fait n'importe quelle semence, parce qu'elle est mue de cette énergie de confiance initiale. Comme nous mêmes, parfois, qui avons été lancé dans la vie avec de vrais gestes de confiance et qui nous déployons tout seul, dans la pure énergie mystérieuse de notre élan initial. Jusqu'à ce que la moisson se fasse car tout à une fin. 

Cette parabole est une béance vers une réflexion profonde sur la nature même du divin et aussi de notre existence . La parabole qui suit, parlant d'une graine de moutarde est plus simple, mais celle ci, associant un acteur dans le début de son déploiement est très mobile et dérangeante. Elle nous interroge aussi sur la profondeur spirituelle de celui qui osait raconter de telles paraboles à des gens qui venaient l'écouter. 

Que pensait-il de Dieu ? L'envisageait-il comme cet acteur si dé préoccupé et tellement confiant. Pensait-il qu'il était lui, Jésus, cet humain générique ? C'est à dire ce Dieu de la parabole ? Surement pas, même si les écrivains des évangiles l'auront pensé pour lui, qu'il était, lui le fils de l'Homme, cet humain générique. Ce Dieu. 

Que pensait-il de l'existence humaine, et de sa propre existence, lui qui a senti très tôt venir la moisson. Quel était son monde intérieur, pour raconter de telles paraboles ?

Autant de questions ce matin offertes à votre méditation post cultuelle. Et pour vous inviter, dès le moins de septembre, à faire de la théologie, de la vraie théologie. 

Et aussi, ne nous disait-il pas i que nous sommes en plein milieu du déploiement autonome de ce règne ? 

Aurait il voulu nous dire qu'il faudrait que nous aussi nous nous mettions à ressentir que nous sommes pris dans le mouvement de croissance de ce règne, plutôt que de toujours tenter de nous rattraperà ce qui selon nous ne bouge jamais – nos idées reçues et sures d'elles-mêmes, nos traditions, nos fondations qui ne sont pas censées bouger, nous accrocher à nos identités diverses, nos états de nous mêmes, notre collection de clichés. Dans laquelle nous plongeons souvent pour résister – si vainement- à la mobilité de ce règne qui grandit. Sous nos yeux fermés. Jésus semble dire, semble nous dire au travers de paraboles désarmantes, qu'il faudrait ouvrir nos oreilles et nos yeux pour entendre et voir le déploiement d'un règne incontrôlable, provoqué par une souveraine intelligence. 

Alors, si nous ne pouvons pas le contrôler, ce Dieu, ce règne, le maîtriser, nous pouvons tout de même en témoigner, qu'il se passe, qu'il se déploie, qu'il arrive, qu'il se fait, parce que quelqu'un aurait jeté en toute confiance, de la semence sur notre terre, sans s'inquiéter plus avant lui-même, nous offrant donc la possibilité de nous délivrer de nos propres inquiétudes. 

AMEN

.


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