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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

" Vous avez entendu ?"

Prédication du 15 avril 2018, par Robert Philipoussi



Ezéchiel 17.22-24

22Ainsi parle le Seigneur DIEU : Je prendrai, moi, une branche de la cime d’un cèdre élevé et je la mettrai en place ; j’arracherai du sommet de ses branches une pousse tendre et je la planterai moi-même sur une montagne haute et sublime. 23Je le planterai dans la montagne qui domine Israël ; il dressera sa ramure et portera du fruit, il deviendra un cèdre magnifique. Tous les oiseaux de toute espèce demeureront sous lui ; à l’ombre de ses branches ils demeureront. 24Ainsi tous les arbres des champs sauront que c’est moi, le SEIGNEUR (YHWH), qui ai abaissé l’arbre élevé et élevé l’arbre abaissé, qui ai desséché l’arbre vert et fait fleurir l’arbre sec. C’est moi, le SEIGNEUR (YHWH), qui ai parlé et qui agirai. ]

Marc 4.26-34

26Il disait encore : Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette de la semence sur la terre ; 27qu’il dorme ou qu’il veille, nuit et jour, la semence germe et croît sans qu’il sache comment. 28D’elle-même la terre porte du fruit : d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin le blé bien formé dans l’épi ; 29et sitôt que le fruit est mûr, on y met la faucille, car la moisson est là.

30Il disait encore : A quoi comparerons-nous le règne de Dieu ? Par quelle parabole le représenterons-nous ? 31C’est comme une graine de moutarde qui, lorsqu’on la sème en terre, est la plus petite de toutes les semences de la terre ; 32mais une fois semée, elle monte, devient plus grande que toutes les plantes potagères et donne de grandes branches, de sorte que les oiseaux du ciel peuvent habiter sous son ombre. C’est par beaucoup de paraboles de ce genre qu’il leur disait la Parole, selon ce qu’ils étaient capables d’entendre. 34Il ne leur parlait pas sans parabole, mais, en privé, il expliquait tout à ses disciples

 

PRÉDICATION  

Vous avez entendu ?

mais, en privé, il expliquait tout à ses disciples.

Quelques petits mots. Mais ce sont les mots qui justifient l'institution qui arrive. Jésus parle. L'institution, qui sait parce qu'on le lui a expliqué en privé, expliquera à son tour.

L'origine latine du mot explication désigne l'action de déplier. En poussant l'étymologie jusqu'au vice, on pourrait dire que expliquer, c'est dire ce qu'est une pièce d'origami après l'avoir dépliée. Ce qui est triste. C'est à mon sens la même tristesse qui surgit dans on tente d'expliquer, de déplier- et en grec , langue du nouveau testament de délier – les paraboles de Jésus, relatées dans des livres, les évangiles qui ont été publiés, bien après, donc au temps du début de l'explication institutionnelle. Un peu comme à prendre un peu dans ce sens qui dirait que, je t'attends à la sortie de ta naïveté, et je vais te donner une explication.

Alors reprenons. Quelles seraient les hypothèses justifiant la nécessité que des disciples, en privés, reçoivent des explications auxquelles le public n'a pas accès ?

Vérifions. Par exemple, à tout le monde, il racontait ça :

A quoi comparerons-nous le règne de Dieu ? Par quelle parabole le représenterons-nous ? 31C’est comme une graine de moutarde qui, lorsqu’on la sème en terre, est la plus petite de toutes les semences de la terre ; 32mais une fois semée, elle monte, devient plus grande que toutes les plantes potagères et donne de grandes branches, de sorte que les oiseaux du ciel peuvent habiter sous son ombre.

Je ne sais pas vous, mais pour moi, ça n'a pas l'air si compliqué . Dieu, ou le règne de Dieu, ce n'est au départ qu'un mot, un petit mot , une petite expression, un espoir, une sensation, voire une hypothèse. Mais « ça » deviendrait , si on le laissait faire : une présence qui grandirait au point de transformer toute l'existence et pour peu qu'on le laisse tranquillement se développer en toute liberté pourrait changer tout , transformer toute ce qui devrait s'appeler une bonne fois pour toute « la création », en un lieu réellement vivable pour tout le monde. Il suffirait qu'on laisse faire. Ce serait une semence qui pousserait toute seule.

Ça n'a vraiment pas l'air si compliqué que ça. Et vraiment on se demande pourquoi Jésus a besoin d'expliquer aux disciples ce que tout le monde est capable de comprendre ! Pas forcément de croire, mais de comprendre.

Alors quoi ? Les disciples seraient-ils particulièrement obtus ou stupides ? Manqueraient-ils de sens poétique ?

On a présenté Jésus de toutes les façons. Parmi les étiquettes qu'on lui a attribuées, il y a celle de poète. Imaginez un poète qui compose des petites histoires pour stimuler l'imagination. Et qu'on lui demande toujours d'expliquer !

Alors là j'ai employé le mot "oiseau" c'est pour signifier ceux qui tournent en rond dans le ciel, et j'ai employé le mot "branches" pour signifier qu'ils trouvent une maison.

- Ah bon, ce n'était pas des vrais branches ? Le règne de Dieu n'est pas un vrai arbre ?

- Le règne de Dieu n'est pas un "vrai arbre".

Il est souvent dit dans les évangiles que Jésus a besoin de se retrouver seul. On comprendrait mieux alors pourquoi, pour fuir. Loin.

Donc première hypothèse, les disciples ne comprennent rien au langage poétique. Et cette mention de l'explication en privé serait l'affirmation de cette incapacité, généralisable jusqu'au lecteur de l'évangile, de sentir le sel d'une parole.

Et voici l' autre hypothèse, qui n'exclut d'ailleurs pas la première.

Ce n'est pas vraiment qu'ils ne comprennent pas, mais c'est qu'ils auraient besoin qu'on leur redise tout mais d'une façon organisée.

En termes techniques - pour ceux que ça intéressent, ils ont besoin qu'on transforme des paraboles – objet narratif polysémique - en allégorie, où chaque terme correspond à une seule signification et pas trente six.

Et pourquoi ont ils besoin de ce type d'explication ? C'est parce que déjà ils n'ont pas et n'auront jamais le génie créatif de leur maître, et que des explications en mode petit a) petit b) petit c) seront plus facilement utilisables plus tard.

Plus tard quand ? Et bien plus tard quand quand leur maître ne sera plus là et qu'ils auront la responsabilité et le pouvoir. Celui qui a le pouvoir d'expliquer un texte, c'est celui là qui le pouvoir. Pas le poète. Les explicateurs sont les parasites du poète, sans lui, ils n'auraient pas eu l'idée d'exister, mais en suggérant que privativement des explications leur ont été conférées, ils gardent la main.

Donc l'Eglise , quand elle aura le pouvoir après Jésus, préfèrera toujours donner les explications plutôt que de raconter les paraboles elles-mêmes, telles qu'elles sont sorties de la bouche inspirée de Jésus.

Ecoutez toutes les paroles des Eglises qui circulent dans le monde. Elles sont toutes des explications, parfois légèrement déguisées ! Généralement normatives petit a) petit b) petit c) . Elles ne sont que très rarement les simples échos des paroles , appelées paraboles que Jésus adressait aux foules qui venaient l'écouter, sans demander d'explication. Jésus parlait au cœur, et laisser ces récits particuliers, ces graines donc, se développer tranquillement, le projet étant que se reconstitue, le règne de Dieu, c'est à dire, dans ce cadre végétal et agricole particulier aux paraboles de Jésus, en jardin libre et luxuriant, dans lequel aucune Ève ou aucun Adam n'aurait besoin d'explication sur le sens de leur présence dans ce monde, et où aucun « sens » profond n'aurait été confié à une élite qui va en faire sa mission, d'expliquer.

 

Si pour cette prédication, je n'avais fait que répéter toutes les paraboles qui vous avez entendues par les bouches inspirées des lecteurs. Vous auriez demandé des explications. Pourtant, en quoi le message d'un prédicateur pourrait il être plus important que les paroles sorties de la bouche inspirée de Jésus. ?

 

Pourtant moi aussi, j'explique, c'est mon métier. Mais j'ai toujours choisi de le faire, dans un certain esprit, le moins éloigné possible de ce que je crois être l'esprit des paraboles. Peut-être pour mettre en garde. En alerte. Réécoutez les paraboles de Jésus.

Il y en a environ un quarantaine, je dis environ car certaines s’enchâssent dans une autre, d'autres sont des situations, d'autres seraient des prophéties...

Imaginez que vous n'êtes pas les disciples, mais que vous entendiez les mots de Jésus, bien logés anonymement au coeur d'une foule bienveillante. Que vous entendiez ça:

 27que le semeur dorme ou qu’il veille, nuit et jour, la semence germe et grandit sans qu’il sache comment. 28D’elle-même la terre porte du fruit :
Auriez vous besoin d'une explication ? Oui ? Alors vous pouvez êtres disciples ! Vous avez le sens institutionnel. Vous êtes prêt à recevoir vos ordres de mission.

Non ? D'accord. Vous êtes libres.

Vous pourriez néanmoins avec vos compagnons tenter ensemble de les interpréter ces paraboles et interpréter ni signifier pas qu'expliquer . Vous pourriez le faire sans besoin d'un maître qui vous explique. Elles seraient faites pour ça, ces petites graines de moutardes et ces semences étranges. Pour que le peuple interprète, à égalité et ensemble. Parce que ce sont des paraboles du règne de Dieu. Et dans ce règne, il n'y a pas de niveau mais uniquement de l'intelligence et de la bienveillance collective.

Jésus ajoutait souvent après ces histoires : Que celui qui a des oreilles entende. Et cela aurait eu du suffire. Il n'aurait donc pas dit : vous avez 3 heures pour en faire un commentaire composé à transformer en ordre de mission.

5 Le règne des cieux est encore semblable à un marchand qui cherche de belles perles. 46 Il a trouvé une perle de grand prix; et il est allé vendre tout ce qu'il avait, et l'a achetée.

Que celui qui a des oreilles entende.

22 Et personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres; autrement, le vin fait rompre les outres, et le vin et les outres sont perdus; mais il faut mettre le vin nouveau dans des outres neuves.

Que celui qui a des oreilles entende.

Etranges disciples disciplinés, se croyant démunis de sens poétique, ou et avides d'explications, avides d'ordres clairs, à recevoir et à donner.

Il leur aurait suffit d'avoir des oreilles et d'entendre ce que ces paraboles libres allaient leur signifier à chacun à ce moment là de leur vie. Sentir un signe pour leur moment, goûter la nourriture, recevoir l'impulsion dont ils auraient pu avoir besoin.

Ces paraboles lancées sans mode d'emploi sont des semences du règne de Dieu. Elles ne s'expliquent pas. Elle se reçoivent . Elles donnent le sens dont nous avons besoin au moment où nous en avons besoin si toutefois nous sommes disponibles. Elles nous invitent aussi à en discuter ensemble et à égalité. Nous invitent à nous en faire l'écho.

Comme les hébreux dans le désert avaient besoin de la manne - vous savez cette nourriture qui tombait du ciel - nous avons besoin de ces paroles, semences du Règne de Dieu. Nourriture si nous avons faim. Expliquer quoi ? Que si on a faim il est bon d'être nourri ? Décomposer une recette pour la reproduire ? Quand vous êtes au restaurant, appelez vous systématiquement le chef pour qu'il vous explique en détail la liste des ingrédients, et leurs justifications, le temps de cuisson et la méthode ? Vous ne préférez pas plutôt communiquer avec vos papilles et éventuellement avec la personne en face de vous et que vous aimez ?

 

AMEN

.


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