


SALUTATION
Avant la fondation du monde, avant le temps, Dieu est.
Dieu est amour et grâce.
L’amour et la grâce nous précèdent, nous accompagnent et nous attendent encore au-delà du temps de ce monde.
L’amour et la grâce embrassent notre vie et l’univers.
L’amour et la grâce vous accueillent en ce jour : bienvenue chers frères et sœurs, en ce temps où Dieu et son peuple se parlent, où grâce est rendu pour grâce, et l’amour répond à l’amour.
LOUANGE
Comme la goutte de miel de la ruche des abeilles, comme le lait de la mère qui aime ses enfants,
ainsi mon espoir vient de toi mon Dieu.
Comme la source épanche ses eaux, ainsi mon cœur épanche la gloire du Seigneur. Mes lèvres expriment sa gloire, ma langue est suave dans ses refrains. Mes membres embaument en ses chants, mon visage exulte en sa jubilation. Mon esprit jubile en son amour, mon âme s’illumine en lui.
La peur en lui se confie, le salut en lui se révèle. Sa profusion est vie immortelle, ceux qui l’accueillent ne connaissent pas la corruption. Alléluia.
Glorifions le Seigneur, nous tous ses enfants, recevons la vérité de sa foi. Que soient connus près de lui ses enfants, dès lors nous chanterons son amour. Nous nous réjouissons dans le Seigneur en sa grâce, la vie, nous l’accueillons en son Messie. Lors le grand Jour s’est illuminé pour nous, admirable, celui qui a donné de sa gloire.
Accordons-nous donc tous unanimes sur le Nom du Seigneur, honorons-le en sa grâce. Que nos visages s’illuminent en sa lumière, que nos cœurs murmurent en son amour. La nuit, le jour, jubilons de la jubilation du Seigneur.
Sa Parole est avec nous tout au long de notre chemin. Le Fils du Très-Haut s’est rendu visible en la plénitude de son Père, la Parole a fait briller sa lumière, celle qui était en elle dès le commencement.
Le Messie en vérité est un, il fut connu dès avant le lancement du monde, pour vivifier les âmes à jamais en la vérité de son Nom. Gloire nouvelle au Seigneur, de la part de tous qui le chérissent.
Alléluia.
CHANT Psaume 146B « Ô mon âme, sans relâche »
PRIÈRE DE CONVERSION
Puisqu’en contemplant l’immensité de la justice de Dieu, nous constatons aussi nos manques, reconnaissons notre besoin de lui et de sa miséricorde, avec les mots d’Augustin d’Hippone :
De toutes mes forces, celles que tu m’as données,
je t'ai cherché.
Désirant voir ce que j’ai cru.
Et j’ai lutté, et j’ai souffert.
Mon Dieu,
mon Seigneur,
mon unique espérance,
Accorde-moi de n’être jamais las de te chercher,
Mais fais que toujours,
je cherche ardemment ton visage.
Donne-moi la force de te chercher,
toi qui m'as fait te trouver
et qui m'as donné l'espoir
de te trouver de plus en plus.
Devant toi est ma force,
devant toi est ma faiblesse.
Garde ma force,
guéris ma faiblesse.
Devant toi est ma science,
devant toi est mon ignorance ;
là où tu m'as ouvert,
accueille-moi quand je veux entrer :
Là où tu m'as fermé,
ouvre-moi quand je viens frapper.
Que ce soit de toi que je me souvienne,
toi que je comprenne,
toi que j'aime.
Augmente en moi ces trois dons,
jusqu'à ce que tu m'aies réformé
tout entier.
CHANT 43-05 « Je veux répondre, ô Dieu » strophes 1 et 2
ANNONCE DU PARDON
Écoutons l’annonce du pardon de Dieu avec les paroles du prophète dans le livre de l’Apocalypse :
Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le ciel d’avant et la terre d’avant s’en étaient allés, et la mer n’était plus. Et je vis la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, descendre du ciel d’auprès de Dieu, prête comme une mariée qui s’est parée pour son époux. Et j’entendis venant du trône une voix forte qui disait : « Voici, la demeure de Dieu est avec les humains ! Il aura sa demeure avec eux, ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu, sera avec eux, et il sera leur Dieu.
Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les choses d’avant s’en sont allés ».
Et celui qui siégeait sur le trône dit : « Voici, je fais toutes choses nouvelles ».
CHANT 43-05 strophe 3
EXPRESSION DE LA VOLONTÉ DE DIEU
Pardonnés et libérés, nous pouvons nous relever ; écoutons ce que Dieu veut pour nous et nous donne la force de faire, avec ces paroles de la lettre aux Colossiens :
Faites donc mourir ce qui n’est que terrestre en vous : les mauvais désirs, l’avidité qui est idolâtrie. Rejetez aussi toutes ces choses : colère, animosité, malfaisance, calomnie, paroles choquantes sortant de votre bouche. Ne vous mentez pas les uns aux autres, car vous vous êtes dépouillés de l’Adam ancien, avec ses agissements, et vous avez revêtu le nouveau, qui se renouvelle en vue de la connaissance, selon l’image de Celui qui l’a créé. Là, il n’est plus question de Grec ou de Judéen, de circoncision ou d’incirconcision, d’étranger, d’esclave ou d’homme libre ; mais le Christ et tout et en tous. Ainsi donc, vous qui êtes choisis par Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous d’une tendresse pleine de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres et faites-vous grâce si quelqu’un a à se plaindre de quelqu’un d’autre ; comme le Seigneur vous a fait grâce, vous aussi, faites de même. Mais par-dessus tout, revêtez-vous de l’amour, qui est le lien parfait. Que la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés en un seul corps, règne dans votre cœur. Soyez reconnaissants !
CHANT 43-05 strophe 4
PRIÈRE D'ILLUMINATION
Père, ta Parole est pour nous ferment du Royaume et germe d’espérance.
Accorde-nous ton Esprit, maternel et créateur, pour que nous la recevions en vérité et avec joie.
Que cette Parole te révèle aujourd’hui et nous fasse porter les fruits que tu attends, nous qui désirons vivre en disciples de Jésus, le Christ, notre frère.
Que ta Parole s’élance, nous rassemble et nous transforme, nous te le demandons par Jésus-Christ, notre Seigneur.
AMEN
LECTURE
Jean 13, 31-35
Lorsque Judas fut sorti, Jésus dit :
Maintenant le Fils de l’homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui. Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même, et il le glorifiera aussitôt. Mes enfants, je suis avec vous encore un peu de temps. Vous me chercherez, et comme j’ai dit aux Judéens : « Là où moi je vais, vous, vous ne pouvez pas aller », à vous aussi je le dis à présent.
Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres. Comme je vous ai aimés, que vous aussi vous vous aimiez les uns les autres. En ceci tous sauront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres.
MUSIQUE
LA PRÉDICATION, par Paul Knall-Demars
Je dois vous avouer que ce n’est pas sans une certaine crainte qu’on aborde pour une prédication un passage aussi célèbre, que nous avons toutes et tous en tête au point où il définit à lui seul en quelques mots l’essentiel du message qui nous fait vivre et donne du sens à nos actions, à nos vies même. Cela non sans raison, puisque Jésus, vous venez de l’entendre, définit bien ce commandement comme suffisant pour identifier sans faute les disciples.
Nous le mettrons sans doute en lien aussi avec les deux commandements essentiels énoncés dans les autres évangiles : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence » et « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». En somme, l'amour est au fondement de tout.
Seulement voilà, entre connaître et confesser ce commandement et l’accomplir, car c’est bien sa réalisation qui fait le disciple, il y a tout l’écart qu’une vie humaine peut éprouver entre le bien auquel chacun aspire et la réalité avec laquelle on fait face chaque jour qui passe.
Non seulement donc l’exigence de cet amour mutuel qui est requise de nous, nous Église et nous dans l’Église, nous chrétiens avec nos proches, nos familles, nos amis et ennemis, ne semble pas toujours réalisable, mais elle paraît de toute façon bien en décalage, non moins aujourd’hui que dans les siècles passés, avec la règle du monde entier qui semble plutôt s’écrire en ces termes : « consumez-vous les uns les autres, bombardez-vous les uns les autres, haïssez-vous les uns les autres ». De quel poids alors peut-on bien peser avec tout notre amour chrétien face à cette citadelle immense d’hostilité ?
Puisque dans notre texte Jésus s’adresse aux disciples et leur commande de s’aimer entre eux, on pourrait penser que Jean restreint l’amour du prochain exprimé dans les autres évangiles à la dimension communautaire, interne, d’autant que Jean insiste beaucoup sur l’hostilité du « monde » envers Jésus et les disciples. Le « monde » devient pratiquement chez lui synonyme du royaume du mal et des ténèbres, dans lequel l’Église est comme un îlot de lumière : on ne peut confondre l’un et l’autre. Je ne pense pas cependant que Jean nous exhorte au repli et à faire complètement sécession, et j’ai ainsi espoir d’essayer de trouver encore quelque chose dans ce passage qui nous aiderait à y voir plus clair sur ce qu’est cet amour qui fait les disciples du Christ.
Où nous situons-nous ? C’est le dernier repas entre Jésus et les douze. Jésus a lavé les pieds des disciples, partagé le pain et annoncé par ce même geste que Judas allait le trahir. Celui-ci alors s’en va dehors « faire vite ce qu’il a à faire ». Et c’est la nuit.
C’est donc dans ces heures obscures et dans ce moment de bascule où la trahison entraînera l’arrestation, le procès injuste, les sévices et la mise à mort, au cœur d’un enchaînement tragique qui est le portrait même de ce que vit notre humanité quand la succession des événements fait grandir le sentiment de la catastrophe à venir et déjà en cours, c’est à ce moment-là que Jésus parle de gloire et d’amour. Devant l’évidence de l’amitié brisée en Judas, devant l’évidence du sort effroyable qui l’attend et qu’il a annoncé à maintes reprises, Jésus par sa seule parole fait déjà entrevoir à travers les ténèbres l’éclat d’une réalité autre. Il pourrait à cet instant mieux éclairer les disciples sur ce qui est en train de se jouer, car ils n’ont pas compris ce que Judas s’apprête à faire, ils n’envisagent absolument pas la crucifixion, l’échec. Quand à nouveau plus tard dans son discours Jésus fera allusion à sa disparation, à sa mort, ils ne comprendront toujours pas. Mais non. Ce qui compte à cet instant plus que tout c’est cet amour qui les lie entre eux au-delà de toutes les trahisons et les renoncements à venir. Cet amour qu’il vient encore de montrer en acte en leur lavant les pieds comme un serviteur, lui leur maître, leur rabbi. Oui, ce qui est déjà annoncé par ces paroles, c’est qu’au-delà d’une maîtrise des évènements et d’une compréhension complète que nous ne pouvons en fait jamais parfaitement atteindre, l’ancre qui nous retient pour ne pas être ballotés par les flots et sombrer dans l’apathie, le désespoir ou l’agitation vaine, c’est la pierre angulaire et solide comme le roc de cet amour. Il est la base de toute vraie connaissance, il est toujours déjà donné par Dieu, déjà réalisé, déjà incarné en Christ : « comme je vous ai aimé ». Nos efforts pour le mettre en actes ne sont pas des preuves à donner pour nous faire mériter quelque chose, mais sont les fruits de ce don premier. Vous voyez bien alors qu’il ne s’agit pas de se replier dans notre communauté, mais de continuellement se ressourcer à cette réalité première pour mieux partir vers le monde, sortir à notre tour dans la nuit du monde comme les disciples suivront Jésus à Gethsémani. Et même si, comme eux devant le drame, nous ne comprenons pas tout immédiatement, et s’il nous faut passer par des abandons, des découragements, des fuites et des chutes, la force de cette Parole prononcée et incarnée en Jésus fera que toujours ce fondement solide, ce lien véritable de l’amour mutuel, au-delà de ce qui est seulement visible, demeurera et résistera à toutes ces épreuves. Oui, il n’est plus là question simplement d’une volonté humaine abandonnée à ses propres forces, mais d’une volonté humaine assumée et transformée par l’action de Dieu, par la grâce qui toujours nous retrouvera à travers le pardon, le réconfort, un regard comme celui de Jésus porté sur Pierre qui le reniait.
J’aime ainsi à penser qu’alors même que les disciples pour la plupart avaient trahi l’amour envers leur maître, et après qu’ils furent dispersés par groupe chacun de son côté, puisque tout semblait fini après la mise au tombeau, ils ont continué malgré tout, peut-être malgré eux et sans le savoir, par cette grâce invisible, à observer au moins l’amour des uns pour les autres. En effet, c’est toujours en groupe, assemblés, que Jésus les retrouvera quand il leur apparaîtra ressuscité. Si ce lien d’affection et de solidarité n’était pas demeuré, ce petit reste de fidèles déçus aurait peut-être été encore plus incrédule face cet immense retournement du sort. C’est donc bien cet amour qui, comme le dit Jésus, faisait qu’ils étaient des disciples, au moment même où il semblait qu’ils l’étaient le moins car précisément leur maître n’était plus, et qu’eux semblaient avoir totalement démérité, par leur manque de vertus, ce titre. Je pense qu’on trouve déjà là une immense source de réconfort et d’encouragement, pour toutes les fois dans notre temps où il arrive que l’Église manque visiblement à sa mission au moment où il fallait agir, parler dans le monde et contre ce qui s’y passe, quitte à prendre un risque. Nous nous rappelons alors qu’au-delà de nos faiblesses, la réalité profonde de cette assemblée des enfants de Dieu n’est pas la démonstration constante de nos qualités et de nos vertus, mais ce lien d’union spirituelle, qui opère un véritable miracle répété et continu : le simple fait que nous soyons ensemble réunis autour d’un appel, d’une Parole dont les échos résonnent pour chacun d’entre nous. Cette assemblée où se croisent des histoires, des vies qui ne se seraient jamais rencontrées autrement. Non pas j’insiste, comme un havre isolé du reste du monde, mais comme la tente posée pour la halte avant de repartir, comme le sanctuaire nomade au désert, où la présence de Dieu se donne à voir plus clairement par la réalisation, temporaire certes, comme peut l’être un temps de culte ou de prière, mais bien présente, du Royaume de Dieu, ici et maintenant. Ce foyer de lumière et d’une vie animée par l’Esprit saint ne s’étouffe pas en se repliant sur lui-même, mais au contraire rayonne par l’action et le service. C’est par exemple ici à Port-Royal Quartier Latin l’association diaconale, le Diafrat, et son aide aux apprentissages des enfants du quartier, des visites aux membres lointains ou isolés et son accompagnement et démarches pour les familles exilées. L’Église comprise ainsi comme le lien de l’amour des uns pour les autres devient donc un véritable foyer de transformation des rapports entre humains, un germe de ce que nous espérons voir étendu à la dimension du monde entier, et, précisément, la source qui nous donne la force d’œuvrer à cette mission.
Tout humain devient le prochain qui m’est donné d’aimer, puisque l’expérience continue du miracle de la communion ensemble nous est la preuve et la garantie offerte par Dieu que ce lien est possible. Ainsi, en effet, « tous », le monde entier, « saura que nous sommes disciples » : il verra et éprouvera par notre être et notre agir la présence de Dieu au monde. Comme Dieu est venu à nous en assumant les traits d’un homme qui a porté des gestes paroles et des regards d’amour et de pardon, à nous aussi, qui somme son corps mystique, de continuer sa présence au monde. Nous sommes collectivement le Christ et le germe de la résurrection de l’humanité à une vie nouvelle où les logiques anciennes de domination, de prédation et de mépris ont disparu, où l’humain devient précieux à l’humain.
Voilà ce que les disciples avaient besoin d’entendre à ce moment, et qui nous est rappelé chaque fois par l’écoute de l’Écriture, la prédication, la communion à la sainte Cène, aussi dans nos moments de doutes, de frictions, quand la solidarité n’est pas évidente, qu’il faut parfois plus se supporter que s’apprécier, et que la tâche est tout simplement difficile et qu’on rechigne et s’irrite. Sachons alors aussi que l’amour dont il est question ici, agapè, comprend une dimension au-delà de l’affection immédiate. Il s’agit d’aimer, certes pas en niant totalement nos émotions, comme une sorte de devoir à accomplir froidement par pur sens de l’obligation, mais en les plaçant en regard de l’amour divin auquel tout humain sans condition et exception est appelé et qui fonde sa dignité inaliénable. Ainsi, sans effacer les affections que nous porterions spécifiquement, du fait de notre histoire personnelle, à nos plus proches, famille ou amis, cette forme d’amour nous ouvre à une perspective plus large sans aucune hiérarchie et qui demande donc un type d’engagement particulier. C’est là précisément que la réalisation collective prend tout son sens : les faiblesses individuelles sont transcendées par la force qui émerge du collectif.
Mais une fois avoir dit tout cela, une fois un peu mieux saisi tout ce qu’implique ce commandement, a-t-on pour autant réglé la question de notre impuissance apparente, que j’évoquais au début ? Cette œuvre est-elle réalisable encore quand plus que jamais les forces contraires s’acharnent ?
C’est là il me semble que la mention étonnante de la gloire en ouverture du discours de Jésus peut nous éclairer. D’abord, l’affirmation « maintenant le Fils de l’homme a été glorifié » est un défi aux limites du temps et de l’espace. Jésus avait déjà annoncé à son arrivée à Jérusalem que le Fils de l’homme allait être glorifié, mais il faisait aussi allusion, par l’image du grain qui meurt en terre et en disant qu’il allait être « élevé », à la crucifixion qu’il subirait. Saisi un moment par le doute, pour reprendre force et courage d’accomplir ce qu’il devait, il s’adressait à son Père « Père glorifie ton nom » et une voix céleste lui avait répondu « je l’ai glorifié et je le glorifierai encore ». Ici encore dans notre passage, la gloire du Père se révèle dans celle du Fils, et transcende le temps car elle est toujours déjà existante : passée, présente, et à venir. Au moment de la trahison nocturne, au moment où tous les disciples s’illusionnent encore en partie sur la mission de leur maître, Jésus pointe vers une réalité éternelle, proclamant ainsi que l’histoire telle qu’on la voit se dérouler n’est pas la fin de tout horizon, de toute espérance.
Le Fils de l’homme, c’est-à-dire le Fils en tant qu’être humain, fait rayonner la gloire du Père, et le Père fait rayonner « en lui-même » en son sein, la gloire du Fils, comme il était de tout éternité, comme Jean dit au prologue de l’évangile « la Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu ». Par ce langage de la gloire, Jésus révèle en fait ici la relation intime des personnes divines, la communication mutuelle incessante du souffle sacré d’amour de l’une à l’autre, à laquelle nous aussi nous pouvons participer par le Christ incarné : Dieu se fait humain pour que l’humain entre dans la vie divine. Par ce préambule étonnant, Jésus donne le sens du commandement d’amour qui suit : de même que le Père aime le Fils et celui-ci en retour, de même nous nous aimons les uns les autres. La vie de communion que nous devons étendre au monde entier est le prolongement de la vie divine elle-même. C’est une première assurance fondamentale pour ne jamais totalement se décourager dans notre mission : elle a ses racines dès avant la fondation de l’univers, en Dieu lui-même.
Ensuite, le mot même de « gloire » si nous le regardons bien, offre une perspective pleine d’assurance. La doxa en grec, renvoie à l’éclat, à la lumière, aussi à la renommée, à l’idée qu’on a de quelqu’un et donc plus largement à l’opinion. Or de prime abord, toutes ces dimensions sont précisément dans l’ordre premier du « monde » au sens négatif tel que le dénonce Jean, des causes et des occasions redoutables de perdition. C’est l’éclat, la renommée, la gloire des grands hommes, des grands mâles conquérants, chefs de guerres, des richissimes, des célèbres de tous les temps dont regorgent à en vomir les livres d’histoire et les monuments et qu’encense aujourd’hui le clergé médiatique. C’est l’exigence de beauté et de succès matériel et social jamais atteignable érigée en but désirable jusqu’à provoquer la souffrance et des comportements autodestructeurs notamment chez des plus jeunes. C’est le vacarme des opinions infondées érigées comme vérité alternative, l’usage du mensonge et de la désinformation comme arme pour épuiser peu à peu même les meilleures volontés, pour nous décourager de pouvoir finalement croire encore à quoi que ce soit. C’est les dogmes et les idéologies mortifères.
Cette brillance-là, la gloire « de ce monde » repousse par contraste dans l’obscurité, l’infâmie, la négligence et les marges de l’histoire des vainqueurs, tout ce qui n’est pas elle : les femmes, les colonisés, les minorités, celles et ceux qui n’ont pas le corps ou l’esprit comme il faut, celles et ceux qui restent sous les vocables dont on a voulu les affublés : hérétiques, sauvages, barbares, sorcières, ratés, tarés, cas sociaux, pervers, dissidents, terroristes etc. Tout ce qu’étaient aux yeux de l’empire de l’époque nos ancêtres dans la foi, comme les communautés auxquelles s’adressent les évangélistes.
Mais voilà, l’empire lui, au moins sous la forme qu’il avait à l’époque, n’est plus, César est mort et Christ lui vit toujours. Et comme la gloire du Christ, nous l’avons vu, c’est la vie même de Dieu, qui est amour, qui s’accomplit depuis l’éternité jusque ici-bas dans le temps par nous son Église et tout humain de bonne volonté, nous comprenons qu’elle prend à revers la fausse gloire, l’éclat artificiel et ténébreux du monde dans lequel elle croît comme le levain dans la pâte afin de le transfigurer et qu’il brille enfin d’une lumière vraie. C’est une gloire qui va contre une autre, une doxa proprement paradoxale, et qui justement renverse les présupposés, s’arme de tout ce qui est faible aux yeux des puissances mondaines. Celle dans laquelle l’amour agapè s’accomplit quand le plus grand est le serviteur de tous, où la concurrence absurde et le jugement et le préjugé fondés sur des conditionnements qui nous enfermaient se brisent enfin pour laisser s’épanouir d’autres relations bien plus authentiques. Elle est le courant de vie à contre-courant des logiques de mort et de vengeance, l’échos patient et laborieux de la vérité contre le bruit insolent et tapageur du mensonge, le travail constant de la lucidité. Chacun a de quoi apporter à l’édifice.
En ce sens certainement, pour finir, peut-on dire que c’est une œuvre « nouvelle ». Non pas que s’aimer les uns les autres devenait nécessaire et vrai uniquement à ce moment-là dans le temps de la vie de Jésus, car c’est en fait depuis toujours la loi de Dieu pour l’humanité qu’il veut sauver, et c’est par cette loi d’amour même qu’il réalise ce salut. Mais « commandement nouveau », parce que cette œuvre est toujours continuellement à reprendre, à renouveler, et elle-même source de renouveau. Dans son accomplissement peu à peu nous sommes transformés, et tous nos frères et sœurs en humanité avec nous, nous devenons un même peuple en marche pour vivre dans la plénitude de la vie de Dieu.
Puissions-nous alors toujours être en veille et à l’écoute, prêts pour être et agir en disciple selon ce que Dieu mettra de nouveau sur notre chemin.
Et aussi, parfois, trouver la joie de se laisser surprendre par ce que peut accomplir l’amour.
AMEN.
MUSIQUE
CONFESSION DE FOI
Nous croyons en Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, qui s’est fait homme pour que
nous ayons pardon, joie et salut.
Nous croyons qu’il est mort et ressuscité pour nous donner la victoire sur la mort
et l’assurance de notre résurrection.
Nous croyons qu’il viendra dans la puissance et la gloire,
comme il est venu dans la faiblesse et l’humilité.
Par lui, nous croyons en Dieu notre Père, qui nous prend pour ses enfants
et nous aime comme Il aime Jésus-Christ.
Nous croyons en l’Esprit Saint qui agit en notre esprit et nous atteste que nous sommes
enfants de Dieu, qui guide l’Église par sa Parole
et nous révèle la gloire de Jésus-Christ.
Nous croyons l’Église universelle, visible et invisible, pécheresse et pardonnée.
Nous croyons que nous sommes tous liés à Jésus-Christ.
Nous croyons que le Royaume de Dieu est notre commune espérance. AMEN.
CHANT 34-06 « En toi, Seigneur, par ton Esprit »
ANNONCES
OFFRANDE
PRIÈRE D'INTERCESSION
Seigneur notre Dieu, répands ton Esprit sur nous tous qui
sommes baptisés au nom de ton Fils, sur nos enfants, sur tous celles et ceux
qui errent au loin et n'entendent pas ta voix qui les appelle.
Répands ton Esprit sur celles et ceux qui souffrent sans comprendre,
sur celles et ceux qu'accablent l'injustice et l'oppression, sur celles et ceux qui
chancellent sous le poids de leur croix.
Répands ton Esprit sur celles et ceux qu'aucune voix amie ne vient
guider, sur celles et ceux que personne n'appelle par leur nom, sur celles et ceux qui,
au milieu de la foule, restent enfermés dans leur solitude.
[court silence]
Nous te prions pour les responsables des nations qui rêvent de leur imposer silence.
Nous te prions pour celles et ceux qui n’ont aucun pouvoir,
pas même celui de faire entendre leur voix, et qui fuient devant la force des puissants.
Nous te prions pour les riches, qui ferment leurs oreilles au cri des affamés ;
nous te prions pour les affamés que révolte l’inconscience des riches.
Nous te prions pour les chefs de guerre qui ne connaissent que les armes pour instaurer la paix.
Nous te prions pour les artisans de paix qui ne parviennent pas à faire reculer la haine et la violence.
Nous te prions pour celles et ceux qui, dans l’insouciance de leur bonne santé,
se préoccupent uniquement de leur corps.
Nous te prions pour les malades qu’angoissent la souffrance, la solitude et la mort.
Nous te prions pour les croyants sans cesse guettés par le doute,
et pour les incroyants que la soif de comprendre et la joie de vivre rapprochent mystérieusement de toi.
Beaucoup de nos frères et de nos sœurs en Christ comptent aujourd’hui sur notre prière.
Nous te les nommons dans le secret de nos cœurs.
[SILENCE]
Seigneur notre Dieu, qui as fait d'un troupeau sans berger un
peuple de prêtres et d’héritiers du Royaume, unis par le lien de l'amour, donnes-nous en abondance
la vie apportée en ce monde par Jésus, ton Fils, qui nous a enseigné cette prière que nous élevons vers toi, en communion avec ce peuple qui défit le temps et l’espace :
NOTRE PÈRE
EXHORTATION CHANT 52-17 « Libres de nos chaînes »
BÉNÉDICTION
MUSIQUE